Tribunal de Souk Ahras: un accusé placé en détention provisoire pour délit de vente de produits avariés et abattage clandestin    "Les bases arrières de la révolution algérienne ", thème d'un colloque international à Souk Ahras    Glissement de terrain à Oran : Mouloudji demande aux services locaux de son secteur d'accélérer la distribution des aides et de renforcer la prise en charge des blessés    Rekhroukh s'enquiert du chantier de réhabilitation d'un tronçon de la RN-52 reliant Adrar et In-Salah    Le président de la République félicite la championne olympique Kaylia Nemour pour sa médaille d'or décrochée au Caire    Glissement de terrain à Oran : le président de la République présente ses condoléances à la famille des victimes    El Bayadh : les corps des moudjahidine Sekkoum Laid et Besseddik Ahmed inhumés    Boughali souligne la nécessité de sensibiliser les jeunes générations aux droits des peuples    CRA : Hamlaoui examine avec l'ambassadrice de Norvège les moyens de soutenir l'action humanitaire et solidaire bilatérale    Meziane appelle les médias arabes à œuvrer pour davantage de rapprochement interarabe    PME: la Finalep prévoit en 2025 des cessions de ses participations via la Bourse    L'Algérie et le Zimbabwe disposent de plusieurs opportunités de coopération    CHAN 2025/Gambie-Algérie: Bougherra dévoile une liste de 26 joueurs    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 52.243 martyrs et 117.639 blessés    Agression sioniste: les enfants meurent de faim à Ghaza    Gymnastique artistique/Coupe du monde: Kaylia Nemour qualifiée en finales de la poutre et du sol    Jijel: arrivée au port de Djen Djen d'un navire chargé de plus de 10.000 têtes d'ovins en provenance de Roumanie    Projection à Alger du documentaire "Zinet Alger : Le bonheur" de Mohamed Latrèche    Le temps des regrets risque de faire encore mal en cette fin de saison    Exploit de Sundows qui élimine Al Ahly et se qualifie en finale    Quand les abus menacent la paix mondiale    Israël fait sa loi…!    Le Polisario fait entendre sa voix à Bruxelles et exige la libération des prisonniers détenus par le Makhzen    Projection à Alger de ''La Saoura, un trésor naturel et culturel''    L'inévitabilité de la numérisation de la zakat pour établir la transparence    Une ville à la traîne…    Sept produits contenant du porc illégalement certifiés halal    Pour bénéficier des technologies de pointe développées dans le domaine de l'hydrogène vert    Quand les constructions inachevées dénaturent le paysage    Des rencontres, du suspense et du spectacle    Se présenter aux élections ne se limite pas aux chefs de parti    Un art ancestral transmis à travers les générations    Condoléances du président de la République à la famille de la défunte    Les tombeaux royaux de Numidie proposés au classement ''dès l'année prochaine''    Un programme sportif suspendu    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le blues du Bounty
“Choc des civilisations pour un ascenseur Piazza Vittorio”, de Amara Lakhous, prix Aslia 2008
Publié dans Liberté le 24 - 11 - 2008

Avec ce roman, mi-polar, mi-comédie à l'italienne, le jeune auteur installé à Rome signe une fable joliment troussée sur le choc des cultures. Mais, il renouvelle aussi gaiement les thèmes plus profonds de l'identité et de la mémoire. Un prix Aslia 2008 grande cuvée et un roman à découvrir absolument.
Tout le monde aime Amadeo. Ses voisins, ses amis, les commerçants du quartier Piazza Vittorio à Rome, louent tous ses qualités humaines, sa chaleur et sa compréhension. Ils en font même le modèle de l'Italien “idéal”, débarrassé de toutes les rancœurs d'un pays “dont l'unité politique a précédé le sentiment national”. Imaginez alors la surprise de son ami Parviz, Iranien, son épicier bangladeshi Iqbal Amir Allah, sa concierge napolitaine, Benedetta Esposito, son barman romain préféré Sandro Dandini, ou Antonio Marini son voisin lombard, quand ils apprennent que : 1, Amadeo est en fait un immigré ; 2, Amadeo est peut-être responsable de la mort d'un de ses voisins retrouvé sauvagement poignardé dans l'ascenseur de leur immeuble. Qu'en dit le principal intéressé ? Rien, il a disparu. Reste ces témoignages de proches et voisins pour guider les investigations du commissaire Mauro Bettarini.
