L'Algérie est un pays “où tout se monnaie", un pays connu à l'extérieur “par sa corruption et sa bureaucratie", un pays où la situation de la justice va de mal en pis, un pays où des “dispositions débiles" sont maintenues dans le code de procédure pénale, un pays où les marchandages électoraux revêtent désormais un “caractère maffieux", un pays où l'Armée “doit protéger la Constitution" pour empêcher que celle-ci soit “malmenée" et, surtout, un pays où “les choses ne s'améliorent pas". Ces propos ne sont pas ceux d'un opposant radical, ni ceux d'un chef de parti politique victime de la dernière fraude électorale, mais bel et bien ceux de Me Farouk Ksentini, que l'on peut considérer comme le conseiller aux droits de l'Homme du président Bouteflika, qui s'exprimait hier, en direct, sur les ondes de la Chaîne III. Qu'il s'agisse de corruption ou de justice, de marchandages politiques maffieux ou d'image de l'Algérie à l'étranger, ou encore des coups de force anticonstitutionnels passés ou à venir, et donc à prévenir, il est vrai que Me Ksentini ne nous en apprend pas davantage que ce que les Algériens savaient déjà. L'intérêt de cette sortie est, dès lors, non pas dans le contenu des déclarations, mais surtout dans l'identité de l'intervenant. Sursaut de conscience ? Ou alors le président de la Commission de protection et de promotion des droits de l'Homme, réputé proche de Bouteflika, a-t-il été gagné par le dépit et la lassitude parce que “les choses ne s'améliorent pas" malgré les rapports que ladite commission a adressés annuellement au chef de l'Etat ? Peut-être. Mais cela seul n'expliquerait pas un tel haussement de ton, une telle volée de bois vert contre celui qui promettait de réformer l'Etat et la justice et, surtout, de “restaurer l'image de l'Algérie" à l'extérieur. Car, sciemment ou pas, c'est le bilan de tous ces chantiers, lancés il y a 13 ans, que Farouk Ksentini a décliné, hier, dans la couleur noire qui est la leur, sans tenter de l'enjoliver. On le savait, l'année 2013 sera celle des manœuvres en tous genres et, forcément, la saison des repositionnements spectaculaires, contexte et proximité de la prochaine présidentielle obligent. La mise en place du décor a peut-être déjà commencé.