Loin de l'hystérie politico-médiatique provoquée par l'extrême droite française, la crise entre l'Algérie et la France fait ressortir des éléments d'appréciation qui remettent en cause les thèses défendues par le Premier ministre, François Bayrou, dans ce dossier. Dans un article daté d'hier, le quotidien français Le Monde décortique la tactique et la rhétorique de Matignon, notamment sur la dénonciation de l'accord bilatéral de 1968. «Ce texte est présenté par la droite et l'extrême droite comme un emblème de la prétendue générosité française à l'égard des Algériens», note le journal. Tout le battage médiatique dont il bénéficie de la part des tenants de cette extrême droite en a fait une sorte de sésame que détiendrait l'Algérie et qu'il faut absolument briser pour «libérer la France», comme le ressasse Eric Zemmour. Dans les faits, «il n'en est rien», note le quotidien français. «Il a été négocié à la demande de Paris pour limiter leur afflux, à un moment où la France désirait diversifier les origines de sa main-d'oeuvre immigrée», explique-t-il. On en arrive à penser que le Premier ministre français se bat contre des moulins à vent. Et c'est d'autant plus évident que ce fameux texte n'a laissé aux Algériens, «au fil de ses renégociations successives, que des avantages marginaux», écrit Le Monde. En d'autres termes, garder ou supprimer cet accord ne changera rien aux rapports entre l'Algérie et la France dans le domaine des flux migratoires. Cela étant dit, l'acharnement de l'extrême droite française et son influence sur le Premier ministre font faire à ce dernier des fautes de débutant en politique. Bayrou, qui se targue d'être un vieux routier de la scène française, est tombé assez bas «en présentant les victimes de l'attentat de Mulhouse comme les ''victimes directes du refus d'application''de l'accord de 1968». Pour Le Monde, il «a montré sa méconnaissance du dossier: ce texte régit les conditions d'entrée et d'installation des Algériens, nullement les expulsions», corrige le journal français. Cette méprise, qui décrédibilise le travail du Premier ministre, traduit la nullité des actions qu'il entreprend sous la pression de son ministre de l'Intérieur. Le recadrage d'un médias français renseigne sur l'état de panique qui sévit à Matignon, comme à Place Beauvau. Bayrou et Rettailleau tirent visiblement à blanc dans une «guerre des mots» qu'ils ont déclenchée, sans aucun artifice à même de donner de la suite à une rhétorique qui s'est révélée stérile, comme prouvé par un prestigieux journal. Le Monde se range sur la position du président Macron et note que «dépoussiérer l'accord de 1968 peut donc apparaître légitime». Et d'ajouter: «En 2022, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a lui-même, selon Emmanuel Macron, ''envisagé de [le] rouvrir pour [le] moderniser''». Tout est dit dans cette phrase. L'accord existe, mais ne relève d'aucun tabou. Sa «modernisation» est admise sur le principe. Il reste simplement, souligne l'article du Monde, que «l'Exécutif français adopte une position cohérente et une méthode adaptée à cet objectif». La balle de l'accord de 68 est donc dans le camp français. Et les acteurs politiques de l'Hexagone ne savent visiblement pas quoi en faire. Entre l'Elysée et Matignon, il règne une cacophonie révélatrice des luttes qui secouent le régime de Paris, dans la perspective de l'élection présidentielle de 2027. Cette échéance a fait perdre le nord aux acteurs politiques qui, en règle générale, devraient agir sous la coupe de l'Etat et gérer dans la cohérence des pouvoirs. «Tel n'est pas le cas», constate le journal Le Monde. Cette manière de faire de l'extrême droite a pour effet d'«entretenir des joutes politiciennes, sans autre résultat concret que d'alimenter l'extrême droite», constate le quotidien français. Dans ce bras fer au sein du régime divisé de Paris, «Emmanuel Macron a eu beau jeu d'affirmer que la dénonciation d'un texte ayant valeur de traité international - une prérogative présidentielle - n'a ''aucun sens''», note le journal. Et d'ajouter: «Une telle décision risque de ramener l'état du droit aux accords d'Evian, qui posent le principe de la libre circulation entre les deux pays.»