Depuis la disparition du dernier des crieurs publics – un personnage, alors, central —, l'information ne circule plus avec autant d'efficacité. “El-berrah”, les mains jointes en porte-voix ou la paume posée derrière le pavillon de l'oreille, sillonnait infatigablement les rues principales de la ville, pour annoncer aux endroits les plus fréquentés, la nouvelle d'un décès. Sa présence n'était pas signalée par l'appel sonore du tambour ponctué par les “avis à la population !” mais annoncée simplement par l'appel vocal “ya elli semmaâkoum belkhir !” qui faisait se rapprocher de lui des grappes humaines et tendre l'oreille de ses concitoyens. Cela suffisait pour que le message clair et distinct atteigne le plus grand nombre et que l'information se propage telle une traînée de poudre. Connaissant bien les gens de sa petite ville, “el berrah”, de sa voix qui portait, identifiait le défunt en annonçant son prénom, son nom, sa filiation avec, si besoin est, le sobriquet sous lequel il était connu en précisant, ensuite, son adresse, l'heure et le lieu de son enterrement, ainsi que le nom de la mosquée où la dépouille serait exposée pour la prière du mort. Il indiquait, ainsi, tous les détails jugés, par lui, nécessaires. Et il en donnait plus, si sur son passage des précisions lui étaient demandées. Personnage incontournable de la ville, il connaissait tout le monde. Aujourd'hui, dans les trois mosquées de la ville, pour répondre à un besoin de communication plus important, un équipement de sonorisation supposé avoir une large portée a supplanté le bon vieux crieur public prisé et respecté par la population, avant tout, pour la conscience qu'il mettait dans sa tâche. Le communiqué sonore est bref ; de plus, même dans un périmètre le plus rapproché du lieu du culte, il arrive qu'il soit inaudible. Combien de morts très connus dans la ville ont été, ces dernières années à El-Affroun, enterrés dans l'anonymat pour bon nombre de gens de la population locale ! Dans certaines villes du pays, c'est à bord d'un véhicule circulant les artères et principaux quartiers qu'un citoyen volontaire muni d'un mégaphone annonce les décès. Un moyen au résultat certain. Pourquoi pas à El-Affroun ? s'interroge-t-on dans le territoire de la commune.