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Le désesppoir et la crise du monde
LES DESORDRES SOCIAUX ET MENTAUX
Publié dans L'Expression le 07 - 02 - 2008

Les valeurs morales en politique sont vitales pour affronter le monde.
Notre époque civilise, allège des souffrances et en même temps barbarise et contamine. L'espérance de vie augmente, mais les maladies aussi. Plus encore dans les sociétés où le citoyen est méprisé. Dans le contexte de la domination de la raison instrumentale, du progrès technoscientifique et de la sécularisation, et des retards en matière développement, pour le Sud, parler de santé et de morale est vital. Il faut bien essayer de prendre du recul, pour analyser pourquoi tant de gens sont angoissés, malades, physiquement et mentalement, désespèrent, fuient la réalité ou se suicident. Tenter de penser ou déconstruire la question de la profusion des maladies sociales, physiques et mentales, comme les exils, les violences, la perte des liens sociaux, les cancers, les dépressions, et le suicide, sujet au coeur de tant d'enjeux est urgent. Qui s'occupe vraiment de rechercher les causes, de travailler aux préventions, aux prévisions et prospectives, aux dépistages, aux précautions d'hygiène de vie, d'analyse et d'éducation pour que la vie sociale ne sombre pas dans un cauchemar? La foi, bien comprise, d'un côté, et le savoir politique moderne et raisonnable, d'un autre côté, sont censés être un frein au désespoir. Les valeurs morales en politique sont vitales pour affronter le monde, non point pour pratiquer la démagogie ou la politique de l'autruche.
Le débat est vital
Un regard de bon sens, sans sous estimer les opportunités, les acquis considérables et prodigieux de la modernité, considère que le malaise est profond, que les deux plus hautes performances de l'être humain: science et art, n'ont pas comblé cette caverne creusée dans l'être que l'on appelle: l'absence de justice et la sortie de la morale de la vie politique. Ce regard constate les dérives, les injustices, les violences, la désignification du monde et les signes multiples de déshumanisation. Il est étonnant que, dans le cadre d'absence caractérisée de démocratie et de justice sociale, les maladies physiques et mentales, les angoisses et les suicides ne soient pas encore plus visibles. En conséquence, au vu de la complexité de la question, le débat paraît comme vital pour tenter de faire face à ce qui est requis.
D'Ibn Sina à Ibn Rochd, d'Ibn Omran à Ibn Khaldoun et Ibn Arabi, ces penseurs n'ont pas succombé à une opposition irréductible entre foi et savoir, entre morale et politique et non plus, ces penseurs ´´areligieux´´ que sont Freud, Lacan, Derrida, Foucault, Deleuze, Desanti, Granel, Nancy, Major et d'autres penseurs de notre temps. Ces penseurs et praticiens ne méprisaient pas la morale, la foi, les valeurs de l'esprit dans la gestion politique de la société. Les penseurs classiques qui ont traité de la question de la communauté, des problèmes sociaux, de la maladie mentale, des désordres psychologiques, opéraient des analyses et interprétations qui tenaient compte de la situation politique, économique et culturelle et de la singularité de la spiritualité, comme causes des maladies ou, au contraire, sources de prévention et de guérison.
En termes méthodologiques, cela nous oblige à rappeler que les psychiatres et les psychanalystes, les chercheurs en Occident, en général, comme nous le dit un maître de l'analyse, Lacan lui-même, font souvent prévaloir, articulés et mondialisés, sur le plan de l'expérience morale, humaine et culturelle: l'expérience particulière religieuse judéo-chrétienne. Par conséquent, des concepts, même sécularisés, sont encore imprégnés d'une vision qui n'est pas identique ou applicable aux référents des autres cultures et singularités. Cela dit, il reste à garder le cap sur l'universel et les exigences éthiques de la civilisation, de la démocratie et des objectifs de la science, en tenant compte de ce qui est spécifique. C'est-à-dire tenir compte des singularités et nous accorder sur des instruments d'analyse pour tenter de comprendre pourquoi les temps modernes sont en crise et nos sociétés malades.
