Les spécialistes du monde entier ne cessent de tirer la sonnette d´alarme quant aux problèmes de l´alimentation qui affectent notre planète. Or, les politiques tentent de dédramatiser, refusant d´admettre ce qui, en vérité, est devenu une tragédie pour une large part de la population mondiale. Pourquoi, en ce début de troisième millénaire, des hommes, des femmes et des enfants ne mangent pas, ne mangent plus à leur faim quand d´autres se goinfrent à satiété? Le problème de la disponibilité des aliments pour tous n´est sans doute pas simple, même si sa cause est évidente. La réduction des surfaces de cultures vivrières, l´utilisation de produits de base de l´alimentation (blé, betterave, orge et autres) à des fins autres que celles de nourrir les personnes, l´appauvrissement d´une terre surexploitée, sont parmi les raisons - il y en a d´autres - qui ont induit ce déséquilibre alimentaire qui, aujourd´hui, menace la vie de millions de personnes. La terre est, certes, confrontée à moult problèmes induits par son développement, dont la pollution est l´un des plus décriés. Mais fallait-il, pour autant, corriger cette menace sur l´environnement et le climat, par une autre calamité, celle de prendre sur les aliments des personnes pour produire du carburant «propre»? Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l´alimentation, ne craint pas, dans ce contexte, d´affirmer: «La fabrication de biocarburants est aujourd´hui un crime contre l´humanité.» Pourquoi en sommes-nous arrivés à ces extrémités qui font que près d´un milliard d´êtres humains n´arrivent plus à se sustenter correctement? Quand l´Occident, devenu obèse car suralimenté, réserve ses surplus et des menus de qualité à ses chiens et ses chats, alors qu´en Afrique, des enfants meurent parce qu´ils n´ont pas de quoi manger? Pourtant, les pays industrialisés, premiers responsables de la pollution et des dérèglements climatiques dans le monde, sont encore davantage impliqués dans la tragédie alimentaire qui met de nombreux pays d´Afrique et d´Asie, notamment en porte-à-faux. Ce sont encore les mêmes pollueurs de la planète qui accaparent les marchés de l´alimentation et en fixent les prix à leur guise. Aussi, la question se pose: les aliments et leurs dérivés, vitaux pour la nourriture des personnes, peuvent-ils être laissés au bon vouloir du marché et des spéculateurs? Il est urgent que des décisions soient prises. Il n´est pas normal que les aliments de l´homme, les céréales, servent à la fabrication du biocarburant, de l´éthanol et autre biodiesel. On n´arrête pas le progrès, certes! Mais encore faut-il imposer à celui-ci une limite lorsque le progrès met en concurrence la vie de l´homme et le confort de la circulation automobile. Non seulement les biocarburants utilisent les céréales pour leur fabrication, mais ils détournent aussi une denrée tout aussi rare que précieuse pour l´homme: l´eau. La monoculture, qui ruine l´Afrique, la spéculation boursière sur les céréales, participent à la raréfaction des produits alimentaires, outre de mettre des continents comme l´Afrique, en marge du développement. Le problème de la faim n´est plus celui de pays particuliers, mais celui de l´humanité dans son ensemble et plus singulièrement de ceux-là qui ont contribué, par leurs activités, au déséquilibre de la donne alimentaire mondiale.