Comme en témoigne Si El-Hachemi Assad dans son livre “Au cœur du cinéma algérien, la bouture amazighe", la réalisation du film “la Colline oubliée", adapté du roman éponyme de Mouloud Mammeri, n'était pas chose aisée pour Abderrahmane Bouguermouh. Un projet qui a nécessité et suscité un élan de solidarité. “Hommes, femmes et associations étaient mobilisés derrière le réalisateur. Tous ont contribué au projet car les moyens dégagés par les structures de l'Etat étaient en deçà des besoins. Cette œuvre cinématographique est considérée dans la conscience collective comme un acte de reconnaissance du combat mené par Mouloud Mammeri. L'éveil identitaire et avant tout culturel. Il emprunte immédiatement la voie de la production littéraire et scientifique", lit-on dans cet ouvrage, l'un des rares d'ailleurs qui a retracé la chronologie du cinéma amazigh. Un cinéma “né dans la douleur" et qui œuvre pour “donner corps à l'identité amazighe". Selon El-Hachemi Assad, “ce n'est pas donc par hasard si la première œuvre cinématographique amazighe réalisée par Abderrahmane Bouguermouh puise sa vigueur d'un roman comme ‘la Colline oubliée' qui traite d'une ‘conviction identitaire', c'est-à-dire une amazighité telle vécue et exprimée dans les montagnes de Kabylie". De l'avis de l'auteur, la revendication amazighe dans cette œuvre se vérifie par “le regard lucide et critique de Mouloud Mammeri à l'égard de la Kabylie des années 1940 traversée par des lignes de fractures, l'ancien et le nouveau, l'affrontement générationnel entre les vieux dépositaires de la tradition ancestrale et les jeunes portés sur le changement et l'autonomie sociale". Slimane Hamel, qui a joué dans le film, revient pour nous sur ces moments passés à côté de Da Abderrahmane. Il garde de très beaux souvenirs sur l'homme et sur l'œuvre, mais aussi sur les conditions difficiles dans lesquelles est réalisé “la Colline oubliée". “C'est un film qui a été réalisé dans la difficulté. On n'avait pas suffisamment de moyens et heureusement que la population et le mouvement associatif, particulièrement en Kabylie étaient mobilisés pour ce film. Il y avait même un comité de soutien qui s'est créé pour la collecte de fonds. Je rendrais hommage, au passage, aux villageois de Beni Maouche, Béjaïa. Grâce à leur apport, nous avons pu restaurer l'ancien village de Beni Maouche, détruit durant la guerre de Libération nationale, pour le tournage du film. Les matériaux nécessaires, comme la tuile, ont été récupérés et acheminés depuis plusieurs villages de Kabylie. Un travail de fourmi. En fait, chacun de nous, et à la mesure du possible, ramenait quelque chose de chez lui ou de son village. Il y avait aussi les citoyens de Tizi Mellal, à Agouni Fourou, dans la wilaya de Tizi Ouzou, et qui ont été d'un grand apport", témoigne Slimane. Et de renchérir : “C'était un plaisir que de travailler avec Da Abderrahmane. Ce n'était pas quelqu'un de nerveux. C'était un homme de culture et un militant de la cause identitaire. Il faisait même du porte-à-porte et demandait de l'aide afin de réaliser son film. Abderrahmane Bouguermouh a prêté sermon à Mouloud Mammeri et il a fait la promesse de réaliser ce film. C'est ainsi qu'il a déposé le scénario en 1969 au niveau du ministère. L'avant-première du film, c'était en 1993. Je me souviens bien, Bouguermouh n'avait pas aimé la première version du film, même déçu par celle-ci. Il disait, ce n'est pas mon film, c'est un massacre, ce qui le força à faire le remontage du film lors sa présence en France". K T