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Professeur Chemseddine Chitour, Directeur du laboratoire de valorisation des énergies fossiles à l'école Polytechnique d'Alger, à Liberté
“Nous formons pour la France”
Publié dans Liberté le 26 - 10 - 2011

Liberté a rencontré le professeur Chitour dans son antre à Polytechnique, afin de tenter d'en savoir plus sur les grandes écoles en général et l'école polytechnique d'Alger en particulier.
Liberté : quel est l'état des lieux des grandes écoles algériennes, selon vous ?
Professeur Chitour : Il faut retourner à, la base de l'enseignement pour connaître les raisons du niveau actuel dans le supérieur. Au primaire, secondaire er aux classes terminales et le bachot qui en résulte, plus ou moins valable. A l'école polytechnique nous recevons des élèves brillants dans l'absolu, avec des mentions bien et très bien au bac. Il y a deux ans de cela l'école polytechnique possédait sa propre méthode den recrutement. Or, avec la mise en place de la sélection par ordinateur, on a eu tendance à faire croire aux jeunes bacheliers qu'il peut choisir en toute liberté. Je pense que le recours à cette méthode est une erreur. Car l'entrée à Polytec est un concours et le lycéen ne le sait pas lorsqu'il passe son bac. Dans u concours on choisit les élèves selon un ordre précis que l'élève de terminale ignore. Des parents ont rêvé toute leur vie de voir leur enfant s'inscrire à polytec, mais l'ordinateur les expédie au x 5è ou 6è choix. Bien qu'on leur donne la possibilité de cocher 10 choix possibles, les élèves ne feront attention qu'aux trois ou quatre premiers choix, avant de faire des choix aléatoires, ce qui est mauvais. Ailleurs chaque grande école organise son propre concours d'entrée. Des lauréats ayant obtenu leur bac avec des notes tout à fait moyennes, peuvent se montrer brillants au concours. Ils avaient peut-être eu un problème le jour de l'examen qui aurait fait baisser leur note. Ils peuvent se rattraper le jour du concours. Or ne sont acceptés dans ces écoles préparatoires dont on parle tant, que les lauréats du bac ayant un certain niveau dans un certain nombre de disciplines, ou qui ont obtenu des mentions. Or le gros problème c'est que souvent les matières principales ne sont pas concernées. Nous pourrions avoir un bac avec mention très bien en sciences naturelles avec une note très moyenne en mathématiques, physique et chimie. Ce qui signifie que le bachelier, malgré sa mention très bien est moins bon que celui qui n'a pas de mention et qui possède d'excellentes notes en maths, physique et chimie. Et cet élève n'est pas accepté dans les classes préparatoires !
Dans le temps il y avait un tronc commun. Aux toutes premières années de l'indépendance, le bac mathématiques élémentaires et techniques mathématiques (TM) étaient les meilleurs. On étudiait maths sup et maths spé en classes de terminales maths. C'étaient les meilleurs. Or le bac TM a été supprimé, ce qui constitue une erreur fondamentale. On a fini par banaliser le bac sciences devenu le ventre mou du secondaire avec les bac lettres et sciences humaines. Dans cet ensemble de lauréats au bac, on ne trouve qu'une proportion de 1 à 2% de baccalauréat mathématiques. Par la force des choses, on a fini par prendre le chemin inverse du développement technologique. En l'absence de matière première, il sera impossible de mettre en place des pôles d'excellence.
En 1983, alors que j'étais directeur de l'école polytechnique, j'avais mis en place le concours d'entrée. Je faisais concourir les lauréats qui possédaient un bac maths et sciences, sans tenir compte des notes. Avec un numerus clausus, 3000 bacheliers concouraient pour 300 places disponibles. Et cela se passait très bien. Le concours était rigoureux et portait sur les matières essentielles maths, physique et chimie, et expression orale Ceux quoi réussissaient on leur passait un oral. Maintenant tout cela est perdu. La dernière série e concours a eu lieu il y a 20 ans. En 1991 on a supprimé le concours pour mettre en place le choix par ordinateur. Et l'ordinateur, c'est une calamité ! Je reçois dans mon bureau des parents dont les enfants ont obtenu d'excellentes notes en maths et physique se sont retrouvés à étudier des disciplines qui ne les intéressent pas et qui en font des candidats à, l'échec.
Où en sont le tronc commun l'inscription à polytech, et les classes préparatoires ?
