Résumé : Au fin fond d'un village kabyle, alors que la neige et la nuit envahissaient les lieux, une jeune maman est en train d'accoucher. Au petit matin, le garçon tant attendu est enfin là. 2eme partie Fiers comme des pachas, le père, le grand-père, les frères, les oncles et les cousins se levèrent pour accourir. L'accoucheuse les arrête à la porte d'entrée. - Ne soyez donc pas ridicules. Vous avez un joli garçon, mais la maman est tellement fatiguée que la déranger en ce moment, serait la tuer pour sûr. Laissez-là donc se reposer et tout à l'heure, quant elle aura repris ses forces, vous pourrez tous aller lui rendre visite et voir le bébé. Elle réussit à les chasser avec une petite cane en roseau et ils rirent avant de se décider à descendre au café du village pour fêter l'évènement. Le père et le grand-père reçurent, tête haute, les compliments des autres villageois. Le garçon aura désormais sa place parmi la fratrie, et ils sont fiers de devoir compter sur une descendance prospère. À la maison, les femmes redoublèrent d'ardeur pour préparer le déjeuner. On égorgea plusieurs poules et un mouton et on prépara un couscous et des plats dignes de la famille. C'est que les aïeux de ce bébé sont fort connus et respectés dans le village. Leurs biens et leur fortune avaient dépassé les frontières. L'accoucheuse, qui ne devrait quitter la parturiente qu'au troisième jour de l'accouchement, s'approche du bébé et le prend dans ses bras avant de le tendre à sa mère. - Tiens ! Prend-le un peu pour qu'il sente ton parfum et s'adapte à toi. Tu peux bien sûr l'allaiter s'il en exprime le besoin. Mais tu ne m'as pas encore dis comment vous allez appeler ce joli poupon ? - Je ne sais pas encore, répondit la jeune maman. C'est à son père de voir. Elle prend le petit dans ses bras et soulève un pan du bonnet qui lui tombait sur les yeux. - C'est un beau blond, dit l'accoucheuse. Et si j'en crois ma vue, qui commence à décliner, je crois qu'il a des yeux d'un bleu limpide. Il te ressemble beaucoup ma fille. La maman sourit heureuse. - Je crois que je vais l'appeler Mohamed. C'est un prénom que j'aime beaucoup. - Quoi de plus beau que le prénom du Prophète, ma fille. Mais as-tu réfléchi ? Et si ce prénom ne plaît pas à son père ? - Eh bien, tant pis, il lui donnera un autre prénom. Mais Mohamed garda son prénom. Le père était si heureux d'avoir un garçon qu'il accepta toutes les suggestions de sa femme. Chose rare, en ces temps, où les femmes n'avaient droit à presque rien. On donna une grande fête, à laquelle sera convié tout le village. On dansa, on chanta, on mangea, et on souhaita une longue vie au nouveau-né. Le grand-père de Mohamed ira même jusqu'à offrir une waâda au saint de la région pour solliciter sa bénédiction et sa protection. Toute la famille était heureuse, non seulement par la venue de ce garçon, tant attendu, mais aussi, du fait que les récoltes agraires et fruitières de cette année-là étaient des plus prospères. En bref, c'était une bonne année pour tout le village et Mohamed est tombé à point nommé pour rehausser la fierté des siens. Quelques mois passent. Le garçon grandissait et prenait des forces. C'était un beau brin d'homme au sourire malicieux et à l'intelligence bien vive. Il faisait non seulement le bonheur des siens, mais aussi de tous ceux qui l'approchaient. Très vite, on le citait en exemple devant les enfants de son âge. Ses frères et ses cousins le prirent sous leur aile pour lui apprendre mille et un métiers utiles et nécessaires à la rude vie des montagnards. Son père et son grand-père lui apprenaient à chasser le gibier et à manier les armes. Si bien qu'à peine adolescent, Mohamed pouvait partir seul pour de longues randonnées dans la forêt et ne rentrer qu'à la nuit tombée, quand ce n'est pas le lendemain, les bras chargés d'animaux qu'il chassait avec autant de dextérité que le plus vaillant des chasseurs du village. À la mort de son grand-père, il héritera du fusil familial qui devait en premier lieu revenir à son père. Mais ce dernier, connaissant l'amour que portait l'aïeul à son petit-fils, n'en fut point contrarié. C'était compter, sans les autres “mâles” de la famille. Y. H. (À suivre)
