Le président Emmanuel Macron a officialisé hier soir le nom du nouveau Premier ministre français, au lendemain de la démission d'Elisabeth Borne après 20 mois à la tête du gouvernement. Il a dit «compter» sur l'»énergie» de Gabriel Attal, nommé Premier ministre, pour mettre en oeuvre son «projet de réarmement et de régénération» avec «dépassement et audace». L'Elysée a ainsi confirmé dans un communiqué la nomination du jeune ministre de l'Education nationale pour «former un gouvernement». Gabriel Attal entre à Matignon pour tenter d'insuffler une nouvelle dynamique au second quinquennat du chef de l'Etat. Sa nomination a été retardée de lundi soir à mardi matin, alimentant les spéculations sur de possibles résistances internes - notamment des poids lourds du gouvernement Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, démenties par les intéressés. A trois ans de la fin de son mandat, Macron est à la recherche d'un nouvel élan et se trouve dans une situation délicate face à la montée de l'extrême droite dans le pays et en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale. A la tête du gouvernement depuis mai 2022, Mme Borne a réussi à faire passer des lois difficiles, notamment une très impopulaire réforme des retraites au printemps dernier et une loi controversée sur l'immigration en décembre. Elle a surmonté une trentaine de motions de censure. Le chef de l'Etat l'a remerciée sur X pour son travail «exemplaire» au «service de la Nation». Mme Borne, 62 ans, était la deuxième femme à occuper ce poste dans l'histoire de France. Figurant parmi les personnalités politiques préférées des Français et macroniste de la première heure, Gabriel Attal, 34 ans, est le plus jeune Premier ministre de la Ve République. Parmi les autres noms évoqués, figuraient le ministre des Armées Sébastien Lecornu, 37 ans, un proche d'Emmanuel Macron venu de la droite, et l'ancien ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, 43 ans, un autre macroniste historique. Le choix du nouveau Premier ministre est loin d'être neutre pour maintenir l'équilibre précaire du camp présidentiel, mis à mal par les divisions sur la loi immigration, adoptée avec les voix de l'extrême droite. Le mandat du futur chef de gouvernement sera placé sous le signe du «réarmement» vanté par Macron lors de ses voeux du Nouvel An: «réarmement industriel, économique, européen» mais aussi «civique», autour notamment du vaste chantier de l'école que Gabriel Attal a porté depuis l'été. Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, le choix de cette personnalité incarnerait une «stratégie très offensive en vue des élections européennes» de juin, où l'extrême droite est donnée gagnante en France. Le chef de l'Etat fait face à un mécontentement croissant depuis sa réélection en 2022. Après deux mandats, Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter en 2027 et un enjeu crucial sera d'empêcher la figure de proue de l'extrême droite, Marine Le Pen, qu'il a vaincue au second tour des deux dernières présidentielles, de le remplacer. Issu de la mouvance des jeunes soutiens de Dominique Strauss Kahn, ancien poids lourd de la gauche tombé en disgrâce après avoir été arrêté pour agression sexuelle en 2012 à New York, Gabriel Attal avait fait partie des premiers socialistes à suivre Macron à la création en 2016 de son parti En Marche!, tremplin vers l'Elysée. Entré par la petite porte au secrétariat à la Jeunesse, son ascension a été fulgurante: porte-parole du gouvernement, ministre du Budget, il a hérité de l'Education nationale en juillet. A la tête de ce ministère, il a séduit les populations âgées qui constituent le coeur de l'électorat macroniste, avec ses prises de position en faveur de l'uniforme ou de l'interdiction de l'abaya à l'école. En France, le président fixe traditionnellement les grandes orientations du quinquennat, tandis que son Premier ministre, responsable de la gestion quotidienne du gouvernement, paie généralement les pots cassés en cas de turbulences. Mais Macron est régulièrement accusé par ses détracteurs de concentrer les pouvoirs et faire de la micro-gestion. «Le Premier ministre, ce sera Emmanuel Macron», a ainsi ironisé à la télévision publique le candidat de gauche aux européennes Raphaël Glucksmann.