Il y a deux ans de cela on a cassé le tronc commun de polytechnique pour mettre en place les écoles préparatoires. A polytechnique nous avions dit : vous voulez appliquer une nouvelle vision, soit. N'oubliez pas que polytechnique dispose d'un potentiel de 100 professeurs de rang magistral. Donnez-leur du grain à moudre ! On a refusé notre proposition en préférant faire appel aux jeunes de l'USTHB. Et cela alors qu'on projette de former l'élite ! N'eut-il pas été plus moral, plus utile de confier ce travail à des personnes qui ont plus de 20 et 25 ans d'ancienneté dans la discipline. Cela n'a pas été fait et nous en payons les conséquences. Les élèves qui ont été formé ont été mal formés à, leur corps défendant, car ils n'ont pas fait tout le programme, ou en tout cas pas avec l'intensité voulue. Or les classes préparatoires c'est des « colles » tous les jours, des contrôles tous les jours, c'est surtout 60 heures de boulot par semaine. Dans ces fameuses classes préparatoires si les élèves font 20 à 25 heures par semaine, c'est déjà, le bout du monde ! Sans conclure que l'école polytechnique avait un tronc commun extraordinaire, on peut affirmer sans risque qu'il était honnête, scientifiquement parlant. On « fabriquait un produit parfaitement recevable. La preuve en est que ce produit de l'école polytechnique ne reste pas dans le pays et s'évapore. J'ai déjà dit plusieurs fois que nous travaillons pour Sarkozy et « l'immigration choisie ». Je l'ai dit à, la télévision en proposant de fermer purement et simplement Polytechnique, et de rechercher un financement français, puisque nous travaillons pour la France. Ceci étant dit, la question de l'immigration choisie est une décision de bonne guerre. La preuve que les étudiants, surtout ceux de polytechnique, malgré tous les problèmes vécus, demeurent un produit valable. On appelle ce produit « devise », car c'est un produit exportable. Que dire d'un jeune qui entre à Polytechnique à 16 ans, qui suit le tronc commun puis se retrouve brillant ingénieur à 21 ans ? J'ai des élèves dont le cerveau, « les processeurs » sont plus rapides que les miens. Mais je dispose d'un disque dur plus lourd ! Nous nous rejoignons quelque part. Ce sont des jeunes pétillants. On ne pourra pas garder des gens comme eux avec un « smic » de 8000Da/mois, à 800km de Marseille ! Ni les jeunes diplômés, ni leurs parents ne sont dupes : tous pensent qu'ils doivent partir, quitter le pays ! On ne donne pas une chance à ce pays, on vit dans un état d'anomie totale dans ce domaine. Il n'y a pas de cap. A l'époque de Boumediene on vivait une période de plein emploi, on était sur le chemin du développement. Aujourd'hui on ne sait même plus où on va ! Je comprends le ministère de l'enseignement supérieur auquel on demande d'engranger, « ensardiner » chaque année 200 à 300 000 étudiants, sans jamais lui demander quelle est la qualité de l'acte pédagogique. Cela n'intéresse pas les pouvoirs publics pour qui l'essentiel est qu'il n'y ait pas de vagues. Au moment des inaugurations on n'informe jamais le président du nombre de thèses publiées. Qu'il y ait 25 000 écoles et 5000 lycées, est une bonne chose, mais cela reste à, la portée du premier entrepreneur venu. Ce qui doit être attendu du ministère de l'enseignement c'est l'amélioration de la qualité de l'acte pédagogique, d'une façon absolue, afin que cela puisse être confirmé par n'importe quel organisme international.
La situation est urgente, face à la mondialisation, par quoi commencer ?
Au début des années 2000, il y a dix ans, on disait partout que la mondialisation est incontournable. Moi je disais non, on peut y échapper en un sens. La preuve : de plus en plus d'altermondialistes, d'antimondialistes et d'indignés se manifestent un peu partout dans e monde y compris dans les pays riches ! Cette mondialisation a laminé tout le monde, mais les faibles, comme nous, en ont le plus souffert. En Algérie nous n'avons pas de cap pour la formation des hommes. Je comprends la détresse du ministre de l'enseignement supérieur qui ne sait pas pour qui il doit former, pour quel tissu industriel qui se réduit comme un peau de chagrin, qui n'existe pas et que nous n'avons pas créé en tant qu'Université, alors que nous avions de véritables velléités de le faire. Former des créateurs de richesses, voilà la véritable vocation de l'école !
