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Construire l'ennemi (*)
Des “barbares” bombardés à Gaza
Publié dans Liberté le 08 - 01 - 2009

Qu'elle était naïve, décidément, cette idée selon laquelle, avec l'expansion des moyens de communication, il ne serait plus possible de commettre une exaction sans que l'opinion internationale, aussitôt alertée, réagisse par une protestation unanime... Alors que pour compenser ce rétrécissement spectaculaire de la planète, il suffisait d'intensifier en proportion les efforts de propagande.
Les bombardements israéliens sur Gaza en offrent la démonstration la plus achevée. Vous croyez voir une population prise au piège, privée de tout par un blocus inhumain, se faire massacrer par un Etat qui, soutenu par la première puissance mondiale (…) occupe illégalement des territoires et opprime un peuple depuis quarante ans, en violant sans cesse ses engagements ? Abracadabra ! Mais non : vous voyez un pauvre petit Etat merveilleusement démocratique se défendre contre les méchants islamistes qui veulent sa perte. Et le pauvre petit Etat est vraiment désolé de devoir au passage réduire en charpie quelques gamins — les seuls Palestiniens que l'on daigne considérer comme “innocents”, ce sont les enfants ; et encore... — pour parvenir à atteindre les fourbes activistes méritant mille fois la mort, qui se cachent lâchement parmi eux. (…) Dans son livre La peur des barbares (Robert Laffont, 2008), Tzvetan Todorov rappelle : “Quand on demande aux policiers et aux militaires sud-africains pourquoi, au temps de l'apartheid, ils ont tué ou infligé des souffrances indicibles, ils répondent : pour nous protéger de la menace que les Noirs (et les communistes) faisaient peser sur notre communauté. (…).” Ainsi, le sort fait aujourd'hui aux Gazaouis a été permis par une longue et obstinée construction de l'ennemi. Depuis le mensonge fondateur d'Ehud Barak sur la prétendue “offre généreuse” qu'il aurait faite en 2000 à Camp David, et que les Palestiniens auraient refusée, les politiciens et les communicants israéliens s'y emploient avec zèle (…). Mais le 11 septembre 2001, en poussant l'Occident à la frilosité grégaire et au repli identitaire, leur a offert un terrain favorable, en leur permettant de jouer sur la nécessaire solidarité des “civilisés” face aux “barbares” : innocence inconditionnelle pour les premiers, culpabilité tout aussi inconditionnelle pour les seconds. (…) La focalisation hypnotique, obsessionnelle, sur l'“intégrisme musulman”, relayée avec zèle par d'innombrables éditorialistes et tâcherons médiatiques, tous ces “meilleurs spécialistes de l'islam de tout leur immeuble” qui, conformément au désormais bien connu “théorème de Finkielkraut” (moins tu en sais sur le sujet dont tu causes, plus on t'écoute), y ont trouvé un fonds de commerce providentiel et l'occasion d'une gloire facile, est parvenue à persuader l'opinion occidentale que celui-ci représentait aujourd'hui le plus grand danger menaçant le monde. (…). Bassiner jour après jour des citoyens occidentaux désorientés par l'évolution du monde et peu sûrs d'eux-mêmes avec la “menace islamiste” a eu pour effet de faire disparaître tout le reste, et en particulier de gommer comme par magie tout rapport de forces objectif. Le résultat, c'est qu'un type qui insulte une femme voilée dans le métro parisien n'a pas l'impression de s'en prendre à plus faible que lui, mais de poser un acte de résistance héroïque (…).
Le matraquage sur l'“islamisme” a été si efficace que l'occupation israélienne, qui constitue pourtant la donnée première de la situation au Proche-Orient, a tout simplement disparu des radars. Au mieux, quand on reste un peu sensible au malheur palestinien, on fait comme s'il était symétrique au malheur israélien (…). Si d'aventure l'opinion occidentale est quand même prise d'un doute passager (…), elle est aussitôt invitée à se rappeler que, de toute façon, ces gens-là ne sont que des bêtes malfaisantes qui détestent les juifs par pure méchanceté d'âme (…) et qui oppriment leurs femmes (…). Cette analyse faisant de l'intégrisme musulman le plus grand péril menaçant la planète est parfois posée au détriment du plus élémentaire bon sens (…). Mais surtout, cette focalisation sur l'“islamisme” est désastreuse, parce qu'elle s'en prend à un phénomène de nature essentiellement réactive et défensive, qu'elle ne fait qu'alimenter encore davantage. La prise de pouvoir du Hamas est présentée comme une preuve de l'arriération et du caractère belliqueux des Palestiniens, alors qu'elle résulte de l'exaspération d'une population qui a vu l'occupant poursuivre inexorablement sa politique de terreur et de spoliation. “On nettoie, et ensuite, peut-être qu'on verra enfin émerger un partenaire palestinien raisonnable”, disent en substance les autorités israéliennes aujourd'hui — comme si elles ne s'étaient pas acharnées auparavant à discréditer, à diaboliser, à éradiquer les partenaires raisonnables qu'elles avaient en face d'elles, assiégeant