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Bouira en temps de jeûne
Une simple balade en ville
Publié dans L'Expression le 11 - 03 - 2025

Avec le Ramadhan, nos habitudes changent. Nos mœurs aussi. Et parce que tous ces changements entraînent un nouveau mode de vie, notre corps aussi change afin de s'adapter aux nouvelles conditions. Il résulte d'un tel bouleversement quelque désagrément qui est ressenti au début du Ramadhan et à la fin, le temps que la mécanique, un instant prise au dépourvu, ne se rode de nouveau.
Le sentiment général est que les jambes et les bras sont moins souples que de coutume, les yeux moins vifs, les oreilles moins attentives et l'esprit plus lent. Les erreurs s'accumulent et nos impressions sont que rien n'est à sa place, rien comme avant.
Le sentiment, cet après-midi en quittant notre village pour Bouira, est que-dérèglement de la notion de temps compréhensif- c'est toujours la matinée. Sentiment démenti par l'heure affichée sur le tableau de bord de notre bus. Celle-ci marque 13h13mn au moment où le véhicule de transport commun s'arrête à côté de la gare routière. Peu de gens à l'intérieur et à l'entour. Il n'y a pas foule comme à l'ordinaire. D'ordinaire, il y avait un tel chassé croisé de voyageurs et de bus entrant ou sortant. Beaucoup d'étudiants. Ils rentrent chez eux. Taciturnes, ils semblent pressés d'être chez eux. Le sommeil les pousse vers le lit. Nombre d'entre les passants ont le portable à la main. C'est le lien qui les relie au monde ou à leurs familles. La RN18 qui passe à côté de la gare routière offre un spectacle inhabituel. La circulation est réduite à sa portion congrue. Elle le restera jusqu'au terminus, quand le bus repart. Au rond-point d'Amar Khodja, réputé pour ses encombrements, la route est presque vide et les magasins, où on entendrait voler une mouche, ont l'air de somnoler. Au second rond-point, à hauteur de l'ancien barrage de la police, quatre chiens endormis créent un instant chez le voyageur, quand le bus prend le sens giratoire, l'illusion d'être devant un manège en mouvement.
La rue Ferrachati, qui est une avenue qui se continue jusqu'à l'Ecotec, est tout aussi peu fréquentée. Les magasins, côté gauche, (à droite, ce sont des bâtiments publics), paraissent, eux aussi, être figés dans le temps. Peu de voitures, peu de monde jusqu'à Souk Errahma. Visages fermés d'où toute expression semble bannie. On marche au milieu de personnes qu'on ne connaît pas. Cela dispense de saluer et d'échanger. Le silence nous accompagne dans notre vadrouille à travers ce centre commercial soudain déserté. Derrière, les petits commerçants qui occupaient l'espace en exposant leurs marchandises à même le sol ont levé les voiles avec la promesse de se revoir à la mi-Ramadhan. Une jeune dame surveille deux petits gosses blonds qui jouent sur un toboggan abandonné, à côté de la Maison de la presse. Lieu naguère si animé, si bruyant. Un coup d'œil rapide à l'intérieur de cette structure qui porte désormais le nom de notre regretté confrère Abdenour Merzouk. Le silence est tout aussi impressionnant. Plus, nulle part, cette ambiance de foule fêtarde que le printemps favorise en rendant si joyeuse et si communicative. Plus cette rumeur propre à un centre-ville vivant. Plus d'encombrement qui se forme d'ordinaire à l'angle de la rue Mahdid Bachir, l'une des plus fréquentées, mais aussi des plus commerçantes.
Pour créer de l'ambiance
Un cordonnier adossé au mur de clôture de l'ODJ et qui a l'air de bailler aux corneilles, arrête notre course. Il s'appelle Yahia et si le travail manque, il ne se plaint pas. À 70 ans, il estime que les carottes sont cuites. Non, ce Ramadhan, pour tout dire, est moins gai. D'abord, la vie est chère et les gens rient moins. Et puis, il ne sait plus à quoi, c'est dû, ce climat morose. Peut-être les gens ne savent-ils plus rire, tout simplement ? En tout cas, ce n'est pas la fête. Avis partagé avec un client qui arrive avec une sandale à réparer. Mais oui, la vie est dure pour tous. Et il déroule : les prix qui n'ont pas attendu le Ramadhan pour s'envoler. La pomme de terre, la tomate, les carottes sont hors de prix. Tenez, hier, par exemple, au marché, le haricot vert (Hocine dit « mange-tout ») se vendait à 450 DA. Certes, le poulet est moins cher. Mais même à ce prix, l'est-il pour tous ? « Un monsieur qui avait l'air comme il faut, en me voyant descendre de voiture se précipite vers moi et me demande de lui acheter un poulet, parce que, me disait-il, cela faisait longtemps qu'il ne mangeait plus de viande », ajoute Hocine ce client.
Amers, nous reprenons notre chemin. La douceur de l'air est phénoménal, cependant, nous conservons sur les épaules notre manteau. La méfiance reste de rigueur. Hier, il pleuvait, même si c'était le soir et pas de quoi noyer une souris.
Chemin faisant, combien de mendiants avons-nous croisés sur notre route depuis notre arrivée en ville ? Trois au moins. Des femmes. Une assez jeune avec son bébé. Qu'est-ce qui manquait chez elle ? Le pain? Le lait ? Le café ou le sucre ? Nous n'osons même pas imaginer qu'elle puisse rêver de viande ou de zalabias.
À un magasin de vêtements, tenu par Nasrou qui remplace son frère, le même pessimisme nous accueille. Les traits de Nasrou s'assombrissent. Les affaires ne vont plus comme on veut. Surtout en ce début de Ramadhan. Elles n'allaient déjà pas mieux avant. Quant aux soirées, les gens préfèrent rester chez eux. Et avec la douceur des nuits, on ne peut pas dire que c'est à cause du temps.
