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Comment j'ai infiltré l'eldorado des contrebandiers
SUR LA FRONTIÈRE ALGERO-MAROCAINE
Publié dans L'Expression le 02 - 09 - 2007

A Maghnia, l'odeur du carburant est partout, même les maisons sont équipées de grosses réserves de gasoil, faisant d'elles de véritables stations d'essence.
Il y a à voir et à écouter sur la frontière algérienne avec le Maroc. Un endroit que l'on ne saurait qualifier. On avait tendance à le décrire à la colombienne. Ce n'est point fortuit. La frontière était jadis un pont qui reliait deux pays voisins, mais aujourd'hui elle est fermée à la circulation et ce depuis 1995. Entre-temps, la bande frontalière a pris peu à peu la forme d'un véritable coupe-gorge. Elle est de fait devenue un souk de la drogue et un lieu de transit habituel des contrebandiers. Nous étions sur la rive est de la bordure frontalière. A Tlemcen au juste. Il a fait terriblement chaud ce jeudi 30 août, et l'idée de pénétrer dans la bande frontalière ne quittait guère notre esprit. Une certitude: nous ne pouvons pas faire des omelettes sans casser des oeufs. De notre lieu de résidence à Tlemcen, frontalière avec le Maroc, nous nous affairions à tisser une première toile de contacts. Premier coup de fil, un ami et un bon connaisseur de la région. Il est originaire de Maghnia, important lieu de transit vers le pays voisin. Notre premier plan de travail était déjà prêt. Mais toujours provisoire tant que nous ne connaîtrions pas les autres «membres du combat». Tous favorisent l'anonymat. Lakhdar, la tête pensante de notre plan, s'est chargé de mener le groupe. Nous avons consacré les petites heures de la matinée à bien connaître le plan, les calculs et les heures de notre besogne. «J'ai tout préparé», nous a-t-il enfin annoncé. «Le départ devra intervenir dans l'après-midi». Le périple est composé de plusieurs escales et finira par un récapitulatif chez Faïza. C'est une femme charmante et combative, qui habite face au poste frontalier au lieu-dit Colonel Lotfi, à 7 km de Maghnia. «Jadis, c'était le passage préféré des voyageurs», nous explique-t-elle. Elle a accompagné Lakhdar pour connaître les «contacts» d'abord. Nous devrons la rejoindre chez elle à l'aube de la journée suivante. Oujda, province frontalière du Royaume marocain n'est qu'à quelques encablures de la fenêtre de Faiza. Nous ne connaissons nos autres partenaires que par téléphone. Lakhdar se charge de la grosse partie de la besogne. «Tout est fait dans la discrétion totale», nous rassure-t-il encore. Le coeur serré, nous prenons le chemin des contrebandiers à 14h30, armés seulement de la détermination et d'un simple sac à dos. Nous laissons des repères personnels à Tlemcen avant de nous mettre à l'oeuvre.
Nous rejoignons Maghnia après environ une heure de route. Nous sommes allés de refuge en refuge en passant par quatre principales escales: Maghnia, Bab El Assa, Boukanoun et Akid Lotfi. Sur la route, les «hallaba» (trafiquants de gasoil) font inlassablement la navette entre les ponts d'approvisionnement et la frontière. Traditionnellement, ils sont à bord des Renault 21, 25, Mercedes anciens modèles et Peugeot 405. Ces grosses cylindrées, au réservoir gonflé, assurent le cheminement du carburant à des dépôts de fortune situés sur la bande frontalière. De ces réserves aux points de vente, tantôt situés sur l'axe frontalier, tantôt sur le sol marocain, les «hallaba» usent d'un autre moyen de transport: les ânes. Arrivés à Maghnia, la ville n'a pas échappé à la loi des «hallaba». L'odeur du carburant ne cesse de titiller nos narines, files de «hallaba» interminables aux stations-service, alors que d'autres revendeurs sont postés aux entrées de leurs domiciles. Plus étonnant que jamais, des maisons équipées à l'intérieur de grosses réserves de gasoil, sont devenues des stations d'essence par excellence. Le prix est multiplié par deux, tandis que sur la frontière, celui-ci est multiplié par trois.