Pendant 5 ans, j'ai été SG du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique et j'en ai vu des choses ! J'avais mis en place des concours pour la médecine, l'architecture, l'informatique. J'avais 60 000 personnes à gérer en une journée. J'avais réussi à donner une certaine crédibilité à, l'Université algérienne, sans jamais rencontrer de protestation entre 1986 et 1991. J'avais mis en place des comités pédagogiques nationaux et assuré en 5 ans plus de 400 réunions pédagogiques. Je ne faisais pas d'administration, je disposais de gens qui s'en occupaient. J'avais 40 grandes spécialités et j'ai pu contrôler au moins 8 fois chaque spécialité durant ces 5 années. Ce comité pédagogique national réunissait la compétence des anciens à la disposition des nouveaux, au profit d'une même filière. Le cours de mathématiques dispensé à l'université de Ouargla, d'Oran, ou d'Alger était identique. Le professeur Benzaghou était là pour assurer la norme en mathématiques. Dans un autre domaine, L'Algérie a été le premier pays en Afrique à ramener l'IBM 360, l'ordinateur géant. Nous disposions alors d'une avance considérable qui s'est malheureusement perdue. Mais c'est un autre « fichier », qui nous ramène trop loin, à l'époque de la « déboumedienisation ».
Comment a-t-on pensé à instaurer des classes préparatoires en Algérie et pourquoi faire?
Les classes préparatoires ont démarré, dit-on, avec l'assistance de la France. Le gros problème avec les classes préparatoires est qu'on a supprimé la formation d'ingénieur dans ce pays. Or vous ne pourrez pas construire un pays sans ingénieurs et techniciens. On a pu former 10 000 ingénieurs et techniciens dans ce pays, une véritable force de frappe à la disposition du tissu industriel. Or on assiste, depuis une dizaine d'années, à la « bazarisation » tous azimuts de l'économie. Ce qui signifie qu'on ne sait plus rien faire, que tout est acheté de l'étranger. Il y eut une époque où on savait faire un certain nombre de choses. Depuis, on a mal compris la mondialisation, et on s'est livrés pieds et poings liés au « marché ». L'Algérie est le pays des paradoxes. Nous avons, bon an mal an, près de 4000 thèses qui sont soutenues. Des thèses fondamentalistes en général, dans le sens où elles ne sont pas appliquées. Imaginons que ces thèses portent sur des sujets, non seulement concrets, mais aussi sur demandés par le secteur économique et industriel ! Nous devrions pouvoir former des gens capables de générer des richesses. L'Etat ne peut plus pourvoir à, l'emploi. Il devrait habiliter le jeune à former son propre emploi. Mais pas un emploi du type Ansej, en lui procurant un bus, une boulangerie ou une boucherie ! Si les moyens étaient mis en place, Polytechnique, qui forme des ingénieurs polyvalents, des tous terrains, des 4X4, qui peuvent s'adapter partout, (nous enseignons 10 spécialités à Polytechnique), deviendrait le meilleur gisement de ressources, avec 100 professeurs, soit la somme de ce qui existe dans un grand nombre d'universités. La densité dans les classes est de l'ordre de 20 élèves ingénieurs. Je forme d'une manière artisanale : je connais chaque étudiant par son prénom. Je m'inquiète quand l'un de mes élèves est absent. Non pas pour le sanctionner, mais pour lui signaler le cours qui a été donné, afin qu'il puisse l'étudier pour qu'il ne décroche pas. Le registre sur mon bureau contient des informations détaillées sur l'élève, adresse, téléphone, e-mail compris. Nous faisons l'appel chaque jour, chaque heure. Les élèves ne sont pas là pour tricher, ils n'en ont d'ailleurs pas le temps, car la quantité d'informations qu'on leur dispense est si importante qu'il est vital qu'ils la saisissent. D'ailleurs au cours des examens à Polytechnique, l'élève ramène avec tous les documents qu'il désire consulter. Au moment de l'examen l'élève doit être lucide et structuré. Rien que dans mon ouvrage sur la valorisation des énergies fossiles, il y a au moins 2000 formules qu'il ne pourra jamais retenir de mémoire. Je n'exige d'ailleurs pas de l'élève qu'il les apprenne par cœur ! Si l'élève est structuré, il pourra aller à a conquête du monde. A mes élèves de 4è année je leur demande de construire une raffinerie et dans ce but ils peuvent disposer de tous les documents qu'ils souhaitent. L'examen peut durer 4h, mais peu importe, je peux leur accorder 7 h, à condition que je puisse savoir ce que l'élève a dans le ventre ! S'il ne se sent pas en forme ce jour-là, je lui permets de revenir le jour où il le sera ! D'autres élèves préfèrent l‘examen oral de 2 ou 3 heures. Je leur fais passer d'abord un examen à blanc, afin de leur expliquer de quoi il retourne et ce n'est qu'après qu'on commence l'examen véritable. Nous discutons pendant 2 ou 3 heures. A afin de l'examen, je demande à l'élève de se donner la note qu'il croit mériter. Et n général je conserve cette note : car les élèves ne trichent pas.
