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Le livre, otage des importateurs
À deux semaines de l'ouverture du 14e SILA
Publié dans Liberté le 08 - 10 - 2009

À la veille du XIVe Salon du livre d'Alger (Sila 2009), le monde du livre est à la veille d'un bouleversement. Les syndicats d'éditeurs s'entre-déchirent, le lobby des importateurs s'agite, le commissaire du Salon se raidit et l'Etat observe. En toile de fond, les attaques portées à la LFC 2009.
Imaginons un préambule de roman à scandale. Un bateau dont les entrailles sont remplies de tonnes de livres est bloqué dans un port étranger. La cargaison est sensible. Des livres universitaires et scientifiques qui doivent être livrés avant la rentrée universitaire en Algérie. Mais le syndicat du livre, qui a commandé cette marchandise, menace de ne pas la faire rentrer. Le ministre de l'Enseignement supérieur ne peut pas réagir face à un lobby qui détient l'intégralité du marché et les étudiants algériens n'auront pas de livres pour la rentrée. Le président inaugure une année universitaire en ignorant que l'année risque d'être blanche. Faute de livres.
Les importateurs deviennent syndicalistes !
Cette trame est pourtant quasi réelle. Le conflit qui secoue le monde de l'édition, à cause d'une incongrue question de délocalisation du site du Sila 2009, est entré dans sa phase la plus délicate. D'un côté, le SPL, composé des maisons d'édition Sedia (de Mme Radia Abed-Garrigue), les entreprises Omega (de Abdelhak Bouannane) et Eddif 2000 (de Mohamed Bouatalbi) qui phagocyte la totalité du marché de l'importation du livre technique et universitaire et qui pèse 30 millions de dollars par an. De l'autre, Smaïn Amziane, nouveau commissaire du Sila 2009 et propriétaire de la maison d'édition Casbah. Nommé par le ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, il est celui par lequel passera la réussite de ce salon qui a basculé, depuis 2008, dans le giron de la Culture, après avoir été longtemps organisé par l'Anep. Il a également l'avantage – ou l'inconvénient, c'est selon — d'avoir été l'ancien président du Snel, un syndicat d'éditeurs et d'importateurs considéré comme le plus puissant avant l'émergence du SPL.
Tout ce beau monde de l'édition et de l'importation du livre se connaît par cœur. Un microcosme où l'amitié et les faux-semblants se confondent. On se croise dans les cocktails d'ambassades, on se “vole” des auteurs en vogue ou à succès, on négocie des droits d'auteurs, on s'invite mutuellement aux ventes-dédicaces, on se pirate des livres ou on se conseille des imprimeurs. On se cogne dessus avec l'élégance des hyènes et on dit des méchancetés sur ses concurrents comme de bien entendu. Dans ce monde, l'insulte est une mondanité.
Donc, rien de nouveau dans le huis clos littéraire, jusqu'à la promulgation de la loi de finances complémentaire 2009 (LFC2009). Le livre n'étant pas une “denrée” menacée, il va, tout de même et de manière inexplicable, provoquer une levée de boucliers des éditeurs-importateurs. Par quoi se sentent-ils menacés? À l'image des gouvernements qui ont critiqué la LFC 2009, comme Paris, Washington ou Berlin, les importateurs réagissent comme des politiques. Cette loi risque à terme de pointer l'index sur le marché anarchique du livre qui a prospéré durant des années grâce à l'incurie des pouvoirs publics qui négligeaient le rayon librairie.
Les deux syndicats que tout oppose unissent leurs voix pour adresser un message au président Bouteflika. Ces professionnels du livre s'attaquent aux dispositions du Credoc (crédit documentaire) et se déclarent étonnés “d'apprendre qu'il nous était dorénavant interdit de recourir au crédit fournisseur et que nous devions régler au comptant la valeur de nos importations”. Ils brandissent déjà une menace voilée sur les “retards considérables” qui vont “hypothéquer très sérieusement la rentrée universitaire et le bon fonctionnement du XIVe Salon international du livre d'Alger (Sila)”. Une prise de position politique vis-à-vis de la LFC 2009 qui va les desservir puisque l'Etat se décide à s'intéresser de plus près à ce qui se passe dans cet univers impitoyable de l'importation du livre.
Hachette et le marché algérien
Depuis deux décennies, le marché de l'importation du livre est divisé entre deux pôles aussi incontournables que monopolistiques. Pour le livre francophone, le SPL, adossé au géant français Hachette, propriété de Lagardère, ami de Nicolas Sarkozy, tient la corde. Les achats de toutes les bibliothèques, nationales ou municipales, des universités, des écoles, des centres de formation ou des libraires se faisaient essentiellement chez ce mastodonte de l'édition française qui capte 70% du marché français. Ses représentants ont eu, ainsi, toute la latitude de devenir un lobby puissant, raflant tous les marchés et créant un réseau d'influence allant des ministres aux patrons de presse en passant par les romanciers, les imprimeurs, les chefs d'entreprises et les attachés de presse des festivals.