Vivre, c'est être mis à l'épreuve. Rien n'est donné d'avance. La vie en société est dure et belle à la fois. Elle nous apporte un peu de joie, et des douleurs, des déceptions qu'il faut surmonter. Tâche apparemment difficile que celle d'éviter avec certitude les errements de toutes natures, de maîtriser aisément la difficulté et d'apprendre à vivre en société. La sagesse bien comprise ne propose ni un remède expéditif, ni un sédatif, ni une explication hâtive, ni un palliatif, qui satisfont les besoins de protection et de consolation dans le contexte indépassable des épreuves. La sagesse et le bon sens refusent les voies de la diversion qui font peu de cas de notre conduite humaine. Ils refusent les satisfactions substitutives et les pratiques qui prétendent nous rendre serviles, insensibles ou inhumains. Ils orientent de telle manière pour que chacun assume l'épreuve du vivre en commun, dans la patience, le respect des lois et l'engagement. Il ne s'agit pas de régler, a priori, la marche à suivre, mais d'adopter une discipline et une direction de vie, qui permettent, à certaines conditions, de trouver la mesure, de se préserver du pire, et de garder ouverte la possibilité de s'orienter vers la paix sociale et de se maintenir en bon état de santé. Sans respect de la dignité de chacun, personne n'a la garantie de sortir sain et sauf de l'expérience du vivre en commun, et des risques du basculement, comme dans l'insociabilité, et la maladie mentale, forme extrême et majeure de l'échec, dont il faut justement se prémunir. La piété, ettaquwa, en Islam signifie se prémunir. Face à la complexité, à la difficulté de l'existence et au rapport difficile aux pouvoirs, notamment face aux déceptions, aux pulsions, illusions et contradictions, tout ensemble, qui peuvent faire rage de manière traumatisante, déstabilisante, il est demandé de ne pas renoncer au bonheur, ni de s'isoler, ni de se replier, et, fin des fins, de ne pas se laisser mourir de chagrin. La vraie spiritualité, tout comme la vraie politique, ne méprisent pas, ne rabaissent pas la valeur de la vie, ni ne déforment de manière idéologique, délirante ou utopique l'image des gens et du monde réel. Elles n'intimident pas non plus l'intelligence et ne s'opposent pas à la volonté d'autonomie et, au besoin, de participer au devenir commun. Elles ne garantissent pas automatiquement et une fois pour toutes, le bonheur et le salut, mais elles en ouvrent la possibilité. Leurs promesses sont conditionnées par les possibilités de la sincérité, du savoir, de l'écoute sereine et attentive, à partir, non de l'autoritarisme, pour le sommet, et non de la soumission, pour la base, comme certains le prétendent, mais dans la responsabilisation. Il s'agit, sans populisme ni démagogie, de l'effort paisible, engagé et constant de tous pour construire une société responsable, en vue de faire face au Monde et répondre au monde. La preuve que la vie commune au sens noble du terme est encore possible dans nos sociétés du Sud, ce n'est pas un hasard si, selon toutes les statistiques, le taux de suicide dans le monde musulman, 2 pour 100.000, est en moyenne dix fois inférieur à celui des autres régions du monde, en particulier au regard du taux en Europe, 20 pour 100.000. Mais la généralisation du mode de vie imposé par l'Occident, les dérives de la modernité et les contradictions et transformations non maîtrisées de notre époque et tout autant, l'absence de démocratie, l'ankylose et les instrumentalisations des traditions religieuses internes sont, tout ensemble, en train de perturber les fondements des peuples. Les sociétés sont de plus en plus livrées à l'incertitude, malades moralement et physiquement.
Les sociétés sont malades
L'effort constant de prévention, de prévision, de dépistage, d'études épidémiologiques, de débats et de créativité, est requis, pour faire face à la complexité de notre temps, à la difficulté du vivre, et aux incertitudes. Cet acte implique la bonne gouvernance, des rapports sociaux ouverts, en somme, une démocratisation pour mobiliser, redonner de l'espoir, des rapports à soi, à l'autre et au monde ouverts, sans idoles, ni prétentions à devenir maître et possesseur de tout. Les remèdes sont une responsabilité collective. Ensemble, il est moins risqué et moins difficile de relever les défis. Etre malade, dans une société malade, c'est souvent se retrouver seul, en rupture avec les autres. Nos sociétés ne doivent pas se transformer en immense hôpital psychiatrique. Cela doit changer en redonnant confiance aux gens, par le débat, leur implication dans la vie publique et en leur enseignant les vraies valeurs morales. Alors que nos pays sont si beaux et notre histoire riche, aujourd'hui la sinistrose, la mal-vie et les angoisses dominent, c'est un échec qui concerne toute la collectivité.
L'essence de la vie est d'être en partage. La politique, la religion, la science, lorsqu'elles respectent le droit à la différence, peuvent conduire au vrai, au beau et au juste, tout comme, dans certaines conditions néfastes, elles peuvent mener à l'innommable. Refuser la démission, l'oppression et l'anarchie, c'est assumer la difficulté, vouloir guérir et commencer à honorer la vie par et dans l'ouvert qui rassemble. Dans le monde arabe, la détresse de l'autre, comme celle du harraga, ou de l'intellectuel qui s'exile à jamais, à cause des conditions de fermeture, est une responsabilité collective. Le désespéré, le stressé, l'angoissé, ou le délirant, ne peuvent êtres réduits à un étrange étranger, mais l'un d'entre nous, dans un monde informe, fondé sur la loi du plus fort et la fuite en avant, sans vrai débat, ni écoute des autres. Pourtant, il y a encore du sens et d'immenses possibilités et potentialités.
(*) Professeur des Universités
www.mustapha-cherif.com


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