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L'Algérie en panne d'initiatives pour les harraga
M. MUSETTE, SOCIOLOGUE ET CHERCHEUR AU CREAD (ALGER)
Publié dans L'Expression le 17 - 03 - 2009

La criminalisation de l'acte n'est pas acceptable sur le plan des droits de l'homme.
Sociologue et chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), Mohamed Saïb Musette revient avec plus de détails dans cet entretien accordé à L'Expression sur l'un des phénomènes qui frappent de plein fouet l'Algérie: la harga. Un fléau qui a coûté la vie à plusieurs centaines d'Algériens tentés par une «une vie meilleure.» Réputé pour ses vastes connaissances dans tout ce qui a trait à la sociologie, M.Musette compte poursuivre ses recherches au plus haut niveau. Dans cet entretien, on découvre son esprit d'analyse qui fait de lui une référence pour les futures générations.
L'Expression: El harg, quelle explication donnez-vous à ce qualificatif?
M.Musette: La notion d'«el harg» est dérivée du verbe arabe harraga (brûler). Elle est utilisée dans un sens beaucoup plus large pour signifier la migration irrégulière, par voie maritime, dans des embarcations légères à travers la Méditerranée afin de rejoindre les rives nord. Les pratiquants de cette migration se dénomment harrag et le phénomène est reconnu depuis peu comme celui des harraga! Ce phénomène ressemble à celui observé durant les années 1970 des boat people. Ce même phénomène est observé aussi sur les côtes Ouest de l'Afrique vers les îles Canaries et prend une autre dénomination sous le nom de m'beek, selon Papa Demba Fall (2009), spécialiste sénégalais de la migration internationale. Dans la littérature universelle sur les migrations, la migration irrégulière prend souvent des appellations diverses selon les auteurs. Les ONG confondent souvent harraga et immigration clandestine ou des sans-papiers. Par contre, les agences des Nations unies prennent appui sur la législation internationale pour parler de la migration irrégulière avec une forte présomption des droits humains. En Algérie, toute une littérature y est développée ces dernières années. D'abord, nous avons un corpus de discours politiques, un autre corpus de récits parus dans la presse écrite...et d'autres écrits sur ce phénomène. Il existe ainsi des expressions multiples qui mettent en scène des personnages qui optent pour une des formes de migration aux risques certains. Une lecture scientifique de ces discours reste à faire, tant il faut être extrêmement prudent pour mettre en lumière les différentes facettes de ce phénomène porté notamment par les jeunes. Au niveau de la recherche scientifique, il existe actuellement un renouvellement de la connaissance des migrations irrégulières sous toutes leurs formes, ainsi que dans les voies empruntées (terrestre, maritime, aérienne). En Algérie, quelques travaux ont été conduits sur le phénomène de la migration irrégulière et sur le harraga en particulier, et ce avec la contribution de nos collègues chercheurs tunisiens et marocains.
Les harraga algériens transitaient par le Maroc et la Tunisie pour rejoindre les pays du Nord. Les approches universitaires, quant à elles, butent sur les choix méthodologiques. Devant ce phénomène, les approches quantitatives sont approximatives et les approches qualitatives sont souvent retenues mais restent anecdotiques.
Les harraga risquent deux à six mois de prison et une amende allant de 20.000 à 60.000 DA. Ne pensez-vous pas qu'il y a eu précipitation dans la recherche de «solutions»?
L'irruption ou plutôt l'éruption de ce phénomène depuis quelques années en Algérie semble être un «objet non identifié» de la migration internationale mais imposé dans le cadre de la lutte contre la migration irrégulière tant des étrangers sur et vers le sol algérien que des Algériens vers l'étranger. Y a-t-il eu précipitation sur le plan légal? Je ne pense pas. Les autorités ont tout essayé par la sensibilisation aux risques de la migration irrégulière par voie maritime. Il y a eu au départ, la clémence de la justice, une tentative de prise en charge sociale, une tentative des cercles religieux et des ONG.
Le vide juridique a été également décrié. Le drame est souvent repris à la une des médias lourds, sans qu'il y ait un ralentissement des départs des Algériens ou d'arrivée des étrangers en Algérie. L'importance de la loi ne peut être contestée, mais le niveau de sa dureté est contestable.
L'emprisonnement est contestable. La sanction pénale est insuffisante pour la gestion des migrations irrégulières. Il faut aussi des mesures complémentaires pour gérer les flux migratoires, réguliers et/ou irréguliers. Sur ce chapitre, il y a une panne d'initiatives. La criminalisation de l'acte n'est pas acceptable sur le plan des droits de l'homme.
La harga est-elle un problème de loi?
La harga est une réponse sociétale à un problème né de la rigidité des lois internationales sur la mobilité des personnes. Tous les analystes pointent du doigt les restrictions sévères imposées par les pays du Nord à la libre circulation des Algériens. L'Algérien, les Maghrébins, les Africains, les Asiatiques, les Latinos-Américains sont devenus suspects dans les ports, les aéroports des pays développés depuis le 11 septembre 2001! Face à ces restrictions, les sociétés du Sud ont inventé des modes de circulation pour contourner les contraintes imposées à la libre circulation. Ce contournement est légitime socialement et appelle à un engagement des autorités pour renégocier un droit reconnu dans les clauses des droits de l'Homme, qui est celui de pouvoir «quitter» son pays mais pas «d'entrer» dans un pays tiers! Plus les contraintes sont sévères, plus il y aura des modes de contournement des lois.
