C'est une histoire abracadabrantesque, comme seule la télévision réalité peut en fabriquer. Sauf que là, il ne s'agit pas d'une scène de “telenovela” scénarisée, mais bien d'une histoire vraie, à couper le souffle, dont les images ont traumatisé l'Italie. Mercredi soir dernier, 5 millions de téléspectateurs se pressent devant l'émission “Chi l'ha visto ?” (l'équivalent italien de “Perdu de vue” ou “Wa koul chai moumkine”), où une mère de famille apprend en direct le meurtre de sa fille Sarah Scazzi, âgée de 15 ans, disparue depuis fin août. Concetta, la mère de Sarah, est à l'antenne lorsqu'elle reçoit un coup de téléphone de la police lui annonçant les aveux de l'assassin de sa fille. L'enquête, après avoir piétiné, avait repris de la vigueur peu avant l'émission en s'orientant vers l'entourage familial. Concetta, qui passe à la télé alors que son beau-frère est interrogé par les carabiniers, reste alors sans voix durant plus de dix minutes, tandis que l'animateur égrène à haute voix la sanglante confession de l'oncle Michele. Pour la télévision italienne, c'est le jackpot : l'audience a grimpé de 40%. Le programme avait invité mercredi soir Concetta S., la mère de Sarah S., la jeune fille de 15 ans portée disparue depuis le 26 août et retrouvée morte la nuit de mercredi à jeudi. Mais, au lieu de rechercher l'adolescente, la famille de la victime a appris en direct sa mort, ainsi que l'identité du tueur (l'oncle de la victime) et l'endroit où le corps avait été retrouvé. L'attitude de la chaîne, qui n'a pas coupé immédiatement le duplex, a irrité de nombreux politiciens et internautes. La présentatrice du programme a bien demandé à la mère si elle désirait quitter l'antenne, mais ce n'est qu'après de longues minutes que cette dernière a finalement accepté. “"Chi l'ha visto ?" devait s'arrêter et laisser sa place à un téléjournal extraordinaire, a regretté Marina Burani Procaccini, du ministère des Communications. Il ne fallait pas exposer la mère de Sarah. J'ai l'impression que l'envie de faire de l'audience a pris le dessus sur le reste.” “Je n'aurais jamais voulu assister à une scène comme celle d'hier soir, quand on annonce à une mère, en direct à la télévision, la mort de sa fille tuée par un membre de sa propre famille”, a renchéri la vice-présidente de la Commission parlementaire pour l'enfance, Gabrielle Carlucci. Federica Sciarelli, la présentatrice, s'est défendue. Elle a affirmé, lors d'un téléjournal d'une chaîne concurrente, “avoir rendu un service au public et à la famille de Sarah”. La journaliste a également estimé que les parents de Sarah avaient été abandonnés par les enquêteurs qui tardaient à leur donner des informations officielles sur la mort de la fille.