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La culture, la zerda et 2007
L'AUTRE REGARD
Publié dans L'Expression le 22 - 02 - 2007

Ce désintérêt affiché à l'égard de la production culturelle remonterait à la période du populisme du PPA-Mtld.
Ces derniers temps, on n'arrête pas de gloser sur cet événement trop ponctuel faisant pompeusement d'Alger la capitale de la culture arabe. Déjà, une question à laquelle ne semblent pas répondre les organisateurs de cette manifestation qui engloutira, certes, beaucoup d'argent et qui, par sa nature même, n'apportera pas grand-chose à la culture nationale: de quelle culture arabe sera-t-il question? Le monde arabe, dans sa pluralité, hors les murs officiels, sera-t-il présent dans un espace qui semble encore clos, d'autant plus que l'information sur cet événement est travaillée par une certaine clandestinité? Certes, des batailles rangées autour du leadership de cette manifestation ont mobilisé l'essentiel du temps de préparation. On promet beaucoup de choses sans définir préalablement ni les objectifs, ni la démarche à suivre, ni non plus les contours réels de cette rencontre qui durera toute une année dans un pays qui ne semble pas avoir beaucoup de choses à montrer, surtout que la production culturelle a toujours été le véritable parent pauvre de la gestion gouvernementale.
La dernière loi des finances n'accorde qu'une infime importance aux manifestations de l'esprit considérées comme trop peu rentables. Certes, la chose n'est nullement nouvelle dans un pays où tous les ministres en charge de ce secteur se sont toujours plaint d'insolubles problèmes financiers tout en acceptant la charge souvent sans projet ou programme clair. En 1977, Rédha Malek, fraîchement nommé par Boumediene à la tête de ce département, avait tenté de changer les choses en appelant à ses côtés des collaborateurs connus comme Rachid Boudjedra, Mohamed Khadda et Slimane Bénaïssa, mais l'enthousiasme des débuts allait céder à une forte résistance de pans entiers d'un département ankylosé et de collègues du gouvernement qui voyaient d'un mauvais oeil cette expérience qui allait reprendre un peu plus d‘une dizaine d‘années, en 1990, après avec le défunt conseil national de la culture (CNC) qui réunissait des hommes connus pour leur compétence comme Benhaddouga, Khadda et Alloula.
Enthousiasme et désenchantement
Ce désintérêt affiché à l'égard de la production culturelle remonterait à la période du populisme du PPA-Mtld, à la formation souvent rudimentaire de ses cadres et au caractère syncrétique de la représentation nationale. Les rares intellectuels de cette formation politique étaient marginalisés ou utilisés, dans la plupart des cas, comme des faire-valoir à un discours politique ambiant déjà mis en oeuvre. La dimension syncrétique marquait le discours et les comportements engendrant une sorte d'attitude ambivalente, à la limite de la schizophrénie née de la rencontre tragique avec la colonisation qui allait imposer ses formes de représentation à une société condamnée par ses élites à se détacher de sa propre culture. Cette situation est à l'origine d'une profonde césure, d'un déchirement qui n'allait pas manquer de provoquer de graves dégâts dans un pays enfin indépendant, mais qui reste piégé par les incidences d'une adoption irréfléchie, mais paradoxalement nécessaire à un moment donné, des formes de représentation européennes. Ce qui va occasionner de profondes blessures, de graves convulsions et d'irrémédiables violences. Une fois l'indépendance acquise, les choses ne devaient pas s'arranger surtout que la ruralisation des villes algériennes fait des ravages et rend encore plus difficile la mise en oeuvre d‘un projet culturel. L'anarchie de l'après-indépendance ne pouvait pas permettre la mise en oeuvre d'un discours culturel cohérent, autonome. Certes, des décisions portant sur la prise en charge des institutions culturelles, avaient été prises par le pouvoir, mais leur portée était très limitée. Ce n'est pas sans raison qu'il n'existait pas, dans le premier organigramme gouvernemental, un ministère de la culture, prérogative prise en charge par le ministère de l'Education nationale.