Quelles devraient être, selon vous, les lettres de noblesse d'une grande école?
Je peux parler de l'Ecole Polytechnique qui a été créée il y a 90 ans. Qui a formé en 40 ans, 10 000 ingénieurs. Avec une centaine de professeurs de rang magistral, elle dispose d'un savoir faire qui lui donne une certaine réputation quant à la qualité de son produit. A telle enseigne que ce produit s'évapore à 80% et trouve à s'inscrire dans des universités étrangères. La plus grande partie de nos diplômés est absorbée par la France, grâce à cette fameuse formule de l'émigration choisie dont parle le président Sarkozy, car on ne prête qu'aux riches. Ailleurs, dans d'autres pays, les grandes sociétés, les services de ‘Etat, patientent devant la porte de ce genre d'école pour pouvoir recruter un tel produit. Ici, ns diplômés sont livrés à eux-mêmes, et partent ailleurs par la force des choses. D'où la question : ce pays a-t-il besoin d'ingénieurs ou non ? Nous avons ms en place un programme de 280 milliards de dollars d'investissements, dit-on. Force est de constater que l'Université a été soigneusement mis à l'écart de ce programme. Le pays avance sans son Université. Mieux encore, depuis deux ans et la mise en place du LMD, la formation d'ingénieur a disparu des universités algériennes ! On y délivre des masters qui n'ont rien à voir avec l'esprit de la formation de l'ingénieur. Au lieu de multiplier et renforcer la formation technologique, on l'a réduite à sa plus simple expression. L'Ecole Polytechnique est le dernier carré qui continue à former, avec des hauts et des bas, dus au fait qu'on lui ait retiré le tronc commun pour le confier aux classes préparatoires qui forment avec des fortunes diverses. Nous possédons une classe préparatoire à Alger (lycée Emir Abdelkader), une à Oran, une à Tlemcen et une à Annaba. A la fin de l'année elles organisent des examens. Le premier du genre a été organisé en juillet 2011. Il n'y a eu que 400 reçus, alors qu'il existe 4 grandes écoles dont Polytechnique, qui peuvent accueillir un plus grand nombre…même si les autres grandes écoles, avec tout le respect que je leur dois, ne possèdent pas le savoir-faire de Polytechnique. Je pense à l'Ecole d'Hydraulique de Blida, à l'Ecole des Travaux Publics de Kouba, par exemple. Ces écoles-là, à eu corps défendant, ne possèdent pas le savoir-faire de Polytechnique. Malheureusement, dans ce pays, au lieu qu'on dise à la plus ancienne école d'aller plus loin dans la conquête de la science, pour ramener les futurs métiers et les mettre en place à Polytechnique, avant de les uniformiser à l'échelle du pays, on est en train d'étouffer la technologie dans le pays.
Que pensez-vous de la mise en place du LMD, et quels avantages en attendre ?