À la tête de ce réseau, Mme Radia Abed-Garrigue, Une dame cultivée et introduite qui connaît ses lettres et obligeances et que certains dépeignent comme une Matahari de l'édition. On lui prête le fait qu'elle ait voulu saborder le Sila 2009 pour démontrer aux concurrents et au ministère de la Culture qu'elle est la seule à faire la pluie et le beau temps dans cet univers : “Le débat lancé par Mme Abed est un faux débat. La délocalisation n'est pas le réel objectif de son entreprise mais d'imposer au gouvernement sa vision des choses”, confesse un éditeur. Dans la cohue qui a suivi la localisation du Sila 2009 sur le site de l'Oco et non à la Safex, et après les menaces de boycott avortées, on apprend que le P-DG de Hachette, M. Dubs, arrivera à Alger le 29 octobre, soit deux jours après l'ouverture du salon. Smaïn Amziane, commissaire acharné et qui possède également son carnet d'adresses, a réussi à convaincre le groupe français de ne pas suivre le mot d'ordre du boycott de ceux qui représentent sa maison d'édition en Algérie : “Hachette s'est démarqué de ses représentants et a décidé de participer. Le groupe n'a pas posé de problème sur les stands du site de l'Oco en demandant juste d'y trouver les mêmes conditions avantageuses qu'à la Safex. Le reste est de la politique car les enjeux sont ailleurs”, admet Smaïn Amziane. Dans cette guerre feutrée que se livre le SPL et le commissariat du Sila 2009, s'est glissé le Snel ou ce qu'il en reste. Après la démission des représentants de maisons prestigieuses comme Casbah, Chihab, l'Apic ou l'Enag, le Snel est tombé entre les mains de Faycal Houma, un jeune éditeur qu'on taxe d'islamiste : “On importe le livre arabe et religieux, on est majoritaire et on nous traite comme des marginaux. Maintenant, il faut savoir qui a le plus de légitimité, ceux qui se font décorer de la légion d'honneur de la francophonie ou les Algériens qui donnent accès à un livre pas cher”, critique un importateur qui a ses réseaux en Orient.
Les islamistes et le diable roux
Histoire de gros sous mais aussi d'idéologie. Pour trancher, Khalida Toumi a donné un seul mot d'ordre : “Le Sila doit être le salon des éditeurs et non des importateurs”. Mais les importateurs du livre religieux, qui trustent le marché algérien, n'en démordent pas et montrent les crocs quand il s'agit de cautionner la démarche de la ministre qu'ils appellent en privé par le doux sobriquet de El Djen El Achkar (le diable roux).
Car à l'opposé des petits fours et du champagne, se tient un lobby surpuissant qui a cannibalisé le marché de l'édition et de l'importation des livres. Dans ce milieu où il est plus rentable socialement de s'appeler “el hadj”, où on va à la Omra ensemble, on a compris également que le marché algérien est vierge et qu'il fallait l'investir. C'est par bateaux entiers que la littérature religieuse, aux forts accents salafistes, vient investir les consciences. D'Arabie Saoudite, d'Egypte, du Liban ou de Syrie, ces livres importés à des prix dérisoires et revendus tout aussi cheap ont conquis un public jeune et bigot. Un lobby oriental qui s'appuie sur les références livresques de jeunes enseignants séduits par l'islamisme light qui sont les meilleurs commerciaux de ces importateurs omnipotents. Vous voulez connaître la dernière fatwa d'El Othemine ou l'avis le plus récent d'El Albani ? Ne vous inquiétez pas, ces importateurs le commandent malgré les listes interminables de livres subversifs interdits par l'Etat algérien. Juste pour le Salon,150 titres ont été interdits. Des montagnes de dollars après, ces importateurs sont devenus les nouveaux “parrains” des livres et roulent en Mercedes.
Du Safexistan au stade olympique
C'est dans ce paysage kafkaïen, que le Sila 2009 va être organisé. 119 maisons d'éditions nationales, 274 du monde arabe (11 pays), 60 européennes, 15 africaines, soit une surface de 8 448 mètres carrés, déjà accordés par le commissariat. Par les chiffres, le Sila 2009 s'annonce grandiose malgré la volte-face tardive de la Safex qui perd l'exclusivité de cet événement.
