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Les dons de la mer
Au large de Béjaïa, des Hommes en quête d'un poisson nourissier
Publié dans Liberté le 05 - 10 - 2003

Une poignée de pêcheurs et un chalutier sillonnent les côtes de Béjaïa pour rapporter quelques caisses de poissons qui assurent la subsistance de nombreuses familles. On connaît peu le monde de ces hommes de terre qui vivent la mer de nuit. Reportage au large de Béjaïa.
Port de pêche de Béjaïa, 22 heures tapantes par une nuit d'automne plutôt chaude. L'équipage du Sofiane, un chalutier de 23 mètres appartenant à M. Azzi Zahir, arrive sur le quai pour une sortie en mer. Le Sofiane est l'un des neuf chalutiers qui composent la flottille du port de Bougie, spécialisée dans le poisson blanc. Son équipage est composé de huit hommes comprenant le patron qui se trouve généralement aux commandes, son second, le mécano, le graisseur, le remailleur qui s'occupe de larguer et de remonter le filet, et trois matelots, hommes à tout faire. Dans la cabine de pilotage, Réda, 30 ans dont 10 passés en mer, s'assure que tout est en ordre avant de prendre la mer. Il est exactement 22h30 quand Le Sofiane, filant à la vitesse de trois nœuds, quitte son port d'attache en mettant le cap sur les côtes jijeliennes. La rade de Béjaïa, vue de mer, scintille de toutes ses lumières. Au bout d'une demi-heure de navigation, le jeune patron, qui s'oriente selon des points de repère lumineux fixés sur la terre ferme, décide de jeter le filet. Le sondeur indique 45 mètres, une profondeur suffisante pour la pêche. Réda nous explique que les zones qui ont moins de 42 mètres de profondeur sont interdites pour les chalutiers de Skikda, Béjaïa et Jijel. Sans doute à cause de leur technique de pêche qui abîme souvent les fonds marins et le corail.
Le golfe de Bougie brille de toutes ses lumières et l'on peut balayer du même regard admiratif un arc de cercle lumineux allant du célèbre phare de cap Carbon jusqu'à Cavallo situé plus loin que Ziama Mansouria. Par rapport à d'autres endroits, ici il y a du poisson à cause du fond tapissé de galets. Un fond qui, tout au long de notre périple, a rarement dépassé les 100 mètres de profondeur.
Sur le pont, nous faisons un brin de causette avec Abdennour, 26 ans, mécanicien de son état et autre fils du patron. Quand il parle de la pêche il est intarissable. Il a déjà 10 ans de métier derrière lui et, pour rien au monde, il ne ferait autre chose. Sur le bateau, il s'occupe du moteur, un monstre rugissant de 450 chevaux, et donne un coup de main au remonte filet.
Minuit. Le vent se lève. C'est un vent du sud, sec et très chaud. Chaudement vêtus, nous nous étions préparés à une nuit glaciale en mer et nous voilà suffoquant de chaleur ! La mer se creuse et le bateau tangue de plus en plus. 1h30 du matin, le patron donne le signal à ses hommes qui sommeillaient sur le pont. C'est le moment de remonter le filet. On remonte d'abord les lourds palans grâce auxquels le filet racle les fonds et reste ouvert. La manœuvre terminée, vient le tour du filet qui vomit son contenu. Ce n'est pas vraiment byzance : près d'une centaine de kilos de poissons et de détritus en tous genres. Un indice de pollution qui ne trompe pas : il y a presque autant de sachets noirs que de poissons blancs. On rejette à la mer ce qui appartient à l'homme et on ne garde que le poisson que les matelots s'attellent à trier par espèce. Le menu fretin est également passé par dessus bord. Il fera les délices d'autres poissons et des mouettes qui, fait très étonnant pour les novices que nous sommes, volent même la nuit. Le chalut est remis en place et le poisson est lavé et rangé dans des caisses, ensuite on se met en devoir de laver à grande eau la poupe pour la débarrasser des restes de poisson. Les hommes se rassemblent enfin sur le pont autour d'un modeste repas vite avalé. Après le repas, vient le repos. Chacun se cherche un coin pour un petit somme réparateur, qui au fond du poste d'équipage, qui sur un tas de filets sur le pont.
Peu avant l'aube, deuxième remontée de filet pour une pêche presque aussi maigre que la première, avec toujours autant de bouteilles et de sachets en plastique que de merlans et de rougets. De nouveau, opération triage et nettoyage. Dans la caisse surpeuplée des poulpes, qui, soit dit en passant, refusent de mourir aussi rapidement que d'ordinaires poissons, on joue de la ventouse et de la tentacule pour se faire une petite place. Abdennour nous apprendra que ces mollusques seront achetés par un revendeur qui se charge de les expédier en Espagne.
On a coutume de dire qu'en Algérie le poisson meurt de vieillesse faute d'être pêché. À voir les prises, somme toute, assez modestes, c'est loin d'être le cas et les hommes de la mer sont unanimes à dire que le poisson se fait de plus en plus rare à cause de la surpêche et de la pollution.
6 heures du matin. À cause du vent qui n'a pas cessé de souffler en changeant de direction, la mer est à présent démontée. Le bateau, qui paraît tout à coup bien modeste par rapport aux éléments déchaînés, monte très haut sur les vagues et pique du nez dans les creux. Ce n'est plus de la navigation, c'est de l'escalade. Sur la passerelle, Réda, le jeune patron, garde un flegme de vieux loup de mer. Il en faudrait plus pour l'impressionner car il en a vu beaucoup d'autres. “Le vent est chaud et la mer houleuse, cela perturbe fortement le poisson”, lâche-t-il, pessimiste quant aux résultats de cette sortie.