Les formes théâtrales, romanesques et artistiques restent foncièrement urbaines. C'est vrai que vers les premières années de l'indépendance, quelques hommes de culture, issus du FLN de la révolution et originaires de grandes villes, comme Mustapha Kateb et Mohamed Boudia, avaient lancé de grands chantiers culturels permettant aux villes algériennes d'être plus ou moins animées. D'ailleurs, durant cette période, de nombreux textes officiels sur la culture voyaient le jour. Durant les années 1962-65, les nouveaux dirigeants commençaient à mettre sur pied des institutions culturelles susceptibles de diffuser leur discours idéologique. Plusieurs entreprises avaient été nationalisées. L'Etat prenait le contrôle des salles de cinéma, de la télévision, des théâtres et d'une partie des maisons d'édition. En 1964, un organisme de cinéma, l'Office des actualités algériennes (OAA) fut créé. Ce qui est peut-être à relever, c'est le fait qu'en 1962 a été créée la première société privée de production et de distribution cinématographiques, «Casbah films». Les salles de spectacle, il y en avait plus de quatre cents (il en reste aujourd'hui, à peine une vingtaine, dans un lamentable état), avaient été prises en charge par les communes. Le CNC (Centre national du cinéma) ainsi qu'une école de formation, l'INC (Institut national du cinéma) avaient vu le jour en 1964. La cinémathèque algérienne, fleuron du cinéma en Algérie, était née également en 1964. Le CNC et l'INC allaient être dissous en 1967.
Cet enthousiasme du début s'émousse vite pour laisser place à un désenchantement dévastateur caractérisant tout le secteur culturel. Il faut attendre les années soixante-dix pour assister à une remontée, certes orientée, de la vie culturelle et intellectuelle, marquée par des décisions politiques et investie de profondes marques politiques. C'est l'ère de la production de nombreuses oeuvres illustrant le discours politique ambiant (révolution agraire, gestion socialiste des entreprises et médecine gratuite). C'est aussi la période de la généreuse idée des 1000 bibliothèques, malheureusement bloquée après le décès de Houari Boumediene, et des grandes caravanes culturelles, aujourd'hui, tragiquement disparues comme, d'ailleurs, ce qu'on appelait communément la «culture dans l'entreprise». Slimane Benaïssa avait monté sa pièce Boualem zid el goudem en 1975 grâce à l'aide de l'ex-Sonelec. Les années 80 vont sonner le glas de l'activité culturelle qui va connaître des moments sombres. L'Algérie n'importe plus de livres, surtout après le coup de massue de la chute des prix du pétrole de 1986. Les événements de Constantine de 1986 suivis de ceux d'Octobre 88, mettaient violemment en relief les limites d'une gestion politique trop traversée par les rumeurs et les bruits d'une répression et d'une censure rampante. Ainsi, l'Algérie recevait un coup sanglant révélant l'absurdité d'un enseignement trop dominé par les «sciences et les techniques» comme si l'élève devait être amputé de sa dimension spirituelle et intellectuelle. Il n'est nullement possible dans ce contexte, trop peu propice à l'épanouissement culturel de l'individu, d'assister à une embellie intellectuelle et à des débats de haut niveau, d'ailleurs, exclus du paysage national par des dirigeants peu soucieux de la présence de voix plurielles dans un univers ankylosé et sujet à de dangereuses violences. Les rares vrais débats que l'Algérie indépendante a organisés ont été tout simplement sabordés par des dirigeants politiques qui se découvrent tardivement, une fois exclus des travées du pouvoir, une âme de démocrates. On se souvient des discussions organisées en 1963-1964 par l'organe central du FLN dirigé à l'époque par Mohamed Harbi, Révolution Africaine, à partir de la reprise d'un entretien accordé par Mostefa Lacheraf au mensuel de Jean-Paul Sartre, Les Temps Modernes, et du débat enclenché par une interview du sociologue Abdelkader Djeghloul dans Algérie-Actualité en 1982.
Ces débats ne semblent pas près d'être réédités dans les conditions actuelles caractérisées par une indigence manifeste donnant à voir très souvent des universitaires reproduisant inlassablement des références étrangères, parfois trop peu opératoires, pour analyser une société algérienne qu'ils n'interrogent pas ou qu'ils ignorent comme si le terrain était exclu de toute exploration théorique. Ainsi, l'Algérie est drapée d'un voile mythique sous la plume d'un journaliste, d'un sociologue, d'un politologue ou d'un économiste qui occulte le terrain se suffisant de bribes d'informations et de chiffres, jamais parlants d'eux-mêmes, et trop médiatisés, donc arbitraires. Ce type de démarches fondées sur une «analyse par procuration» mène inéluctablement aux généralisations abusives et à des conclusions trop biaisées et trop factices. L'absence trop flagrante d'activités culturelles et de débats intellectuels à l'université est l'expression de la crise profonde vécue par cette institution et, peut-être, le miroir du déficit en matière culturelle dans la société.
