Hier, à la mi-journée, au siège du Parti des travailleurs (PT), l'heure n'était pas à l'euphorie. On ne plastronnait pas. Les mines de certains responsables rencontrés tranchaient singulièrement avec l'optimisme affiché au début du scrutin de jeudi par la porte-parole du parti, Mme Louisa Hanoune. C'est que la moisson électorale, en dépit d'une campagne jugée prometteuse, ne devait pas être généreuse. “À Alger, où nous disposons d'un gisement électoral important, ce n'est pas reluisant", glisse un militant. “Nous sommes en train de récolter tous les résultats et toutes les données sur le déroulement du scrutin. Demain, (aujourd'hui, ndlr) Louisa Hanoune animera une conférence de presse et vous saurez tout", affirme, pour sa part, M. Djelloul Djoudi, chargé de la communication. Il faut dire que jeudi après-midi déjà, Mme Hanoune ne dissimulait pas ses appréhensions quant à l'issue du scrutin d'autant que les échos qui parvenaient au parti depuis l'intérieur du pays ne prêtaient guère à l'optimisme. Les représentants du parti faisaient état de nombreuses irrégularités, mais fait gravissime encore, du vote collectif des corps constitués. “On ramène des militaires par bus pour voter", dénonce-t-elle devant quelques journalistes rassemblés dans l'une des salles du siège du parti aménagée pour le suivi des élections. “On nous a fait état du vote des militaires en masse à El-Milia, à Djanet, à Illizi, à Blida, à Laghouat, à Oum El-Bouaghi, à Skikda, à Béchar, à Jijel et à Oran", tempête-t-elle. “Dans certaines communes d'Oran, les représentants des partis se sont dressés contre le vote des militaires, tandis qu'à Béjaïa certains éléments de l'armée avaient en leur possession trois procurations", accuse-t-elle. Mais il n'y a pas que le vote des militaires, à contre-courant des engagements du ministre de l'Intérieur et du Premier ministre, qui font dresser les cheveux de la responsable du PT, il y a aussi les dépassements constatés dans plusieurs bureaux. “À Oran, ils (militaires, ndlr) ont reçu comme consigne de voter FLN. À Messerguine, c'est un chef de brigade qui fait campagne pour le RND. Dans un bureau, à Oum El-Bouaghi, dans un bureau sur 1 200 inscrits il y a 4 808 votants !", raconte-t-elle. De quoi susciter chez elle des interrogations. “Ce ne sont pas des dérives, mais c'est organisé. On est en train de fragiliser l'immunité de la nation", dénonce-t-elle. Plus grave encore, elle soupçonne l'existence de centres de décision qui n'obéissent pas forcément aux cercles officiels. “Ça nous rappelle la commission d'enquête sur les événements de Kabylie de 2001. On dirait qu'il y a des cercles qui donnent des contre-ordres." “On ne veut pas que le pays soit discrédité, c'est une provocation à un moment très sensible", dit-elle dans une allusion à la situation aux frontières sud du pays. “On ne veut pas jeter l'opprobre sur notre armée, mais c'est une décomposition organisée. Il y a une instrumentalisation de l'armée. Nous sommes comme l'Egypte sous Moubarak." À la question de savoir les raisons de ce “coup de pouce", à ses yeux, en faveur du FLN, Louisa Hanoune est formelle : “C'est une question d'intérêt. Ils veulent à tout prix le maintenir." En attendant les résultats définitifs de la moisson qu'elle aura à communiquer aujourd'hui, Louisa Hanoune exige la mise sur pied d'une commission d'enquête. “Nous avons saisi le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre. Mais il faut l'ouverture d'une enquête." K K
