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EVOCATION
Belkacem Bélaïd, une figure emblématique que l'on n'oublie pas
Publié dans Liberté le 12 - 01 - 2012

Belkacem Bélaïd, une légende qui emplit, sans doute, la mémoire de nombreuses générations d'élèves du lycée Amirouche de Tizi Ouzou. Des anecdotes cocasses, des histoires drôles, du vécu en direct et assurément des souvenirs tendres.
La réputation du surveillant général, car ce statut a fortement collé au personnage, a naturellement fait le mur du lycée - comme souvent les potaches aiment à le faire - pour aller se répandre dans la ville et bâtir un mythe autour d'un homme certainement exceptionnel. Le futur élève de ce lycée sait qui est Belkacem avant d'y entrer. À éviter, quand bien même la curiosité invite à aller irrésistiblement à sa rencontre. Dans tous les cas, et comme par un effet du hasard, c'est la première personne à qui le nouvel arrivant a affaire. J'ai croisé cet homme, pour la première fois, en septembre 1965. J'avais 11 ans et je venais de rentrer en sixième au lycée Amirouche de Tizi Ouzou… l'ancien, l'actuel lycée de filles Fatma M'soumer. Il était déjà surveillant général.
Sa réputation n'est pas exagérée. Un géant aux longs bras et aux mains grandes comme des raquettes de tennis. Il ne faut surtout pas s'en prendre une. L'avertissement est clair… c'est pourquoi chacun évite soigneusement d'avoir maille à partir avec lui.
Une longue silhouette mince et légèrement courbée. Une démarche propre à lui, dégingandée mais sûre. Conscient de l'effet qu'il exerce sur les élèves quand il se déplace, il accentue le bruit caractéristique de ses pas sur le sol et en orchestre savamment le rythme et la mesure. Une musique, presque une mélodie, familière et reconnaissable, parmi toutes. Chacun se rappelle le silence pesant qu'il provoque quand il descend - c'est rare - dans la cour du lycée, une cour toujours animée et bruyante.
Quelque chose d'important
va se produire. “Sadek…”
Il vient d'interpeller un élève. Silence religieux dans la cour. Tout s'arrête et les regards se tournent en direction de la surveillance. La voix vient toujours de là. Le bruit de ses pas sur le sol, loin de rompre le silence pesant, en accentue la lourdeur. Il descend dans la cour. Les élèves attendent, quelque chose d'important va se produire. Sadek est tétanisé. Il sait que Belkacem vient vers lui et qu'il va passer un “mauvais quart d'heure”. “Est-ce que tu connais Lagardère, Sadek ?” “Non M'sieur.” “Lagardère a dit : si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi.” Il est vrai que cet élève est particulièrement turbulent. L'homme est connu pour son sens de l'humour et de la dérision. Il est connu aussi pour sa sévérité. Il tient d'une main de fer la discipline du lycée, mais il est juste et sans agressivité.
Quand il est amené à sévir, il ne fait pas mal. Je veux dire qu'il ne fait pas de bleus à l'âme, il ne blesse pas… il n'humilie pas. Les élèves, même les aînés, le craignent. Tous lui vouent un profond respect.
Il faut mentir à Maachou Boualem, l'autre surveillant général, à Belkacem Bélaïd il faut toujours dire la vérité. Les élèves le savent et s'y conforment soigneusement. Sans doute, par crainte d'être confondu mais aussi par considération pour l'homme. Maâchou, un autre personnage du lycée Amirouche, le compagnon de toujours de Belkacem. Un “couple” improbable qui a toujours fait sourire les lycéens tant les deux personnages sont différents. Une paire dépareillée par l'apparence physique de l'un qui est grand et de l'autre qui est petit, et par des caractères aux antipodes. Une paire pourtant harmonieuse par la complicité qui lie les deux hommes et par une relation de connivence et d'entente intelligente ; et par le goût prononcé, commun, pour la cigarette qui ne les quitte jamais. La réputation de Belkacem était déjà faite au moment où il était lui-même élève du lycée. Un brillant lycéen, avant de devenir un surveillant général singulier. “Matheux” confirmé, il a obtenu, sans difficultés, le bac “mathématiques élémentaires”. Cependant, il était beaucoup moins bon en français, il y obtenait de mauvais résultats. Toujours en-dessous de la moyenne malgré des efforts soutenus. Il faut dire que Madame Aldorf, c'était la prof de français, ne faisait pas beaucoup d'efforts