Sauf que l'enquête drolatique à laquelle nous convie Amara Lakhous, jeune romancier algérien installé à Rome depuis 1995, nous entraîne, entre polar et comédie à l'italienne, au cœur des pires tourments de l'âme de La Botte, peu préparée à la mondialisation et à la cohabitation des cultures et toujours tentée par le repli sur soi – voir le succès des thèses sécessionnistes du principal allié de Berlusconi, Umberto Bossi. Ce voyage en 11 témoignages ou “vérités” est scandé par la voix de l'absent, le mystérieux Amedeo-Ahmed, qui prend la forme de “hurlements” enregistrés.
Ces “vérités” que délivrent tour à tour Parviz, Iqbal, Benedetta, Sandro, Antonio, mais aussi la garde-malade péruvienne, Maria Cristina Gonzales, l'amoureuse des chiens, Elisabetta Fabiani, l'apprenti cinéaste hollandais Johen Van Marten, et l'épouse d'Amadeo, Stefania Massaro, vont au-delà du portrait de celui qu'ils croyaient connaître, peindre la fresque immense des préjugés, du racisme, du refus de l'autre qui gangrènent la société italienne. Ses immigrés compris. Comme l'assène à un moment Benedetta la Napolitaine, elle-même accusée de sous-développement par ses voisins du Nord, à propos de Parviz : “On s'en fiche qu'il soit Iranien ou Américain ou Suisse ou autre. L'important, c'est qu'il se comporte exactement comme un Tzigane, c'est pour cela que je dis que l'on ne naît pas tzigane, on le devient.” Ou encore, cette citation magnifique d'Alberto Sordi dans la bouche du méprisant Marini : “Moi, je suis moi, et vous, que dalle !”
Si, de son côté, Amadeo, qui enregistre ses hurlements le soir, caché dans ses toilettes, évoque sa femme, ses voisins et amis, et le mystère qui hante sa vie, avec le langage de l'animal, ce n'est pas par hasard. Rome, la ville éternelle “qui a dompté le temps”, s'est créée sur une légende, celle des jumeaux fondateurs, Romulus et Remus nourris au sein d'une louve. Et Amedeo est venu ici tenter de “téter la louve sans se faire mordre” (c'est le titre de la première version de ce roman paru aux éditions El-Ikhtilef en 2001).
On l'aura — assez vite — compris, le thème de l'identité est omniprésent dans Choc des civilisations. Et pour Lakhous, le premier fondement de l'identité, c'est la mémoire. Celle du drame qui torture Amadeo-Amara et qu'il a voulu fuir le plus loin possible, abandonnant tout du jour au lendemain. Qui fuit sa mémoire en vient à craindre la vérité, assure Lakhous. Avec les mots d'Amadeo : “La vérité ne blesse pas, elle tue.”
En filigrane de récit aux mots simples, à la langue souple et très bien construit, Amara Lakhous chante un blues assez connu, le sien peut-être. La complainte de l'intégré, du mal-blanchi, du “Bounty” comme on dit dans les Caraïbes françaises. Celui qui, pourrait-on croire, a lâchement troqué son identité contre celle, forcément avilissante, de l'étranger chez qui il vit. Amadeo lit El Corriere Della Serra, parle mieux l'italien que les Italiens, connaît mieux les itinéraires et monuments qu'un chauffeur de taxi romain ; il est beau, élégant, raffiné, amène et prompt à s'esclaffer… toutes des vertus romaines ! Qu'elles soient communes à tout le pourtour méditerranéen, on s'en fout. Peu importe qu'Amadeo-Ahmed ait été même dans sa première vie un garçon charmant. C'est un traître, un traître à son identité. Avec les mots de Abdallah Benkaddour, voisin d'Hussein Dey, retrouvé par hasard à Rome : “Changer de prénom est un péché capital, au même titre que l'homicide ou l'adultère !”
Concilier mémoire, identité et vérité ? Lakhous ne résout pas cette équation à trois inconnues qui, visiblement, l'obsèdent. Non, il cherche encore, persuadé que dans certains cas, elle est insoluble. Ou alors, comme le montrera Amadeo dans un dernier geste désespéré, au prix, incroyablement élevé, de l'effacement de la mémoire.
Rachid Alik
(Choc des civilisations pour un ascenseur Piazza Vittorio , de Amara Lakhous, éditions Barzakh, 146 pages, 400 DA)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.