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«Un film historique, non pas sociologique»
KARIM MISKE À PROPOS DU DOCUMENTAIRE MUSULMANS DE FRANCE
Publié dans L'Expression le 10 - 06 - 2010

De mère française et de père mauritanien, le réalisateur a accepté de se livrer à L'Expression.
Un documentaire simple, précis et surprenant. Le réalisateur a voulu le décliner en trois épisodes: Indigènes (1904-1945), Immigrés (1945-1981), et Français (1981-2009). De l'arrivée des 5000 musulmans travaillant en métropole, à la naissance de leurs enfants sur le territoire français et la prise de conscience de leur existence puis la crise économique, et l'amalgame entre islamisme et Islam, le film Musulmans de France apporte un éclairage historique sur cette catégorie de gens que l'on taxe de musulmans sans les connaître vraiment. Karim Miské nous démontre que la réalité est souvent plus complexe que cela. Présenté récemment dans le cadre des 8es Rencontres cinématographiques de Béjaïa, le documentaire a intrigué plus d'un, preuve de sa grande pertinence. Commandé par une chaîne française, ce documentaire est signé par le co-auteur Emmanuel Blanchard qui est historien et scénariste, et Karim Miské.
L'Expression: Le titre de votre film est ambigu, déroutant. Pourquoi ce choix?
Karim Miské: Le titre Musulmans de France est né de la réalité de la société française aujourd'hui. C'est-à-dire que dans la France d'aujourd'hui, il y a toute une partie qui est considérée comme la majorité des Français à tort ou à raison comme des musulmans à la simple vue de leur apparence ou de leur nom. C'est une réalité sociologique de représention et de perception. Perception par la majorité d'une minorité.
Conceptuellement, je me suis inspiré de ce que Jean-Pierre Sartre expliquait sur la question juive. C'est-à-dire expliquer que même si une personne ne voulait pas être juive ou voulait se débarrasser de cette identité en prenant le cas le plus extrême, elle ne pouvait pas le faire car elle est toujours perçue par l'autre comme juive. Finalement, elle était toujours obligée d'agir par rapport à ça. Car les perceptions ont une puissance. Quand on passe son temps à être vu comme appartenant à telle catégorie ou à telle religion dans chaque action que l'ont fait dans la vie quotidienne, forcément ça a une influence sur la manière dont on se comporte, sur la manière dont on va se voir soi-même. L'idée était de partir de cette réalité. Quelqu'un aujourd'hui dans la société française s'appelle Mohmed, Karim ou Fatima, il est immédiatement perçu comme musulman. L'idée du film était qu'on pouvait prendre cette réalité de la perception, mais on essaie de la déconstruire, en montrant que cette catégorie n'est pas forcément religieuse parce que, effectivement, peut-être que Mohamed, si on creuse, ne croit pas en Dieu, peut-être que Fatima est très pratiquante et que Karim est agnostique ou il s'en fout.
L'un des enjeux du film était de montrer ça, qu'on hérite tous d'une histoire coloniale et postcoloniale française, ce n'est pas pour autant qu'on se définit uniquement par la religion. L'idée était donc de vider en partie cette catégorie de son contenu religieux pour en faire une catégorie historique. L'enjeu est de raconter l'histoire de gens et parmi eux, il y en a qui ne sont pas croyants comme Dafri. On va changer le regard du spectateur. Et lui faire comprendre, bien que cette personne-là que vous appelez musulman, dans la réalité, est un peu plus complexe.
Chez nous on naît musulman de facto...
Ce qu'explique Sartre et que je trouve très intéressant, est qu' on ne peut échapper au regard de l'autre. Après, on fait ce qu'on veut de sa vie.
C'est-à-dire qu'on a le choix...
Absolument, et cela est fondamental. Effectivement, on peut naître musulman comme on naît juif. Je mets ces deux identités en parallèle, car dans la société française, je pense que ce sont deux minorités qui sont très structurantes. Elles donnent leur sens à ce qu'est la France aujourd'hui et à ce qu'est la majorité. On nait ainsi avec une identité héritée, mais après, on en fait ce qu'on veut, du moins dans une société libre et démocratique mais on ne va pas échapper à la manière dont on est vu par l'autre. On a un nom, une apparence entre guillemets qui fait qu'on a l'air musulmans pour l'autre. On est bien obligé de prendre cette réalité en compte, après, à nous d'agir dans la société en étant conscients. Le problème est d'en avoir conscience. Le film se conjugue avec cette idée: comment faire avec ce regard qui nous met toujours dans une case? Et comment arriver à s'en libérer et après à faire ce qu'on veut de sa vie et de sa croyance..
Comment s'est établi le choix des intervenants dans le film?
