La Ve République française, qui a vu passer à place Beauvau, Jean-Pierre Chevènement, Charles Pasqua et Dominique de Villepin, s'égare avec l'actuel ministre de l'Intérieur. En fait, la France n'a jamais connu un ministre aussi borné que Bruno Retailleau. Pris dans l'ouragan de son ambition présidentielle, l'homme a tout oublié de l'usage qu'un responsable de sa stature est censé faire des prérogatives que lui a conférées la République. Il veut devenir le chef de l'Etat de la France. Pour ce faire, il pense avoir trouvé le plus court chemin vers sa prochaine gloire. Il a mis au point un plan qu'il croit astucieux et n'hésite pas à maltraiter plus de 6 millions de Français, d'Algériens et de Franco-Algériens. Car ce que lui importe, ce ne sont pas les OQTF qui lui restent sur les bras, mais bien tout ce qui se rapproche de l'Algérien. Les chiffres, récemment communiqués par une chaîne de télévision publique française, démentent le discours de Retailleau. Mais ce n'est visiblement pas son souci. Ce qui le fait courir, c'est précisément empoisonner la relation algéro-française, jusqu'à un point de non-retour. La menace de démission qu'il brandit vise justement cet objectif. Que l'Algérie soit la cause d'une crise majeure de régime en France est son objectif intermédiaire. Pour mieux implanter son drapeau, il s'est mis dans la tête de chasser sur les terres du président Macron et réclame à cor et à cri l'annulation pure et simple de l'accord de 1968. Il pousse son propre pays vers une impasse institutionnelle. Borné, Retailleau l'est manifestement! Mais l'est-il juste pour gêner Emmanuel Macron, tout en s'ouvrant le chemin vers l'Elysée, comme l'avait fait Sarkozy en son temps? Ce dernier a réalisé son objectif sur le dos d'une France meurtrie par des émeutes généralisées. Retailleau n'est pas loin de ce scénario. Mais il n'est certainement pas assez débile pour copier-coller son ancien patron. Non. L'homme est allé assez loin dans la provocation pour qu'on lui prête cette «petite» ambition. Il ne se satisfait pas d'être le successeur. Il entend marquer son époque en exigeant ni plus ni moins que de défaire un travail accompli par Charles de Gaulle lui-même. Rendons-nous compte que c'est cette personnalité rassembleuse du peuple français et véritable phare pour une bonne partie de la classe politique française, qui a signé l'accord de 1968. Le document original porte sa griffe. Qu'il soit modernisé, comme le souhaite Macron est une chose, mais qu'on le jette à la poubelle, reviendrait à remettre en cause une décision historique prise par le plus historique des Français. Ce n'est pas un acte banal. Même si Retailleau évite de citer le président De Gaulle, ses attaques incessantes contre cet accord poursuivent l'objectif de casser l'un des actes fondateurs de la relation algéro-française post-indépendance. L'accord de 1968 a été vidé de son sens, comme l'a souligné le président Tebboune. Mais ce que cherche le ministre français de l'Intérieur, c'est l'effacement pur et simple d'une séquence historique d'entente entre les deux Etats souverains. Epaté par le dynamisme de la jeune diplomatie algérienne, De Gaulle a confié son admiration du potentiel algérien à son ministre de l'Information, Alain Peyrefitte. Cette séquence a aussi du sens, lorsqu'on sait que le pire ennemi de De Gaulle n'était autre que l'extrême droite française, qui est à l'origine de l'OAS, puis du Front national qui s'est transformé en Rassemblement national. L'ADN est le même. Retailleau s'en sent le dépositaire. De fait, son acharnement est un acte symbolique, mu par un désir de vengeance post-mortem contre De Gaulle. Nostalgique de l'Algérie française, l'actuel ministre français de l'Intérieur veut arriver à l'Elysée, prioritairement pour effacer toute trace de De Gaulle. L'accord de 1968 et pourquoi pas les accords d'Evian et même le référendum d'avril 1962 qui a permis aux Français de France de voter l'indépendance de l'Algérie à plus de 90%? Retailleau doit savoir qu'il représente une infime minorité de Français racistes. La majorité silencieuse ne le suivra jamais dans son délire. De plus, toucher à De Gaulle est une hérésie pour le peuple français...