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Le syndrome de la “cité touila”
76 familles sinistrées et 30 milliards de dégâts dans la ville des oranges Boufarik
Publié dans Liberté le 04 - 06 - 2003

Avec Meftah, Boufarik est l'une des communes les plus touchées par le séisme du 21 mai dans la wilaya de Blida. Nous avons visité de près l'un des immeubles-phares de la ville, une tour de 13 étages qui est, à juste titre, le “sismomètre” de Boufarik. Reportage .
La “Cité Touila”. Littéralement, la “Cité Longiligne”. Ainsi appellent les Boufarikois cette tour de 13 étages qui trône à la périphérie de la Ville des Oranges et qui, à en croire ses locataires, serait l'immeuble le plus élevé de la partie ouest de La Mitidja. La Cité Touila, officiellement Cité Makhloufi-Bouâlem, est un peu, pour ainsi dire, le “sismomètre” de Boufarik. De fait, à la moindre secousse, tous les regards sont rivés sur la tour pour prendre la mesure du séisme.
Il faut dire que l'immeuble a résisté vaillamment aux cinq ou six évènements sismiques qui ont frappé le centre de notre pays, dont le terrible tremblement de terre du 10 octobre 80. Pourtant, le dernier en date aura été presque fatal pour le fameux building. D'ailleurs, le CTC l'a classé orange au 3e degré.
Nous avons visité cet immeuble à l'occasion d'une virée à la capitale de la z'labia et des Patriotes, où le séisme du 21 mai a fait officiellement 76 sinistrés “à part entière” et pas moins de 30 milliards de dégâts matériels, tous secteurs confondus. La Tour de Boufarik a été inscrite dans le fameux Plan de Constantine, initié par le général De Gaulle en 1958. Elle a été donc construite aux ultimes années de la présence coloniale. Ammi Chérif se souvient : “J'ai été l'un des tous premiers locataires de cet immeuble. J'y suis entré en 1967”, dit-il. Il faudrait signaler que le quartier compte en vérité trois immeubles, avec 128 logements au total, destinés à accueillir des fonctionnaires de l'administration française.
Les habitants de la Tour se remémorent l'un des évènements les plus poignants qu'ait vécu leur immeuble. En décembre 1996, la main hideuse du GIA a posé des charges explosives dans les fondations mêmes du bâtiment. La déflagration avait soufflé des appartements entiers. Dieu soit loué, les piliers ont tenu bon.
Nous avons visité la tour de la Cité Makhloufi, quasiment appartement par appartement. 50 familles, soit plus de 300 personnes, logent dans ce bunker.
D'entrée, l'immeuble arbore en son milieu une fracture bien visible qui fait craindre le pire. Si les locataires des derniers étages ont terriblement ressenti la secousse, ce sont, en revanche, les appartements des étages inférieurs qui ont le plus accusé le coup. Ammi Chérif nous fait visiter son logement situé au 2e étage. Les murs de cloisonnement sont soufflés. La salle de bains est défoncée. Il n'est pas un seul mur qui ne soit fissuré ou, à tout le moins, lézardé. Le sol est légèrement incliné et les parties saillantes sont comme sur le point de se détacher. “Nous supportons tout le poids de l'immeuble ainsi que les surcharges. Les gens construisent n'importe comment. Tout le monde a installé une citerne. Tout cela a fragilisé l'immeuble, sans parler de l'attentat de 1996”, dit Ammi Chérif. Chez ammi M'Hamed, au 5e étage, le mur de l'une des chambres est complètement défoncé, laissant apparaître une cavité béante donnant sur le vide de l'ascenseur. Dans l'appartement du dessus, le mur extérieur est cisaillé d'une façon terrifiante.
Les locataires dénoncent le fait que Djeezy ait installé des antennes sur la terrasse de l'immeuble, impliquant une surcharge de 3 tonnes. “Le plus grave, c'est que les antennes ont toutes été installées sur un même côté, à l'extrémité de le la terrasse, ce qui a fragilisé le côté gauche. Si l'une de ces antennes venait à tomber, elle ferait de gros dégâts”, dit Ammi Omar, un locataire perché au 12e étage. Aussi, l'une des premières résolutions du comité de crise du quartier était de demander au maire et à l'OPGI d'interdire l'exploitation de l'immeuble par Djeezy : “L'opérateur s'était engagé à contribuer à la réfection des parties communes de l'immeuble pour une somme de 71 millions de centimes. Il voulait mettre une grande enseigne publicitaire, en s'engageant à repeindre l'immeuble. Rien de cela n'a été fait”, affirme un employé de la CNEP. “Au lendemain du séisme, les gens de Djeezy sont venus voir si leurs antennes n'avaient rien. Ils n'avaient cure que leur matériel endommage l'immeuble”, s'indigne un citoyen.