le quartier général de Yasser Arafat, tandis que les infrastructures du Hamas et du Djihad islamique restaient debout. Selon toute vraisemblance, c'est plutôt les Palestiniens qu'il s'agit de “nettoyer”. (…) C'est l'existence même des Palestiniens qui gêne. Dans un texte publié le 30 décembre, On Gaza, l'activiste altermondialiste américaine Starhawk écrit : “Je suis juive, de naissance et d'éducation, née six ans après la fin de l'Holocauste, élevée dans le mythe et l'espoir d'Israël. Le mythe dit ceci : “Pendant deux mille ans, nous avons erré en exil, nulle part chez nous, persécutés, presque détruits jusqu'au dernier par les nazis. Mais de toute cette souffrance est sortie au moins une bonne chose : la patrie à laquelle nous sommes revenus, enfin notre propre pays, où nous pouvons être en sécurité, et fiers, et forts.” C'est une histoire puissante, émouvante. Elle ne présente qu'un seul défaut : elle oublie les Palestiniens. Elle doit les oublier, parce que si nous devions admettre que notre patrie appartenait à un autre peuple, elle en serait gâchée. Le résultat est une sorte d'aveuglement psychique dès qu'il s'agit des Palestiniens. (…). Face à cet aveuglement, une seule alternative s'offre à la communauté internationale, au sein de laquelle les leviers de décision sont encore occidentaux : soit obliger les Israéliens à voir les Palestiniens ; soit approuver cet aveuglement (…) et cautionner, voire encourager, un sociocide. Il semble qu'elle ait fait son choix.
Se mettre à la place des dominés, c'est trop fatigant
Ce choix a été largement facilité par la résurgence du mépris colonial le plus cru (…). Pouvoir déchaîner son inconscient colonial à l'abri du noble combat pour ceux que l'on a autrefois si allègrement génocidés, avouons que c'est quand même une formidable aubaine. La propagande pro-israélienne compte sur l'imprégnation persistante des cerveaux par les vieux clichés coloniaux, qui empêchent toute appréhension réelle du malheur des Palestiniens. (…) La propagande pro-israélienne parie sur l'impossibilité d'une identification du pékin occidental avec les Palestiniens, comme en témoigne le succès de l'argument que l'on voit copié-collé ad nauseam sur tous les forums (…).
L'obsession de l'islamisme et l'effacement du rapport de forces réel — son inversion, même — ont été d'autant plus faciles à installer qu'ils permettent de faire l'économie de toute identification aux dominés. (…) Cette profonde réticence, le refus de fournir cet effort d'identification — car cela demande bien un effort —, cet enfermement dans le confort de ses certitudes et de sa position dominante, produisent une sous-estimation permanente des souffrances de l'autre. On reste sans voix, par exemple, en entendant certains, en France, affirmer leur incrédulité quant au fait que l'histoire coloniale continuerait de produire des effets dans notre réalité présente (…). Sous-estimation, aussi, dans tous ces discours qui affirment que l'ancien tiers-monde ne doit sa piètre situation qu'à lui-même, et non à l'héritage colonial. Pire : la possibilité même de l'existence d'un point de vue sur le monde autre que le point de vue blanc et occidental suscite le scepticisme.
C'est peut-être bien cela que signifient les accusations de “relativisme culturel”, si fréquentes ces dernières années à l'égard de tous ceux qui défendent encore la nécessité d'un décentrage : il n'y a au monde qu'un seul point de vue valide et respectable, c'est le point de vue occidental ; et la seule alternative offerte aux autres est soit de l'embrasser, soit de rester dans les ténèbres de leur sauvagerie.(…)
Cette sous-estimation du préjudice causé à l'autre, le journaliste néerlandais Joris Luyendijk la pointait en 2007 dans un article du Monde diplomatique intitulé “Les mots biaisés du Proche-Orient” : “Le mot “occupation” peut-il être, lui aussi, vide de sens pour les lecteurs et les téléspectateurs occidentaux ? Un tel vide expliquerait pourquoi on multiplie les pressions sur l'Autorité palestinienne pour qu'elle prouve qu'elle “en fait assez contre la violence” alors qu'on ne demande presque jamais aux porte-parole du gouvernement israélien s'ils “en font assez contre l'occupation”. Nul doute qu'en Occident, le citoyen sait ce qu'est la menace terroriste, ne serait-ce que parce que les responsables politiques le lui rappellent régulièrement. Mais qui explique aux publics occidentaux la terreur qui se cache derrière le mot “occupation” ? Quelle que soit l'année à laquelle on se réfère, le nombre de civils palestiniens tués en raison de l'occupation israélienne est au moins trois fois supérieur à celui des civils israéliens morts à la suite d'attentats. Mais, les correspondants et les commentateurs occidentaux, qui évoquent les “sanglants attentats-suicides”, ne parlent jamais de la “sanglante occupation”.” (…)
Mona Chollet, journaliste et essayiste
(*) Article publié dans le site web Périphéries, 1er janvier 2009


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