Je veux bien croire qu'i existe un réel besoin en ce qui concerne le LMD, mais même la France où nous prenons conseil, refuse de toucher à ses grandes écoles ! Ces grandes écoles délivrent le Master simultanément avec le diplôme d'ingénieur…alors qu'en Algérie, on oblige un ingénieur à faire 200 heures de plus que son cursus pour lui accorder le master ! Alors que les critères d'entrée à une école d'ingénieurs, les cours qui y sont suivis, sont autrement plus durs et délicats que ceux qui permettent à un étudiant d'entrer à l'USTHB, par exemple, avec un baccalauréat moyen…Pour pouvoir entrer à Polytechnique ou dans une autre grande école, il faut un bon niveau. Cette histoire des deux poids deux mesures nous paraît anormale. Un ingénieur diplômé de Polytechnique est valable, en témoigne le marché sa valeur ici et ailleurs. Le mettre su un pied d'égalité avec un LMD qui vient de naître et auquel on donne la prééminence, de sorte à drainer un maximum d'étudiants vers le LMD, est une erreur, car il est essentiel de former un maximum d'ingénieurs et de techniciens dans ce pays. Nous avons sans doute besoin de licences et de masters, mais dont le pays a le plus besoin c'est des technologues, afin d'aller au front du développement. A moins de continuer comme on le fait maintenant à sous traiter aux chinois, aux turcs, aux japonais, aux français le savoir-faire qu'on aurait du confier aux ingénieurs et techniciens algériens. Chez nous les BTP et le Génie Civil ont leurs lettres de noblesse : nous avons construit des milliers de logements, des ponts et des ouvrage d'art…aurait-il été anormal de se dire qu'avec ce programme l'Algérie devrait s'engouffrer dans les énergies renouvelables ? Imaginez, un million de chauffe-eau solaires, l'industrie que cela aurait pu créer ! Comment cela aurait pu essaimer ! tous les ingénieurs de génie civil qui sortent des écoles, tous les ingénieurs en génie mécanique, dans ‘isolation, la thermique des constructions, tous ces gens-là auraient eu du gain à moudre à cette heure et l'Algérie fabriquerait par elle-même ses chauffe eau solaires, au lieu de les importer. Ca tel que c'est parti on importera des chauffe -eau au gaz qui consommeront du gaz qui aurait du être conservé au sen de la terre pou les générations futures. On a dit au ministère que les habitations devraient être calorifugées pour limiter les pertes d'énergie. C'est toute une industrie du bâtiment qui en sortirait et cela aurait donné du grain à moudre à tous les ingénieurs en génie civil du pays. Et des autoroutes pourquoi faire, si c'est juste pour circuler, elles ne nourriront pas les hommes. Nous avons besoin que les ingénieurs algériens s'approprient ce type de métiers, de telle sorte que les futures autoroutes soient construites par nos ingénieurs et techniciens. Même chose pour le rail. Le système éducatif importe pour plus de 100 milliards en équipements de laboratoires, dont la moitié peut être produite ici. Lorsque j'étais recteur de l'Université de Sétif, nous avons pu fabriquer à l'institut de mécanique et d'optique de précision, avec l'aide des célèbres ateliers de Zeiss Iéna, un microscope avec un pouvoir de grossissement de 300 fois. C'était en 1982 et je l'ai montré au président Chadli. Ce sont deux élèves ingénieurs de 5è année qui l'avaient réalisé en tant que projet de fin d'études. Je me suis battu avec le wali pour obtenir un simple hangar sur un bout de terrain, en vue de commencer la production industrielle de ce microscope, en vain ! Nous aurions gagné 30 ans. Alors qu'aujourd'hui, on prétend aider les jeunes en leur accordant de quoi acheter un bus, une boucherie ou une boulangerie ! Alors qu'on devrait exiger des jeunes de ramener des idées pour créer de la richesse ! Le marché de l'éducation nationale pèse plus de 1500 milliards $ dans le monde !
Thèses et mémoires de fin d'études devraient donner naissance à des brevets, qu'en est-il à Polytechnique ?
Notre école a la possibilité de produire des brevets, même s'ils sont destinés à un usage interne. L'essentiel c'est que lorsqu'on reçoit un opérateur étranger, qu'on puisse lui prouver que nous ne partons pas de zéro, en lui montrant notre microscope, par exemple ! Je refuse de sponsoriser la main d'œuvre d'un opérateur étranger avec un produit clefs en mains, mais ma main d'œuvre ici, en Algérie. C'est cela le transfert de technologie. Nus devons disposer d'une base qui puisse fournir un socle technologique, et pour cela il est essentiel que l'Université devienne la préoccupation prioritaire du gouvernement. On ne pourra rien faire sans l'Université. Nous ne disposons que d'une centaine d'exportateurs contre 20 000 importateurs, c'est la bazardisation de l'économie algérienne, car nous ne savons plus rien faire. On a oublié qu'on savait faire, il y a longtemps, des panneaux solaires, en 1976, les premiers faits en Afrique, à Sidi Belabbes. Et on semble redécouvrir cela aujourd'hui ! Tout ça a disparu, tout ce qu'on savait faire, a disparu dans a même charrette que les lycées techniques, les collèges techniques et toute l'articulation de la formation professionnelle. Nous importons même les fils à plomb, alors qu'ailleurs on en est à la technologie du laser! On ne pourra pas rattraper le train du développement de cette façon-là. Nous sortons chaque année 120 000 diplômés, dont à peine 5% trouvent un job ce qui est dramatique. Autre drame, l'Université est constituée de 60% de jeunes filles qui ne trouvent pas de travail une fois diplômées. L'Algérie peut elle se permettre de se mutiler de sa moitié ?