À la Maison de la culture où nous conduisent tout naturellement nos pas, car c'est en ce lieu que se concentre la vie culturelle de la ville et même de la wilaya, toutes les personnes que nous avons interrogées demeurent moins affirmatives, estimant qu'il est trop tôt pour juger, mais toutes affirment cependant ne pas trop veiller et seulement à la maison.
Pourtant, c'est à leur intention, comme à l'intention de tous les « noceurs » que la direction de la Maison de la culture a élaboré un programme riche et varié pour amener les gens à sortir de chez eux et à s'en donner à cœur joie. Il y a d'abord ces soirées artistiques où, selon le directeur Mohand Zine Mekbel, se produiront des chanteurs chaâbi et andalous. Tous de la wilaya. « Tous des artistes locaux » précise notre interlocuteur. Le programme culturel se complète ensuite par des pièces de théâtre, dont celle portée par l'Association culturelle de Chorfa, jouée au Théâtre national algérien. Des spectacles pour enfants seront produits dans un grand nombre de communes comme Bouira, M'Chedallah, Aghbalou, Bechloul, Haïzer etc. Le 27, aura lieu un concours pour les meilleurs récitants du Saint Coran. Comme ces soirées ne débuteront que le 6 mars, la ville devra faire preuve d'imagination pour mettre un peu d'ambiance dans ses veillées.
En sortant de la Maison de la culture, nous nous heurtons à ce silence profond, là où nous l'avons laissé. Une place publique bien morne par rapport aux autres jours. Au-dessus d'elle un gros nuage, mais, non noir. Donc aucune menace de pluie. Un léger vent-nous aimerions dire brise-agite les centaines de petits drapeaux qui pavoisent la place. Une fillette assise dans un coin, du côté de l'impasse. De l'autre côté, en face d'elle deux autres fillettes. Tout aussi silencieuses que si elles se boudaient.
Khalti Nouara et son couscous magique
Devant le siège de la wilaya, une rencontre inattendue nous fait bondir. Une connaissance assez récente.. Cette femme se distingue d'abord par son âge vénérable, et puis par son français, qu'elle parle couramment et sans accent, et puis par son savoir-faire et sa connaissance des plantes médicinales. La première fois que nous la rencontrions, c'était dans le bus qui dessert Les Allemands. Elle se rendait à son atelier où travaille une équipe de deux femmes. Ce sont des rouleuses de couscous. Khalti Nouara, comme elle se surnomme, fabrique du couscous magique. Un couscous auquel elle incorpore 77 plantes médicinales, selon la maladie qu'elle veut combattre. En ce moment, elle se rend chez un malade qui réclame d'urgence ses soins. « Tenez, voici le numéro de téléphone d'un de mes malades. Il s'appelle Fayçel. Il est resté six mois à l'hôpital. Appelez-le. Il vous confirmera que c'est moi qui l'ai guéri.»
Nous nous rendions, à l'Institut Mohamed Saïki où se tenait deux journées de formation à l'intention des associations. Organisées par l'Observatoire national de la société civile, elles entraient dans le cadre de la prévention et de la lutte contre le crime et le financement du terrorisme. L'évènement regroupait plusieurs wilayas. Après Tipaza, c'était au tour de Bouira d'abriter ce séminaire.
Nous nous séparons de Khalti Nouara, pas avant que celle-ci ne nous avoue que c'est vrai que ce Ramadhan pèse un peu plus sur les plus fragiles de la société et que, touchée par tant de misère, elle avait fait don de 20 couffins.
Reprenant notre déambulation, nous tournons le dos au siège de la wilaya, au fleuriste et au café restaurant qui jouxtent le parking. Le ciel se pommelle de plus en plus de nuages, dont le Soleil, sans être ardent, triomphe sans peine.
Draâ El Bordj, sur notre gauche, tandis que nous progressons en direction de Harket, à la sortie ouest de la ville, a l'air de faire la sieste. À moins que le changement de mœurs intervenu dans notre vie à la suite du mois sacré qui transforme le jour en nuit, et la nuit en jour, ne prolonge son sommeil auquel il a dû céder à l'aube. Peu de monde dans cette artère qui prend naissance au pont Sayah. Circulation quasi nulle, sujette habituellement à des embouteillages fréquents.
Le lycée Abderrahmane Mira, plein de chahut les autres jours, paraît si calme, cet après-midi et les œuvres sociales qui ont un mur mitoyen avec cet établissement scolaire arbore la même taciturnité.
Au rond-point Harket, le pas se fait un peu traînant. L'attention, cependant, reste vive. C'est dans cet état que nous rejoignons la RN18, aussi vide qu'un chemin communal. Le même bus qui nous a ramené tout à l'heure en ville, nous rapporte au village sans tambour ni trompette. À côté de nous, un monsieur connecté, lit sur son portable une publication intitulée : le plan secret de Retailleau contre l'Algérie fuite. Nous, selon une vieille habitude, nous faisons de petits vers. C'est une manière comme une autre pour tuer le temps. Plein à craquer au départ, notre bus qui s'est vidé de moitié à la gare routière reste aussi muet qu'une carpe, jusqu'à l'arrivée au village, aussi tranquille qu'à l'aller.
Un peu de vie se manifeste, pourtant, devant la boulangerie et le marché de proximité. Les gens comprennent qu'il faut enfin sortir. Il y a nécessité. Des courses à faire, le besoin de se dégourdir les jambes, de prendre l'air, de bavarder un peu avec un ami. Si on ne les fait pas maintenant, quand est-ce qu'on le fera ? Nous consultons l'heure : 15h 20.


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