A Maghnia, notre premier partenaire fait son apparition. Mohamed, de par son métier, est un connaisseur de la région. «A Maghnia, des barons de la drogue investissent, par le biais d'intermédiaires, dans l'immobilier. Ces derniers achètent des biens et des terres domaniales et construisent des villas qui peuvent atteindre 10 à 15 milliards», nous a-t-il révélé. Selon lui, «le baron le plus riche est appelé Kaddour l'Américain, il vivait sur les frontières et assurait le transit de la drogue du Maroc vers l'Algérie», nous a-t-on également indiqué. Le colonel Boukhebiza Nouredine, commandant du groupement de la Gendarmerie nationale de Tlemcen nous a indiqué, quant à lui, que dix gros bonnets de trafic de drogue sont encore recherchés. Mohamed se charge de nous conduire jusqu'à la commune de Bab El Assa.
Portes dérobées
En route! Nous ne savons pas où nous mettrons exactement les pieds. Le risque est gros, mais le pari est osé. Abed arrive en renfort. C'est avec lui que nous allons nous faire introduire dans le monde des contrebandiers. Il est le mieux connu. Abed avait l'habitude de franchir le sol marocain pour voir sa bien-aimée. Pour lui, l'amour vaut tous les risques. Nous ne savons rien des autres. La seule garantie est le fait qu'il soit bien introduit dans le milieu et bien connu auprès des trafiquants.
Le trafic auto ne s'arrête pas. Les constructions d'habitations de luxe poussent comme des champignons. Pourtant, il n'existe aucune activité industrielle dans la région. Mêmes les terres agricoles ont été laissées en friche. «C'est l'argent de la contrebande et de la drogue», déclare Abed. «Avant le coucher du soleil, nous allons superviser les passages et le chemin et nous repartirons la nuit, le moment favorable à la contrebande», nous explique notre guide, sur une terrasse d'une cafétéria, sise en face de la mairie de Bab El Assa. Le quatrième partenaire, prénommé Aïssa, devra garder le véhicule pendant notre mission. «Nous ne pouvons pas garder le véhicule car cela attirera l'attention des GGF et les gendarmes, voire même les contrebandiers», justifie Abed, conforté par un complément d'infos de Lakhdar. Je devrai jouer, quant à moi, le rôle d'un malade. Puisque j'avais une ordonnance sur moi. «Si les GGF ou la Garde royale arrivent à nous surprendre dans la bande frontalière, tu dois dire seulement qu'on est en quête d'un médicament promis par un citoyen marocain», m'ordonne Abed. Je devais aussi laisser mes papiers dans la voiture et garder le silence sur le territoire des contrebandiers. Car mon accent pourrait fausser les calculs. A bord. Nous prenons la route de Boudjedour et de Boukanoun, pratiquée surtout par les «hallaba». Elle est empruntée aussi par les trafiquants de drogue. Mais arrivés à des endroits bien précis, ceux-ci foncent sur les pistes. Elles sont moins surveillées. Il y a aussi, qu'on le veuille ou non, un maillon faible quelque part. Car, à titre indicatif, saisir deux quintaux de kif traité à Tlemcen ou à Aïn Témouchent, c'est rendre évidente l'existence d'un maillon faible qui fonctionne à perte de vitesse. Sinon, comment peut-on tolérer aussi l'existence de dépôts de fortune sur la bande frontalière? Ces réserves sont alimentées à longueur de journée par les «hallaba» avant qu'elles ne soient vidées par les «meneurs de troupeau». Quant il s'agit de la drogue, «son acheminement implique une armée de complices entre éclaireurs et surveillants des passages», nous indique-t-on par ailleurs. «Les transporteurs ne s'arrêtent devant aucun obstacle, même les barrages de la Gendarmerie nationale». L'obscurité est enfin maîtresse des lieux trompée par la douce lueur de la lune. Arrivés à un point de jonction entre Boudjedour et Boukanoun, le chauffeur arrête la bagnole sur la bordure de la chaussée. Première mauvaise nouvelle: Lakhdar ne sera finalement pas de la partie. Nous avons eu subito presto un sacré frémissement. Il s'explique: «Je suis habillé en costume, je préfère rester pour ne pas vous créer des ennuis». Il est tout de suite conforté par Abed. «Il a raison, ce serait une mauvaise idée de se faire remarquer par son costume». Bref, après une discussion à bâtons rompus je décide de poursuivre l'aventure. Pas de papiers, seulement une carte d'identité et une ordonnance médicale.