Quel est l'avenir de l'enseignement universitaire en général et des grandes écoles en particulier ?
A mon avis il faut qu'on aille vers de nouvelles techniques d'enseignement. On ne peut garder des milliers d'élèves à l'Université, pendant des années. Il faudrait mettre en œuvre le télé enseignement. Il est tout aussi nécessaire, voire vital, de lutter contre la corruption des notes et celle des enseignants, qui, d'une certaine façon, peu ou prou, abiment l'enseignement supérieur, abiment l'éducation nationale. Pas tous fort heureusement. Mais il est nécessaire de mettre en place une éthique, afin de récompenser ceux qui n'ont pas failli, qui ont travaillé en donnant le meilleur d'eux-mêmes, les citer en exemple et en sévissant contre les tricheurs, ceux qui ont failli. Parce qu'on peut se tromper dans les autres secteurs, mais pas dans la formation des hommes qui représentent les fondations d'une société.
Ceci est un appel : il faut que la formation des hommes (re)devienne la préoccupation première de nos gouvernants. Il faut réhabiliter l'agrégation, le CAPES, en faisant venir des experts étrangers pour que nous puissions nous confronter à eux, connaître notre niveau véritable, et ne pas rester enfermés entre nous.
Pour ce qui est de la coopération avec l'Université française, nous avons la pénible impression qu'en France on s'intéresse plus aux sciences sociales, en encourageant les jeunes chercheurs dans ce domaine, ce qui lui permet de mettre en place une banque de données et ainsi connaître de façon intime la société algérienne. Pour ce qui est des grandes écoles nous n'avons pas beaucoup de contacts, ce qui est regrettable.
Interview réalisée par Djamel Zidane
Encadré-1: L'Ecole Polytechnique d'Alger a été fondée en 1920. Elle est âgée de 90 ans.
Elle a formé 10 000 ingénieurs en 40 ans, dont 1000 docteurs : 400 docteurs-ingénieurs, 200 docteurs ès-sciences et 400 magisters.
Encadré-2 :Propos du professeur Chitour :
- il est indispensable de multiplier les écoles polytechniques à travers le territoire national ;
-il faut mettre en place le télé enseignement
-il faut éradiquer la corruption des notes et de l'enseignement
-le regretté Mohamed Seddik Benyahia répétait souvent que l'Algérie a moins besoin de médecins et d'avocats que d'ingénieurs capables de nourrir le peuple
-l'Université produit 120 000 diplômés dont à peine 5% trouvent du travail
-on confond trop souvent massification et qualité de l'enseignement : Or tout le monde ne peut pas être ingénieur
-il faut réhabiliter l'agrégation et le Capes
- en l'absence d'un marché du travail qui rémunère convenablement les compétences, nous formons pour la France et l'émigration choisie.
Encadré-3 : en 132 ans, le système éducatif du colonialisme a fait « œuvre positive » en formant moins de 1000 diplômés universitaires algériens, soit 4 ingénieurs, dont un a été assassiné par l'OAS (Salah Bouakouir, diplômé de l'école des mines de Paris). La France a formé par ailleurs 400 avocats durant sa présence en Algérie.
Encadré-4 : de nombreux brevets de polytechnique Alger font le bonheur des universités américaines. On peut citer le Docteur Toumi, spécialiste en robotique au MIT (Massachussetts Institue of Technology), le professeur Bendimered Djamel de Stanford, professeur en génie sismique, un autre ingénieur diplômé de Polytechnique appelé Sam aux USA et qui a fait partie de l'équipe qui a construit le véhicule lunaire chez Caterpillar, pour le compte de la NASA.
rainbow_warrior 28-10-2011 21:28
aplaceinalgeria 27-10-2011 00:31
aaaa 26-10-2011 13:49


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