Le conflit créé par la localisation du salon est symptomatique de ces luttes d'influence, parfois entre représentants de l'Etat eux-mêmes. Les échanges de correspondances et la convention qui devaient être signée entre le Sila et la Safex (dont Liberté à des copies) sont édifiants. Le commissaire Amziane accuse la Safex d'avoir fait traîner le dossier durant trois mois (de juin à septembre) à cause de l'absence de Rachid Gasmi, le P-DG de Safex qui écrit dans une correspondance au Sila (référence n°153 du 09/08/09) que “le pavillon central des expositions connaît présentement des travaux de désamiantage (…) mais nous mettons tous les moyens pour achever ces travaux et espérons être au rendez-vous au mois d'octobre”. Cette incertitude sur la disponibilité a fait réagir le ministère de la Culture qui se rabat en premier lieu sur le palais de la culture. Trop exigu pour les exposants avec un parking réduit et des conditions de sécurité aléatoires. Le site de Riadh el Feth est retenu pour être la seconde option, mais son parking est loué à l'année. L'Oco avec ses espaces immenses (expo et parking) est retenu. Le fait qu'il soit à proximité de multiples autoroutes et à proximité de plusieurs universités de Ben Aknoun favorise une décision rapide.
Qui portera le chapiteau ?
Mais, c'est le choix du chapiteau qui allume la mèche et certains éditeurs tentent de créer une brèche en annonçant que le chapiteau qui accueille le salon va coûter 4 millions d'euros et sera monté par une entreprise lyonnaise avec du matériel allemand. Au ministère de la Culture on défend posément le partenaire algérien, la Sarl Astalavista, qui doit installer le chapiteau du Sila : “C'est un jeune qui a lancé sa société grâce à l'Ansej. Il l'a développé en famille et a déjà fait des prestations remarquables comme pour le Festival du livre pour enfants. Après le Panaf, on est habitué à ces accusations à l'emporte-pièce mais cela ne saurait nous détourner de notre mission. Le livre doit être protégé.”
Le commissaire du Sila 2009 défend également ce choix : “C'est un faux procès fait à un jeune qui a réussi à s'imposer en Afrique. Le chapiteau va être démonté juste après le Sila et a été commandé par le staff de campagne de Zine El Abidine en Tunisie. On jalouse la réussite des Algériens.”
Cette délocalisation fait jaser. Le SPL la qualifie, dans un communiqué du 3 octobre, de “décision prise dans la précipitation” et dénonce “l'opacité” mais se rétracte sur le boycott en se disant “ouvert à tout appel de toute partie concernée allant dans le sens” d'un bon déroulement du Sila. Le Snel après avoir vivement critiqué le commissariat fait également marche arrière en décidant de participer. Les deux syndicats mettent en avant le refus du commissariat de les impliquer dans l'organisation du salon comme lors des années précédentes : “Ce salon a pour la première fois un statut juridique. Il n'y a plus de comité d'organisation mais un bureau du commissariat nommé par décret. C'est au commissariat seul qu'échoit le rôle d'organisateur”, répond Smaïn Amziane.
Le livre sous influence
Mais au-delà de la polémique stérile sur la localisation, les tarifs du mètre carré ou le boycott du salon, la véritable problématique demeure. Intacte et irrésolue. Têtue comme une préface ratée. Qui va mettre de l'ordre dans ce foutoir? “C'est à l'Etat d'intervenir pour réguler ce marché, estime un éditeur. Qu'il y ait une vraie politique d'acquisition basée sur le contenu. Faire de la relance de la lecture publique, par les écoles et les bibliothèques, un sujet central pour le livre. Certains éditeurs sont des créateurs qui ne s'intéressent pas à l'importation. Les importateurs ne s'intéressent qu'à se remplir les poches même si le livre importé fait l'apologie d'Ali Benhadj. Le livre, ce sont les générations futures. On en a perdu quelques-unes car on leur a bourré le crâne avec des livres d'autistes. Il faut arrêter le massacre.”
Le SPL appelle à une “politique nationale du livre et le développement d'une industrie du livre à la hauteur des exigences et des besoins de notre pays”, écrit Radia Abed-Garrigue que certains accusent d'avoir une double casquette. En effet, dans les milieux des éditeurs, le rôle de l'ambassade de France à Alger est pointé du doigt et certains dénoncent le conflit d'intérêt du moment que la présidente du Snel est en même temps l'épouse du responsable de la culture à l'ambassade française qui possède une politique propre à lui sur le livre francophone.
Pour le Snel, Fayçal Houma n'est pas dans une position reluisante non plus. Sa représentativité est mise en cause et il est même poursuivi en justice par un autre éditeur qui l'accuse de lui avoir pompé et piraté un livre historique. Le Snel fait face à une cascade de démissions d'éditeurs connus qui ont dans l'idée de créer un troisième syndicat à l'occasion du Sila 2009 : le FEA (Forum des éditeurs algériens). Encore un autre syndicat qui va se mêler à ce concert de voix discordantes.
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