9 heures du matin. On relève le filet pour la troisième fois et cette fois-ci il y a un peu plus de poisson et un peu moins de pollution. J'interroge le capitaine sur d'éventuelles pêches miraculeuses qu'il aurait faites. “Le 2 septembre passé, on est rentrés avec 64 caisses de rouget et de merlan mais malheureusement cela n'arrive pas souvent”, dit-il. Pour apprécier la performance, il faut savoir qu'un patron de pêche qui rentre avec une vingtaine de caisses dans ses cales, s'estime particulièrement chanceux. Entre-temps, le dieu de la mer a épuisé sa colère et la grande bleue s'est soudainement calmée. On rejette le filet et on repart vers le large, suivis d'une nuée de mouettes qui se disputent rageusement les petits poissons que les matelots rejettent en mer. Les pêcheurs prennent un soin particulier à ranger leur poisson. Il faut savoir que le poisson blanc, noblesse oblige, n'est pas fourgué pêle-mêle dans les caisses comme de la vulgaire sardine. Il est soigneusement rangé et agencé dans les caisses queue en bas et tête en haut pour lui donner plus d'apparat et c'est une tradition que tout le monde respecte.
10 heures. Pour tout l'équipage c'est l'heure de casser la croûte. Au menu, l'inévitable poisson en sauce, olives et galette à volonté. Le tout arrosé d'eau fraîche car contrairement à la légende qui veut que tous les matelots picolent au boulot, très peu de marins pêcheurs se permettent de boire tant les manœuvres à bord, spécialement quand on remonte le filet, demandent de la force et de la concentration. Mieux vaut avoir les idées claires et le geste sûr ; quand la mer est agitée, le moindre faux pas peut envoyer son homme valdinguer par-dessus bord. Dans la passerelle, Azzi Abdelkader, 50 ans, pêcheur depuis 1970 et second du bateau, a pris la relève à la barre. Outre la barre qui est au bateau ce que le volant est à la voiture, la petite cabine est équipée d'une radio, d'une vieille boussole, d'un navigateur GPS et d'un sondeur qui renseigne constamment sur la profondeur du site. Fait tout à fait anecdotique, le sondeur est recouvert d'un vieux morceau de simili cuir sur lequel on peut encore lire : FLN. 6e congrès de l'UNFA. Du 6 au 8 mars 1986. Pour mémoire, le congrès s'est tenu sous l'héroïque slogan : “Pour la consolidation des acquis de la Révolution” ! Soupir ! Décidément, où que vous alliez dans ce pays, sur terre ou en pleine mer, le FLN et sa politique finissent toujours par vous rattraper.
10h30. Il semble y avoir un problème avec le filet. Le patron arrête le bateau et ordonne qu'on le remonte. La pêche est plutôt bonne. La zone doit être poissonneuse à souhait, mais nouveau coup dur, il faut rentrer au port car il y a risque de panne sèche. Dommage, les caisses commençaient à se remplir. D'habitude, Le Sofiane ne rentre que vers 3 heures de l'après-midi mais on se console tout de même en voyant que sur le pont 14 caisses de bon poisson de la meilleure espèce sont empilées les unes sur les autres. De quoi rentrer dans ses frais et se remettre de sa fatigue. Il faut savoir que sur l'argent que rapporte la vente de la capture, 55 % de la recette vont d'emblée au patron, le propriétaire du chalutier, et ce, après avoir prélevé les frais du bateau pour le carburant, l'huile et l'entretien. Les autres membres de l'équipage se partagent les 45 % restants. Aux dires des uns et des autres, ils arrivent, au gré des pêches et du prix du poisson sur le marché, à se faire entre 25 et 30 000 DA par mois, rarement plus, mais en cas de mauvais temps qui se prolonge comme cela arrive souvent en hiver, le pêcheur n'est pas payé, même s'il continue, lui, à payer ses cotisations à la caisse de retraite.
Midi. Le Sofiane accoste au port de pêche de Béjaïa. Comme de coutume quand un bateau arrive, un marché s'improvise aussitôt les caisses débarquées. Sur le quai, les mareyeurs s'agglutinent autour du patron. Les enchères sont entamées sans plus attendre mais, fait curieux qui n'appartient qu'à cette communauté maritime, les offres sont chuchotées au creux de l'oreille du patron. Ainsi, aucun mareyeur ne sait ce que ses concurrents ont offert et le patron donne son accord et son poisson à celui qui a surenchéri le plus loin. Nous remettons pied sur le plancher des vaches avec cette étrange impression que la terre tangue comme un bateau. L'équipage rentre se reposer. Quelques heures de repos auprès de la famille et, à 22h30, ils enfileront de nouveau leur ciré pour aller taquiner le rouget, le poulpe et le merlan. C'est, certes, un métier dur, voire une aventure, mais en mer on ressent un extraordinaire sentiment de liberté qui vaut bien plus que les maigres ressources que l'on arrive à soutirer de la vente du poisson. Même pénibles, 18 heures en mer valent bien plus que 8 heures de bureau ou d'usine. “Homme libre, toujours tu chériras la mer”, disait le poète.
D. A.


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