L'idée était de raconter l'histoire par ceux qui en sont les héritiers. Faire un film, c'est faire des choix et des impasses sur certaines choses. On ne peut tout traiter. J'aurai pu parler d'autres catégories de personnes musulmanes comme des Turcs ou des Pakistanais. Je n'en n'ai pas parlé car l'idée était de se dire, aujourd'hui en France, ce qu'on appelle les musulmans sont dans la psyché collective française des descendants des indigènes. Donc la personne qui embrasse l'Islam se retrouve porteuse de cette histoire. Il y a aussi plus de gens d'origine algérienne, car historiquement, c'est la présence la plus ancienne en France. Pour créer ce récit, l'idée était de prendre des gens qui pouvaient repartir le plus loin possible en arrière. L'imam de Bordeaux qui est d'origine marocaine incarne très bien cette partie de l' histoire.
Et qu'en est-t-il des trois périodes de votre film Indigènes, Français, immigrés?
Il y a eu un travail de réflexion en amont historique avant d'aller sur le film. J'ai hésité sur la troisième période entre 1980 et 1974. La première c'était bon. Ça devait être du début du siècle à 1945, c'était assez évident car après 1945 beaucoup de choses ont changé.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, on est vraiment dans la période du combat qui va mener aux indépendances etc. La difficulté était à la troisième période, de savoir si on choisissait 1974, car c'était le début de la crise et la fin de l'immigration légale surtout. C'est vrai que ça a marqué quelque chose. Enfin, 1981, s'est avérée plus logique car c'était le moment où -comme on dit au début du troisième film - il y a toute une génération qui est devenue adulte et les émeutes de cette période-là ont fini par montrer à tout le monde que ces immigrés sont là. On ne sait pas ce qu'on va en faire, mais on ne peut pas faire semblant de ne pas les voir.
Vous évoquiez tout à l'heure un certain niveau de chute par rapport à la notion de démocratie avec ce retour au racisme, l'affaire de l'identité nationale. Vous évoquez la question du voile dans votre film et sans doute que vous auriez pu rajouter celle de la burka. Comment expliquez-vous cet éloignement de l'esprit d'ouverture vers l'autre, aujourd'hui?
Je pense que nous ne sommes pas dans une période hyperprogressiste. Dans le monde, de manière générale, on n'est pas dans une période très internationaliste même s'il peut encore exister quelques cas. Globalement, on est beaucoup plus sur le repli sur soi. La mondialisation c'est quelque chose de réel. Il y a une sorte d'angoisse face à l'abolition des différences.
Tout le monde regarde les écrans, consomme les mêmes produits, il y a une espèce d'uniformisation. Du coup, il y a une espèce de repli sur soi chez tout le monde. C'est très difficile pour moi de donner une interprétation. Les périodes se succèdent, et par moments, on a comme ça des retours en arrière. En même temps, l'évolution, en France, je la vois comme quelque chose de complexe où on a, à la fois du repli identitaire et du mélange et de l'ouverture et nous ne savons pas du tout qui va l'emporter. Nous allons nous retrouver dans une espèce de joyeux «bordel» comme ça où tout va coexister. A propos de la burka, je ne sais pas si je l'aurais intégrée. Effectivement, ce qui se passe aujourd'hui est une farce, une tragédie qui se répète. On ne sait pas où cela va mener.
Aussi, peut-on connaître votre opinion sur le fait que des harkis ont manifesté récemment sur le parvis du Festival de Cannes contre le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb?
C'est assez tragique. Je dirai que c'est dû à l'aliénation. C'est un rapport traumatique à l'histoire. Ce sont des choses qui sont en boucle. Comme dirait Abdelraouf Dafri: «Il y a les grands trompés de la guerre d'Algérie» et finalement ils se sentent enfermés dans ce rôle-là. Ils continuent à le rejouer aujourd'hui de manière tellement pathétique. Après, heureusement, ils ne sont pas tous comme ça. Ils ne pensent pas tous comme ça.
A force, ça finira par se dissoudre. Mais ça ne va pas aller aussi vite que ça. Chez les descendants de harkis que j'ai rencontrés, on sent encore une grande douleur. Le fait de s'être retrouvés du mauvais côté, c'est une sorte de malédiction qu'ils continuent à porter et à subir de manière personnelle.
Vos projets?
J'ai pas mal de projets. Il y a un film qui est en train de se dessiner. Ce sera une série historique de quatre épisodes pour le compte d'une chaîne télé en France sur l'histoire des rapports entre juifs et musulmans, du Coran, c'est-à-dire de l'apparition de l'Islam à nos jours.
Avez-vous de l'appréhension à le faire, compte tenu de ce sujet très délicat?
Je n'ai pas d'appréhension ni d'a priori à le faire. C'est un film historique, donc je vais raconter des faits. Le but n'est pas d'être neutre ou objectif, car cela n'existe pas, mais juste honnête par rapport à l'ensemble des faits historiques qui se sont produits les uns après les autres et tels que racontés par les uns et les autres pour comprendre ce qui se joue aujourd'hui.


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