Descente aux enfers
Près d'une réserve à carburant, située dans la cour d'une maison, nous observons d'abord les «hallaba» vider leurs réservoirs. D'autres remplissaient des jerricans et les mettaient sur le dos des ânes. L'axe frontalier est à quelques mètres. Ammi Omar, un trafiquant de gasoil assurait aux «meneurs de troupeaux» la sécurité de la sortie menant aux pistes des contrebandiers. Abed le salue amicalement. Ils se connaissent très bien. Ammi Omar a la cinquantaine. Au départ, Ammi Omar ne parle pas trop, c'est-à-dire il répond seulement aux questions de Abed. Ce dernier lâche enfin le mot attendu. «On m'a ramené une bouteille de Ricard que j'ai caché spécialement pour toi, Ammi Omar», annonce Abed. Il m'explique ensuite que tout marche à coup de «rechoua» (bakchich ou pots-de-vin). Ammi Omar est sorti de son mutisme. Abed l'interroge à nouveau: «Je me demande si les affaires sont moins rentables ces derniers jours. On ne t'a pas ramené du chocolat, tu as les dents toujours intactes». Ammi Omar répond: «Nous essayons de faire mieux, mais le chocolat je ne le refuse pas si on décide de me faire un beau cadeau». Abed m'explique que les affaires veulent dire trafic du carburant, tandis que le chocolat c'est le kif. Nous continuons la marche sur une piste bordée de pieux. «Cette barricade est faite pour cacher les sentiers des ânes transportant les jerricans de gasoil», nous explique encore notre guide. Le va-et-vient des «meneurs de troupeaux» ne s'arrête pas. Ils sont de un à trois meneurs pour trois à cinq ânes. A quelques encablures, le vrombissement des véhicules de la Garde royale se fait entendre. Nous suivons les équidés, guidés par Khaled, Omar et Abdeka. Les lieux ne tolèrent pas la présence d'étrangers. «C'est mon beau-frère Ali. Nous avons chargé quelqu'un au Maroc pour qu'il nous ramène un médicament», explique Abed aux «meneurs d'ânes». L'un d'eux réplique: «Pourquoi ne reste-t-il pas avec Ahmed et Moussa? Ils sont juste là». «Non c'est un autre risque, car il n'est pas de la région», dit Abed. Nous traversons un petit oued bordé d'arbrisseaux. L'odeur du carburant a envahi tous les lieux, tandis que la file d'ânes continue son chemin. Nous arrivons enfin au lieu des ventes. C'est un véritable marché à ciel ouvert. Ici nous sommes discrètement sur les terres marocaines. Tout le monde est armé: couteau et poignard. La vente se fait à la va-vite, puisque la moitié des affaires est traitée, apprend-on, à l'avance. C'est-à-dire que la vente se fait par commande et le prix est discuté de façon anticipée. Les Marocains ont aussi érigé des réserves près de la ville d'Ahfir, tandis que d'autres trafiquants approvisionnent la ville à l'aide d'ânes. C'est un trafic presque toléré par la Garde royale. Nous assistons même à des offres de pourboire et à des commandes de chocolat, mais dans une discrétion totale. Les Marocains sont maîtres des lieux. «Parfois ils obligent les Algériens à verser des pourboires, autrement ils menacent de changer de partenaires et de ne plus tolérer leur présence», fait savoir Abed à demi-voix. L'argent est remis dans de gros sachets noirs. Idem pour la petite marchandise. C'est-à-dire la drogue. Nous observons des sachets noirs changeant de mains, mais nul ne tolère leur ouverture. «Il y a même de la fausse monnaie qui circule». C'est évident.
Nous faisons un dernier tour, car les véhicules de la Garde royale ne sont qu'à quelques mètres seulement. Abed était appelé souvent à me présenter à ces gens- là. C'est dire la méfiance qui imprègne les lieux J'ai été son beau-frère pour au moins quatre heures. Des petits sentiers, sans la moindre surveillance, mènent droit vers la ville d'Ahfir. De la rive ouest, nous passons à la rive est en prenant le même chemin. Il vaut mieux presser le pas. L'endroit risque de devenir subitement surpeuplé et nous mettre sérieusement en difficulté. De retour, nous croisons encore les troupeaux d'ânes transportant le carburant. Comment peuvent-ils circuler aussi facilement? C'est à cette interrogation qu'il faudra désormais répondre. Autant dire que le trafic non seulement se fait à ciel ouvert, mais encore donne l'impression d'être toléré... Nous rebroussons chemin, le coeur libéré d'une peur bleue. Nous sommes enfin de retour chez Faïza, en terre algérienne. L'heure affiche 2h00 du matin.


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