L'activité culturelle est considérée comme un espace en déshérence, un univers étrange, surtout ces deux dernières décennies. Bibliothèques fermées, galeries d'art fermées ou transformées en espaces commerciaux lucratifs, les rares librairies qui restent sont vides, salles de cinéma encore en activité délabrées, université sinistrée, de nombreux intellectuels, artistes et universitaires à l'étranger, ce sont tous ces ingrédients qui illustrent la culture de l'ordinaire. La question culturelle ne semble pas trop intéresser les responsables algériens chargés de ce secteur comme les animateurs supposés de la vie politique, trop réfractaires à la chose artistique et littéraire. Combien de ministres, de walis, de maires et d'universitaires fréquentent les théâtres, les cinémas ou les galeries d'art et s'adonnent à la lecture? Ils sont trop peu nombreux. Le malaise est trop profond. Ce n'est pas le départ ou l'arrivée d'un ministre de la Culture qui changera les choses. Un véritable projet culturel associant les municipalités et les assemblées de wilaya et redynamisant l'activité culturelle dans les établissements scolaires et universitaires et les entreprises économiques est susceptible d'engendrer une vie culturelle intense. Il est peut-être temps de revoir le fonctionnement et la composante des centres culturels algériens à l'étranger, trop peu actifs et dont la pratique actuelle ne semble pas correspondre à leur vocation initiale. Que fait-on, au juste, au Centre culturel algérien de Paris?
À quand les réformes?
Ainsi, ce contexte peu reluisant, caractérisé par la marginalisation de l'activité culturelle, maintient cette pauvreté qui marque le secteur artistique et littéraire trop prisonnier de schémas désuets hérités des années soixante-dix. Le théâtre, encore régi par les textes réglementaires de 1970, fonctionne comme une entreprise économique, souvent avec un personnel administratif pléthorique. Une profonde réforme des théâtres d'Etat est nécessaire. Des troupes privées, dont le statut est calqué sur les coopératives de la Révolution agraire, activent tant bien que mal, malgré l'absence d'aide des pouvoirs public. Le cinéma qui a connu des années fastes, consomme depuis plus d'une décennie une crise qui n'en finit pas de recommencer, surtout avec la dissolution des trois entreprises de cinéma (Caaic, Enpa et Anaf).
L'Algérie ne produit plus de films. C'est, désormais, l'ère du mégotage dans un pays qui n'a jamais réussi à récupérer ses intellectuels installés et produisant le plus souvent à l'étranger. La grande partie de la littérature algérienne est éditée en France, en Belgique ou au Liban. L'imaginaire et la mémoire désertent, par pans entiers, les territoires nationaux pour d'autres cieux ou s'exposent à une disparition certaine. Comme ces pièces de musée, témoins d'une Histoire à reconstituer, ces textes dramatiques ou musicaux ou ces manuscrits, encore placés à l'ex-Sacem à Paris, ces films, perdus ailleurs ou engloutis dans l'humidité de la cinémathèque. Dans cet espace schizophrénique, le discours intellectuel ou culturel est assimilé à une sorte d'hérésie et à une intervention absurde dans une société anomique. La résistance au savoir et à la connaissance n'est pas uniquement due à l'intolérance des pouvoirs, mais investit également les différents espaces sociaux. Le texte, espace fondamental de tout débat et de toute communication intellectuelle, cède le pas à la parole. Les intellectuels, tout en les marginalisant, on veut faire d'eux des soldats de quelque cause perdue d'avance. Les différentes chartes et les programmes des partis politiques renseignent sérieusement sur la place accordée à la dimension culturelle et aux intellectuels considérés comme de simples scribes.
C'est dans ce contexte trop peu réjouissant que les pouvoirs publics organisent cette manifestation, «Alger, capitale de la culture arabe» qui permettra, comme le fameux «PAP» (Programme antipénuries, du début des années 80) de meubler l'année 2007. Les vraies questions sont ailleurs.


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