pour bonifier ses notes. Elle ne devait pas avoir beaucoup de sympathie pour l'élève Belkacem. C'est comme ça que, à l'occasion d'une composition, il a servi à sa prof un texte choisi entièrement emprunté à Chateaubriand. La note habituelle tombe. Révolté, il se lève pour protester et avoue, à la prof, sa forfaiture en rappelant toutefois qu'elle ne peut avoir la prétention de corriger Chateaubriand. Une affaire qui a déclenché l'hilarité de toute la classe et qui a vite fait le tour du lycée. Le charisme de Monsieur Belkacem, devenu censeur de lycée, prend trop de place et son autorité morale déborde toujours celle (l'autorité) des proviseurs successifs qui sont venus prendre la direction du lycée Amirouche, le nouveau…le polyvalent. Il en fait les frais une première fois avec une mutation au lycée technique de Dellys. Une mesure de rétorsion injuste visant à briser le charisme et l'ascendant qu'il exerce sur les élèves et les enseignants. Rien n'y fit. Sa réputation l'a suivi. Il faut alors agir sur sa carrière. Ses compétences, son sens de l'organisation, son autorité morale et sa rigueur légendaire ne l'ont pas, cette fois, servi. Et pour cause, ils sont en décalage avec les valeurs du moment. Le climat dans l'éducation a, entre- temps, changé. Belkacem n'a pas dû s'en rendre compte, il est resté le même…probablement c'est pourquoi il est resté aussi censeur. Pourtant, il est nommé proviseur de l'actuel lycée Abane-Ramdane de Tizi Ouzou. Une nomination qui n'a pas abouti pour des raisons obscures.
Une carrière interrompue, Une autre injustice.
Absorbé, sans doute, par sa mission de tous les jours, il a oublié de “se mettre à l'arabe”. Ce n'est pas fait pour arranger ses affaires de promotion. J'ai eu la joie de rencontrer Monsieur Belkacem, il y a quelques mois, en ville, à Tizi Ouzou. Cela faisait une quinzaine d'années que je ne l'avais pas vu. En réalité, depuis que j'ai quitté le lycée Amirouche, en 1972, je l'ai revu, tout au plus, deux ou trois fois. Je n'ai pas eu de mal à le repérer de loin. Il est visible et reconnaissable à distance.
La même silhouette, juste, peut-être, un peu plus courbée. La même démarche désarticulée mais élégante. De près, il n'a presque pas changé. Des cheveux gris, quelques rides, mais toujours le même regard intelligent, rieur et malicieux. Un regard profond, pénétrant ; un regard expressif, authentique et facile “à tenir”. Un sourire en coin, toujours le même, entendu et qui se transforme volontiers, au cours de la conversation, en un large sourire, franc ; un sourire simplement gentil et affectueux. 45 ans après ma première rencontre avec lui, il est, à mes yeux, resté le même. Il a l'apparence de quelqu'un qui est passé au travers du temps, sans véritable changement. Comme le héros de la série “Highlander”, comme sa réputation qui a croisé de nombreuses générations d'élèves sans se démentir.
Un personnage intemporel, une personnalité qui vivra aussi longtemps que vivront les milliers de lycéens qui l'ont connu et côtoyé. Une icône qui a fait, et qui a incarné, la renommée du lycée Amirouche. Sans grandes effusions, nous avons simplement eu, tous les deux, plaisir à nous retrouver. Pourtant, il m'a semblé percevoir ce jour- là, dans le regard du censeur de lycée en retraite, une lueur furtive de tristesse.
Sa mise à la retraite ne doit pas y être étrangère. Mais ce n'est vraisemblablement pas la seule raison. Les dernières années de sa vie professionnelle ont du être pénibles. Le lycée a changé, les élèves et les enseignants aussi. Les valeurs qui ont fondé l'institution, parce que le lycée Amirouche en était une, se sont dégradées. Le lycée lui-même est en ruine, livré à l'abandon. Assister impuissant à tout cela a dû être une épreuve difficile. Partir à la retraite est, dans ces conditions, une délivrance. Une porte qui se referme, sans doute avec de la nostalgie, sur une vie professionnelle pleine de souvenirs et de tendresse. De l'amertume ? Aussi. À cause d'une carrière inaboutie, non récompensée. Pour toutes les générations d'élèves du lycée Amirouche, qui l'ont connu, il est un souvenir impérissable. Un Monsieur.
Merci d'avoir été là pour nous tous et tout ce temps.
Dr Mahmoud Boudarène
Psychiatre, ancien élève du lycée Amirouche


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