«Libérez la liberté et la liberté fera le reste», disait Me Ali Yahia aux manifestants. «Cette marche est celle de la liberté, celle du peuple, de la jeunesse. Nul ne peut la récupérer.» Ces propos jaillissent comme un éclair fulgurant des tripes du combattant qui n'abdique jamais, Me Ali Yahia Abdenour. Le fondateur et président d'honneur de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), était hier au rendez-vous. Il a, encore une fois, tenu à être présent à la manifestation initiée par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (Cncd). Le soleil qui illumine ses yeux a rayonné sur la place du 1er Mai, à Alger. Des cimes de ses 90 printemps, le cheikh a catalysé l'énergie des manifestants. Ni la présence massive des éléments de la police antiémeute (40.000 policiers), ni leur rudesse à son égard ne l'ont dissuadé. Le cheikh marchait. Malmené par la police, il a trébuché. «Protégeons-le. Il est notre père. La figure de proue du combat de notre peuple pour sa liberté», criaient les jeunes manifestants qui l'entouraient. En deux temps, trois mouvements, ils forment un cordon de sécurité autour de lui. «Ne touchez-pas à Dda, Ali (Me Ali Yahia Abdenour)», lançaient les protestataires aux policiers. «Laissez-le passer. Il est l'une des figures de proue de la révolution algérienne», criaient d'autres manifestants. Le cheikh marchait. Sa détermination tranquille faisait tomber les multiples barrières de la police comme un château de cartes. Il avançait et indiquait aux marcheurs la voie à suivre. «Libérez la liberté et la liberté fera le reste», préconisait-il aux personnes qui l'entouraient. Les tentatives des policiers de l'isoler de la foule ont échoué. On n'arrête pas un militant des causes justes de la trempe de Me Ali Yahia Abdenour. «Quand la levée de l'état d'urgence sera-t-elle effective, selon vous?», l'interroge un journaliste. La réponse du maître est sans équivoque. «Nous allons lever l'état d'urgence, samedi prochain», a-t-il tranché. Le mot est donné. Me Ali Yahia donne un autre rendez-vous aux contestataires, dans une semaine. Ce label du combat pacifique pour la démocratie est né le 18 janvier 1921, dans le village de Taka de la commune d'Aït Yahia, daïra de Aïn El Hammam, en Kabylie. C'est sur les hauteurs du Djurdjura qu'il a bu de la coupe de la liberté. Il effectue ses études primaires à Tizi Ouzou. Le jeune Ali Yahia a un esprit très éveillé. C'est dans la ville de Médéa qu'il termine son cycle secondaire. Il entame son long parcours de militant à un jeune âge. Dès 1945, il adhère au Parti du peuple algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (PPA-Mtld). Militant infatigable, il rejoint le FLN en 1955. Il est, également, l'un des membres fondateurs de l'Union générale des travailleurs algériens(Ugta). En 1956, il est arrêté puis assigné à résidence de 1957 à 1960. Libéré en 1961, Ali Yahia Abdenour devient secrétaire général de l'Ugta. Après l'Indépendance, il est élu député de la wilaya de Tizi Ouzou. Ce démocrate impénitent rejoint l'insurrection du FFS en 1963. Me Ali Yahia occupe, par la suite, des postes ministériels, desquels il démissionne au bout d'une année. Il entame des études de droit et devient avocat. Me Ali Yahia est arrêté en 1983. Il ne sera libéré qu'une année plus tard. En 1985, Il est détenu avec 24 militants politiques et enfants de chouhada. Dans la même année, il participe à la création de la Laddh. Cette ligue ne sera reconnue officiellement qu'en 1989. Me Ali Yahia Abdenour est l'auteur de La dignité humaine. Cet ouvrage fait référence en matière de lutte pour les droits de l'homme. Chapeau bas, Maître!