Le président du Syndicat national des magistrats ne s'y est pas trompé : puisqu'on demande aux juges d'assumer désormais la position risquée de devoir répondre, devant l'opinion et la société politique, de la loyauté des élections organisées par l'administration, c'est l'occasion d'exiger une mise en conformité de leurs indemnités avec cette lourde responsabilité. Le président du SNM se défend de lier la demande de revalorisation des indemnités de la profession à la démarche du Président les appelant à garantir la régularité du prochain scrutin. Il précise même que la requête du syndicat est préalable à l'initiative présidentielle d'appeler à la supervision des élections par les juges. Au demeurant, et si l'Etat convient que la supervision des magistrats ajouterait à la crédibilité du vote, les magistrats ne peuvent que répondre à l'appel du devoir. Ce que rappelle Laïdouni quand il déclare que “les magistrats sont prêts à assumer cette lourde responsabilité et on espère réussir à mener à bien cette mission, même à 50% ou 60%, en dépit du manque d'expérience dans ce domaine”. “ Espérons, de notre côté, que le magistrat entend par “une mission réussie à 50 ou 60%, une tolérance de 40 à 50% de traficotage” ; il s'agit, en effet, selon l'engagement du Président, de garantir la totale sincérité des prochaines élections. En tout état de cause, il se trouve qu'au moment où les magistrats sont sollicités pour contribuer à la crédibilité d'une opération électorale, la question du statut était pendante. On peut donc observer que, d'un certain point de vue, la coïncidence est bien tombée. Déjà que leur tâche n'est pas facile quand il s'agissait de s'en tenir à leur rôle de justice dans les litiges de nature politique ! Alors que l'indépendance de la justice n'est pas encore établie quand il s'agit de trancher des contentieux politiques ou partisans, voilà qu'elle doit compenser, par son intervention a priori dans l'opération électorale, un déficit de transparence et de neutralité que l'administration et autres services de l'Etat cultivent depuis un demi-siècle ! Le défi vaut son pesant d'indemnités, assurément. Mais pour cela, il faudrait que soient acquises, non seulement l'indépendance de l'institution judiciaire, mais aussi l'indépendance de chaque magistrat ou jury de magistrats qui, dans une unité électorale, n'agissent pas en tant que tribunaux mais en tant qu'instance morale de supervision d'une procédure spécifique. La justice, comme élément du triptyque institutionnel qui fonde la République, est en droit d'exiger son alignement statutaire sur le personnel qui assume la responsabilité des pouvoirs exécutif et législatif. La réaction du SNM est significative d'un système où la politique est valorisée pour ce qu'elle donne, des avantages sociaux, et non pour ce qu'elle est, le lieu de conception du destin national. C'est dans la nature d'un système rentier que les ressources nationales bénéficient prioritairement à ce qui maintient le système en fonctionnement, puis à ce qui risque de contrarier ce fonctionnement. La plupart des dernières décisions de reclassement statutaire, salariale ou de crédit obéissent à cette logique politique des finances publiques. Le développement national n'est pas ce qu'il devrait être : le principal arbitraire du processus d'allocation de ressources. M. H. [email protected]