Une dame du troisième étage est en colère. Les murs de son appartement sont tous défigurés par le choc tellurique. “Tout le monde nous dit : “Tabâou, maâlich. Votre immeuble n'a rien.” Comment ça il n'a rien ? C'est un bâtiment qui a subi plusieurs traumatismes. Le maire nous dit vous pouvez monter. Des experts sont venus. Ils ont tapé avec leurs mains nues sur les murs et nous ont dit ce n'est pas grave. Moi, je veux une garantie écrite et signée disant qu'on peut habiter cet immeuble sans problème, sinon, pas question de revenir ici !”, s'écrie-t-elle.
Depuis le 21 mai, les 50 familles qui habitent la Tour jouent à cache-cache avec les répliques. Un établissement scolaire qui se trouve non loin du quartier, en l'occurrence le CEM Aït-Boudjemaâ, a été mis à contribution pour abriter les familles, le soir. Les jeunes montent la garde avec vigilance, surtout que l'insécurité est aggravée par le fait qu'un verger d'orangers borde le quartier, ce qui constitue une zone de repli idéale pour les chapardeurs et autres rôdeurs indélicats, tentés de profiter de la confusion ambiante pour effectuer des incursions dans les immeubles.
À la Cité Touila, pas question de passer la nuit chez soi. Tout est bon pour se terrer : un abri de fortune, une voiture. Ainsi Amar, cadre à la CNEP, qui nous dit avoir passé dix nuitées dans sa voiture. Chacun se case où il peut. Vu l'aspect impressionnant de la Tour, avec cette “faille” visible en son milieu, nul n'ose s'aventurer la nuit dans ses entrailles. À l'exception de cet intello trentenaire qui, chaque soir, en rentrant du travail, monte le plus normalement du monde se réfugier dans son logis, sous le regard réprobateur de ses voisins et surtout de son jeune frère qui, invariablement, lui lance cette boutade assassine : “S'mah binatna !”
Le jour, les gens regagnent leurs appartements comme des voleurs. Les mères de famille y vont chercher quelques effets, préparer des sandwichs pour leurs enfants ou faire le plein d'eau. Les hommes, eux, essayent de reprendre une vie plus ou moins normale. Mais la plupart n'ont pas le cœur à aller travailler. Ils ont tous la hantise de revenir le soir et ne plus voir le chapeau de la fameuse Tour émerger des vergers.
Les enfants sont particulièrement traumatisés. À l'instar de Islam, 11 ans, ils ont peur de monter dans l'immeuble. Les filles ont toutes accusé une baisse de tension. Une ménagère nous dit que son diabète a empiré, une autre, qu'elle a eu un malaise cardiaque en descendant de l'immeuble. Tout le monde fait le même cauchemar : celui de se voir pris dans ce dédale d'escaliers où l'on s'engouffre comme dans un interminable tunnel vertical. Les élèves de terminale n'ont guère le cœur ni le moral à se présenter aux examens. M. Souilah, professeur de physique au lycée Moufdi-Zakaria, et qui habite au dixième, proteste contre la mesure de reporter le bac pour seulement deux wilayas : “Moi, je suis prof et je n'ai pas le moral à corriger les copies ou surveiller le jour du bac. J'ai une fille candidate au bac et elle n'a guère la tête à ça. C'est injuste de reporter le bac pour certains alors que les élèves sont traumatisés. À la moindre secousse, ils sautent par les fenêtres. Ils vont être pénalisés les pauvres, tant les conditions ne sont guère propices à préparer sereinement l'examen le plus décisif de leur cursus”, tempête-t-il.
Ammi Bouâlem est la mascotte du quartier. Cet instructeur d'éducation physique, aujourd'hui à la retraite, occupe le tout dernier étage de la tour. Il nous parle difficilement. Il arbore des signes de somnolence. Et pour cause : “Je dors mal. Je ferme à peine les yeux. Cela fait plusieurs jours que je n'ai pas eu une nuit sereine”, se plaint-il.
Il convient de souligner qu'à l'instar de tous les habitants qui logent dans des immeubles plus ou moins endommagés, les locataires de la Tour s'inquiètent du devenir de leur bâtiment.
