N'était le tragique de la situation, les cris d'orfraie des députés du FLN prêteraient à rire. Les augustes élus se sont étonnés de voir les flics de Zerhouni les rosser comme de vulgaires délinquants. La carapace offerte par leur mandat populaire s'est révélée sans consistance et sans valeur aux yeux du ministre de l'Intérieur qui a trouvé l'occasion trop belle pour ne pas châtier des trublions, désormais réfractaires à l'idée de garder le doigt sur la couture du pantalon. Espéraient-ils pouvoir défiler, tranquillement, sous la protection des forces de l'ordre ? Quelle naïveté, d'avoir cru que Zerhouni aurait du respect pour le président de l'Assemblée nationale, responsable classé au troisième rang de la hiérarchie de l'Etat ! Et qui incarne la volonté populaire, puisque l'APN est dépositaire de la confiance du peuple. Seulement, Zerhouni a-t-il jamais manifesté autre chose que du mépris envers le peuple pour qu'on s'étonne ainsi de sa propension à lâcher la police avec une incroyable légèreté ? Même les sinistrés n'ont pas échappé à cette main lourde qui s'est également abattue sur les profs, les cadres, les hommes politiques, les journalistes. Sans compter, par ailleurs, les jeunes manifestants coupables, à travers tout le pays, d'avoir réclamé un peu de dignité et été arrachés pour cela à la vie. En quatre ans de règne implacable à la tête du ministère de l'Intérieur, Zerhouni ne s'est illustré que par la répression. N'est-il pas d'ailleurs le maître d'ouvrage de la démolition de la direction légitime du FLN ? Son attitude contre les députés “rebelles” est en harmonie avec son profil de dictateur d'opérette. Il est même utile de parier qu'il ne s'arrêtera pas en si bon chemin. En la matière, il a certainement le soutien du président Bouteflika. Et aussi celui du chef du gouvernement. Il ne faudra surtout pas compter sur un sursaut d'orgueil d'Ouyahia pour l'appeler à la mesure. En 1997, il ne s'était pas gêné de bastonner des députés coupables alors d'avoir dénoncé la fraude électorale organisée à grande échelle par le RND. Comme le RND est, aujourd'hui, disposé à servir sans honte celui qui l'avait, hier, banni, il faut croire qu'Ouyahia et Zerhouni vont conjuguer leur génie et leur savoir-faire maléfiques. Un député envoyé dans le coma : c'est l'avant-goût de ce qui attend les militants du FLN, au cas où leur intention de poursuivre la protesta s'avérait sérieuse. Mais l'avertissement ne concerne bien sûr pas que le “vieux” parti, ainsi conduit à réapprendre la révolte après le confort un peu trop soporifique du pouvoir. L'Histoire enseigne que le monde change toujours sous l'impulsion de ceux qui savent garder le sens de la colère. La Géorgie est le dernier exemple prouvant que la révolte peut conduire à un dénouement rapide et heureux des crises. Souvent, l'issue est, cependant, bien plus dramatique ! De quoi va enfanter l'entêtement de Bouteflika à vouloir se maintenir à la tête de l'Etat ? Pour l'heure, peu nombreux sont ceux qui parient sur un scénario géorgien en Algérie. Entre un putschiste professionnel qui veut museler la presse, domestiquer la Justice et l'administration, étouffer toute expression libre, et un candidat qui milite pour la promotion des libertés et la modernisation des institutions, lequel aura les faveurs de la “neutralité” de l'armée ? De la réponse à cette question dépendra le profil du prochain président. Y. K.