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La conspiration du silence
Albert Camus
Publié dans L'Expression le 19 - 02 - 2024

Beaucoup d'Algériens y compris des écrivains et des intellectuels continuent de se prosterner devant sa statue. Il est pour beaucoup le Sésame qui ouvre les portes les plus fermées dans l'Hexagone. À une condition: qu'on loue son culte. Sa fille Catherine, gardienne du culte, les éditions Gallimard, cerbère vigilant, veillent au grain. Personne n'ose toucher à la statue du commandeur y compris les biographes les plus expérimentés. S'ils écrivent sur Camus c'est toujours à décharge en plantant ici et là quelques banderilles inoffensives pour donner l'impression qu'ils ont «osé» critiquer le maître. Le taureau Camus a le cuir épais et les cornes effilées. Ainsi de Lottman à Todd et une foule d'autres biographes on nous présente un Camus humaniste, aimant les «Arabes» mais contre leur indépendance, aimant sa mère, mais aimant aussi toutes les autres mères. Certains, écrivains algériens de souche, nous le dépeignent comme un frère, comme un Algérien. Un nom? Mohamed Dib. On s'arrêtera à Dib pour éviter la polémique. La futile polémique. Dib est-il fou? Non. Extatique. Touché par la grâce, lui aussi, de saint Camus. Il faut l'entendre parler de lui. Il avait l'eau à la bouche. Une midinette. Pour tout dire, il était mal informé ou manipulé. Car Camus est un peu comme les poupées russes: il est plusieurs dans un seul. Ou peut-être un seul dans plusieurs, allez savoir avec lui.
Camus public, Camus poseur
Il y a d'abord le Camus public. Celui-là soigne sa com. Sa posture. Au-dessus du lot. Seul dans sa grandeur, comme le décrit Amrouche. On le retrouve dans ses écrits et dans ses déclarations. Parfois il laisse échapper un lapsus qui le trahit. Comme en Suède avec sa fameuse tirade sur sa mère et la justice. La beauté du style de Camus surtout quand il chante l'Algérie de Tipaza nous fait oublier qu'il était un «écrivain du littoral», comme le qualifie Jean Pélegri, ne connaissant rien à l'Algérie et aux Algériens, aux «Arabes» comme il les appelait.
Il y a surtout le Camus intime, celui qui se lâche auprès des siens, pas tous, seulement ceux en qui il a une confiance totale, aveugle. Et c'est celui-là le vrai, sans comédie ni masque qui nous intéresse et qui se révèle dans toute sa vérité. Son horreur pour ceux qui ont cru en lui.
Venons-en au fait, aux faits. Dans les Carnets de Jean Grenier- son ami et ancien maître au lycée Bugeaud d'Alger, aujourd'hui l'Emir, se trouve des mots de Camus qu'aucun biographe où critique n'a relevé à ma connaissance. En effet, à la date du 19 février 1957, Camus affirme à Grenier «En Algérie, le collège unique, s'il y a autant d'électeurs pour les Arabes que pour les Européens, est impossible. On ne peut pas mettre sur le même pied une population majeure et une autre qui n'a pas de maturité. La démocratie consiste dans une égalité qui n'est pas numérique.
C'est ce que j'ai dit dans un rapport confidentiel qu'on m'a demandé pour un cercle susceptible d'influencer les décisions du gouvernement.» Lisons et relisons ces mots pour faire le deuil du Camus qu'on croyait. Qu'on rêvait. Ces mots il ne les écrira jamais. Posture. Mais ces mots terribles suintant «la dichotomie coloniale» il les a dits dans le secret de la confidence et de la confiance à un maître qu'il avait dépassé en gloire.
Ne croirait-on pas entendre le docteur Porot, fondateur de l'école de psychiatrie algéroise «qui voit dans l'indigène nord-africain un homme primitif dont l'évolution cérébrale est anatomiquement défectueuse, différence raciale génétiquement fixée.» Paternaliste, lobbyste, colonialiste, raciste tel était finalement Camus qui prône la supériorité des Européens sur les Arabes. Kateb Yacine lui-même s'était posé la question d'un Camus en raciste dissimulé.
Jean Mouhoub Amrouche qui l'a connu de près, note que les «arabes et les kabyles» sont pour lui une entité abstraite. Invisible donc.
Qui n'existe pas. Il n'y avait que les Français sur cette terre d'Algérie expurgée de ses fils dont aucun ne fut de ses amis, trop différents à son goût ou à son dégoût. Au choix.
Petit Blanc caché, cachant son jeu en public, se jouant des uns et des autres, déjouant les pistes, Camus a été épargné par la postérité grâce à la conspiration du silence des clercs. Sans doute son prix Nobel qui en fait une figure emblématique du patrimoine culturel français n'est pas étranger à cela. Vous imaginez un prix Nobel raciste alors qu'il est sensé porter des valeurs de fraternité et d'humanité? Un scandale.
La face cachée d'un «humaniste»
Alors on cache ce qu'on ne saurait voir. Reste une question inévitable: comment se fait-il que ces propos qui mettent bas la statue du Camus que la postérité a figé dans la posture de l'humaniste déchiré par la guerre d'Algérie aient échappé à des biographes aussi rigoureux qu'Olivier Todd en sachant que sa biographie sur Camus a été publiée en 1996, soit 5 ans après Les carnets Grenier, édités à titre posthume et on comprend pourquoi. Moi-même j'ai écrit sur Camus un roman Un parfum d'absinthe (Camus dans le narguilé). Je l'ai présenté comme un humaniste mais contre l'indépendance, un colonialiste de bonne volonté comme l'avait qualifié Raymond Aron. Mais Camus avait beau cacher son jeu, voilà que Grenier, sans doute jaloux du succès de son ex-élève- révèle sa face cachée. La vraie. Celle qui fait si mal aux camusiens. Et tant de bien à ceux qui n'ont jamais cru en lui en apôtre de l'amour et de la paix. Aimant trop les siens pour vraiment aimer les autres, trop craintif et trop distant pour se rapprocher des «Arabes» qui lui donnaient la frousse. Dernière preuve. Dernière épreuve. Un jour Grenier lui demande d'acheter une maison en Algérie puisque il aime tant le pays. Réponse de Camus: «Il y a les Arabes» Pour Grenier, les «Arabes» ne le gênaient pas par leur présence mais par le fait qu'ils avaient été dépossédés. Explication très subjective d'une confidence publiée dans un livre de Souvenirs sur Camus chez Gallimard, éditeur du prix Nobel. Pour comprendre cette confidence il faudrait la mettre en perspective avec celle des «Arabes qui n'ont pas de maturité.» On comprend alors qu'elle la confirme: Camus ne pouvait pas supporter les autochtones qu'il n'a jamais essayé de connaître.
À défaut de les effacer du pays, il a préféré s'effacer lui-même en partant vivre en France dès 1940. À Paris puis à Lourmarin qui ressemblait trop à l'Algérie sans...les Arabes. Sa mère, elle, n'a jamais voulu le suivre, en dépit de son insistance, dans ce pays sans Arabes... C'est bien lui, Camus, qui a dit: «Allez toujours trop loin, car c'est là que vous trouverez la vérité.» On l'a pris au pied de la lettre.


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