Depuis le 21 mai, l'immeuble a été visité par plusieurs experts. Le maire de la ville, M. Younès Khadir, a immédiatement fait quérir une équipe du CTC. Après un examen préliminaire, l'immeuble a été classé orange au 3e degré. Les habitants réclament, cependant, une expertise approfondie. Nous sommes près de l'hôpital. Une bâtisse en ruine attire notre attention. C'est Dar Sahnoune. Dans un autre carré, d'autres bâtisses ont connu le même sort, notamment Dar Louiza et Dar Chnioui. Au total, 14 bâtisses se sont effondrées, indique le maire, faisant 76 familles sinistrées.
Les familles sont, pour une bonne partie, casées au sein de l'école primaire El-Khaldounia. Les sinistrés se jettent sur nous, chacun brandissant une vieille demande en règle pour l'obtention d'un logement social. De fait, tous étaient en réalité sinistrés avant le séisme et la catastrophe n'a fait que donner le coup de grâce à ce qui leur servait d'habitation.
Fatma-Zohra, une jeune femme de 35 ans, vient d'accoucher. Son bébé, un joli poupon prénommé Bouchra, a 40 jours. Fatma-Zohra nous dit qu'elle passe son temps à courir de maison en maison pour laver sa fille et la changer. Bouchra souffre d'une méchante grippe. Une autre femme travaille depuis vingt ans comme infirmière à l'hôpital. C'est à l'hôpital qu'elle dort, désormais. Elle attend en vain un logement décent.
Une troisième est victime du terrorisme. Son père et son mari ont été tués par les terroristes en 1996 à Khazrouna. Depuis, elle habite avec son fils dans le refuge communal, à hauteur du marché de gros. Le séisme a pulvérisé le refuge. Mais la liste est longue, comme longue est l'attente de ces dizaines de sinistrés de la vie, à qui la chance n'a jamais souri. Puisse ce drame leur apporter un déclic — même absurde — pour un nouveau jour.
Virée à Haouch 18, situé à la sortie nord de Boufarik. Le haouch a été rasé. Ses locataires, quelque 160 familles qui occupaient des habitations héritées de l'époque coloniale, ont été relogées il y a moins de deux mois. Ironie du sort : les immeubles flambant neufs qu'ils ont réceptionnés sont fissurés et lézardés. Dans certains appartements que nous avons visités, les murs sont sévèrement touchés. Mais pas des murs porteurs, Dieu merci. Toutefois, les escaliers doivent être confortés.
Lestés des doléances du jour, nous avons été voir Monsieur le Maire. M. Khadir n'a pas une minute à lui. Comme tous ses homologues des communes touchées par le séisme, il croule sous les SOS. Première question qui fuse : quelle est l'ampleur exacte des dégâts ? “La plupart des bâtiments que vous avez visités ne sont pas des sinistrés. J'appelle un sinistré quelqu'un qui a tout perdu, maison, meubles, effets, voire, si ça se trouve, ses économies. Or, les locataires des immeubles qui ont été touchés peuvent rentrer chez eux, faire à manger, récupérer leurs effets, etc.”, précise d'emblée M. Khadir. De fait, les 76 familles sinistrées qui ont été recensées occupaient de vieilles bâtisses centenaires. Il faut noter que Boufarik est une ville typiquement coloniale. Elle a été créée par décret le 5 mai 1847.
Concernant les mesures prises, le maire se veut rassurant : “Je viens d'avoir une séance de travail avec le directeur de l'OPGI au sujet des bâtiments endommagés, soit la Cité Makhloufi, la Cité Evolutive et la Cité des 159-Logements. Que les locataires soient rassurés : l'Etat va se charger de réparer tous les logements fissurés. Les entreprises de réalisation seront à pied d'œuvre incessamment”, a-t-il promis. Les familles sinistrées seront-elles relogées avant l'hiver ? Difficile à dire. La ville de Boufarik ne dispose que de 24 logements sociaux. Une demande a été formulée à l'adresse de la wilaya de Blida dans le cadre du programme d'urgence pour la prise en charge des sinistrés. En attendant, un camp a été installé dans un établissement situé sur la route de Soumâa. Il s'agit d'un collège désaffecté que le maire a bien voulu nous faire visiter. “Jusqu'à présent, nous avons installé 39 tentes. Nous attendons la livraison du reste des tentes. Comme vous le voyez, le site est agréable. Il est viabilisé et sécurisé et comprend toutes les commodités. De plus, il y a neuf grandes salles que je pourrais, en cas de besoin, aménager en studios pour loger les familles sous un toit en dur”, dit M. Khadir.
M. B.


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