Si pour des jeunes déboussolés, la situation peut être comprise, comment pouvez-vous expliquer le cas des universitaires mais également des filles qui endossent le statut de harraga?
La harga est devenue un phénomène social global à présent! C'est une forme de «sociose» (telle qu'une psychose, au niveau individuel), c'est-à-dire un comportement social fondé sur les obstacles de toute mobilité spatiale et géographique. Certes, au début, le phénomène a été le fait exclusif des jeunes, comme vous dites «déboussolés», qui ne voyaient plus leur avenir au bled. Heureusement, toute la jeunesse n'est pas déboussolée pour aller chercher des boussoles...Mais au Maroc et en Tunisie, la harga a longtemps touché des populations diverses; en Afrique subsaharienne, les m'beek aussi sont constitués par des personnes des deux sexes et des universitaires. La dangerosité de l'acte est un élément, tantôt minorée tantôt majorée, en fonction de la distance et de l'expérience des «réseaux» dans le passage des frontières terrestres et maritimes.
Dans un entretien accordé à L'Expression, un harrag (Tahar), s'adresse aux futurs candidats à la harga en leur disant: «Ce n'est pas une bonne idée de partir. Il y a d'autres moyens moins dangereux.» Après une décision ferme, le voilà qui change d'avis en usant d'un langage «sage». Comment s'explique ce «retournement de situation?»
Le changement d'attitude de personnes, qui en ont fait l'expérience malheureuse et qui ont vécu intensément le drame de la mer, n'est pas inexplicable. C'est aussi le cas des anciens drogués, des ex-délinquants, des ex-terroristes qui se donnent après l'échec, une nouvelle conscience et un nouveau langage de sage. Ils sont aussi souvent instrumentalisés pour délivrer un nouveau discours, une manière de racheter une nouvelle conscience.
Pourquoi donc cette tentative souvent soldée par un échec?
La fin d'un projet migratoire, heureuse ou malheureuse, se fait toujours au bled, notamment par la place reconquise au niveau social. C'est ce reclassement social qui est l'objectif final de tout projet de «partir» pour un autre lieu. Cette reconnaissance sociale a une puissance explicative importante dans les représentations sociales. L'initiative est ainsi récompensée par une nouvelle place valorisante sur l'échiquier social au bled.
«Nous n'arrivons pas à identifier les raisons qui poussent les jeunes à partir ailleurs», déclarent nos dirigeants politiques. Peut-on comprendre par là qu'aucune brèche de voir ce phénomène reculer n'est possible?
Les discours politiques sur cette question sont multiples et ils émanent des autorités qui font leur job avec leurs argumentaires pour les décisions prises. Cette question a été soulevée aussi lors de la rencontre walis-gouvernement en 2007. Tout un chacun apporte sa contribution pour une compréhension et une analyse objective de ce phénomène. Ce serait grave si une telle affirmation provenait d'un spécialiste de la migration internationale. Ce phénomène n'est ni nouveau ni spécifique à l'Algérie. A côté des discours politiques, il y a une production scientifique encore imparfaite pour cerner tous les contours d'un phénomène qui semble «a priori» insaisissable, tant il y a des interactions en fonction des positions prises et d'itinéraires suivis. La recherche scientifique dans tous les domaines de la migration internationale, est en train de se renouveler à la lumière des comportements nouveaux dans le contexte actuel tant national qu'international. Nos travaux attestent d'un début de compréhension de ce phénomène mais ils sont loin d'être exhaustifs. Le recul de ce phénomène n'est pas impossible mais il empruntera d'autres voies, car la réponse à la migration irrégulière est connue: c'est l'organisation de la migration régulière! Aucun Etat ne peut interdire à ses ressortissants de quitter le pays. En Algérie, ce droit est inscrit dans la Constitution.
Je vous laisse le soin de conclure...
Chose à ne pas faire...car c'est à moi de soulever maintenant des questions profondes qui m'intéressent dans le cadre de mes recherches. Je profite, à travers vous, d'interroger vos lecteurs. Combien sont-elles les familles qui ont eu à s'opposer au départ des siens et qui ont fini par céder, voire aider un membre à partir pour l'étranger par des moyens peu conventionnels? A travers cette question centrale, tout Algérien comprendra que le départ pour l'étranger n'est pas enveloppé d'un voile de mystère...Simple observateur avec les moyens disponibles et des données accessibles, je pense que la recherche scientifique doit investir davantage ce phénomène de la migration internationale avec ses dimensions, régulière et irrégulière, quelles que soient les voies empruntées. Nos recherches au Cread, conduites par une équipe pluridisciplinaire dans une démarche comparatiste internationale, peuvent contribuer à mieux éclairer et l'opinion publique et les autorités compétentes. C'est notre défi aussi, tant ce domaine a été délaissé depuis de longues années.


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