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LE METTEUR EN SCÈNE, CHAWKI BOUZID, À “LIBERTE"
“Je n'arrive pas à comprendre ce qui se passe dans la famille du théâtre"
Publié dans Liberté le 09 - 02 - 2013

L'une des plus grandes qualités de cet artiste est qu'il est entier. Il est tout à la fois drôle et grave, détaché et impliqué, éclairé et sombre. La profondeur de l'homme se ressent dans ses mots et éclate dans son œuvre. Il aime le théâtre, le dit et le raconte avec passion. Une passion qu'il réussit à communiquer dans cet entretien, dans lequel, il affiche certaines inquiétudes quant à la situation du 4e art aujourd'hui.
Liberté : Cela fait longtemps qu'on n'a pas eu de vos nouvelles, que devenez-vous ?
Chawki Bouzid : Actuellement, je suis en train de peindre. Je fais de la peinture parce que je me retrouve un peu isolé. C'est une échappatoire, et j'exprime mes émotions sur toiles. Je ne suis pas peintre mais un amateur passionné. Certains disent que j'ai du talent, d'autres que non, mais je ne veux pas exposer mon travail. C'est honteux que j'y pense alors qu'il existe des noms dans la peinture comme Van Gogh, ou le regretté Merzougui Cherif de Batna. Il y a également des talents incroyables à Batna. Je lis aussi beaucoup Ahmed Matar, ces derniers temps, et je suis même en train d'imaginer un spectacle autour d'une de ses œuvres. Donc, il y a la peinture, la lecture et mes enfants. Un programme très chargé et j'adore !
Vous avez mis de côté votre carrière au théâtre, pourquoi ?
Non, je n'ai pas mis de côté le théâtre. Je lis toujours des pièces de théâtre, j'en ai quelques unes de côté, et peut-être qu'un jour j'aurais la possibilité de les monter avec un des théâtres. Je me suis proposé à quelques théâtres, par téléphone, mais personne n'a donné suite.
Chaque fois que je m'adresse à un des théâtres, on me donne l'accord, puis plus rien après. Aucune réponse jusqu'à présent, j'ignore pourquoi, mais c'est ce qui arrive.
C'est une marginalisation ?
Peut-être qu'à leur niveau, ils considèrent que c'est une marginalisation. Moi, je considère cela comme une pause, d'autant qu'il n'y a rien qui prouve qu'on ait dit qu'il faille me marginaliser, même si je le ressens, tout de même.
Votre dernier spectacle, «El Hachamine» (les timides), date quand même de 2010...
Depuis 2010, je n'ai pas monté un seul projet. On n'a pas fait appel à mes compétences. Je ne suis sur aucun projet actuellement, mais j'ai participé à deux films : “Crayon de couleur" de Youcef Rachedi, en tant qu'assistant-répétiteur, et “Krim Belkacem" d'Ahmed Rachedi en tant qu'assistant-répétiteur, et comédien dans le rôle de Sadek Djili. Mais je n'exerce plus ma passion, ma véritable passion, depuis presque trois ans. Des hommes de théâtre et amis, du Moyen-Orient par exemple, me demandent des nouvelles de mon travail, mais je ne peux rien leur dire. Au fond, j'ai honte, un peu, parce que je n'ai pas de projets.
Les théâtres régionaux ne donnent pas suite à vos offres ou ne vous sollicitent pas, alors que ce n'est pas évident de travailler ailleurs ou autrement qu'avec un théâtre régional...
Il y a l'échappatoire de la coopérative, mais personnellement, je n'y crois pas. Créer une coopérative, et déposer un dossier au niveau du ministère pour qu'il donne de l'argent, est une pratique qui me semble un peu bizarre. Outre le fait que dans ce cas, il n'y a pas d'indépendance, d'après ce que je vois sur le terrain, il n'y a aucun suivi, dans le sens où on ne s'intéresse pas à qui a monté le spectacle, pourquoi un texte a été choisi, quel a été le parcours du projet, etc. Je ne dis pas cela dans le sens où il faille rendre des comptes par rapport aux choix qu'on fait, mais comme c'est avec l'argent du contribuable que les projets sont financés, il faut avoir une idée sur la vision, le programme, etc. Bien sûr, je n'appelle pas à ce que l'Etat fasse le policier, mais c'est son argent et lorsqu'il le donne, il faut qu'il sache où il va. Je ne crois pas à l'idée de coopérative, c'est la raison pour laquelle je n'en ai pas créée. Actuellement, il y a quelques théâtres et coopératives qui sont en train de faire des tournées, mais mon problème avec le théâtre d'Etat, est qu'on monte des projets avec des sommes pharamineuses (9 à 10 millions de dinars), on fait un petit spectacle, et ensuite, on jette la pièce dans les tiroirs.
Oui, mais à part les grands rendez-vous (festivals, semaines culturelles, etc.), les spectacles ne tournent pas beaucoup, et notamment les vôtres...
Toutes les pièces que j'ai montées sont dans les tiroirs. Par exemple, la pièce, “Fawdha El Abwab" (2008), a eu un succès phénoménal, ensuite, direction les tiroirs. Pour “El Hachamine" (2010), c'est la même chose. Et cela, malgré le fait que ces deux pièces soient destinées à un large public, donc des spectacles grand public.
Il est arrivé la même chose à “Quichotte, l'homme qui n'était pour rien". Où se situe son problème à cette pièce ?
Le problème avec “Quichotte, l'homme qui n'était pour rien", c'est que j'ai proposé ce texte à l'élite. Tous les théâtres -et je n'accuse personne- veulent satisfaire le public, et je suis d'accord. Mais d'autre part, et cela fait partie de notre travail, on doit draguer le public pour qu'il revienne vers les salles de théâtre. C'est pour les générations à venir. En même temps, de temps à autre, il faut oser le délire ; il faut oser le futur. Je ne suis pas obligé en tant que metteur en scène de monter des pièces pour satisfaire le public. Il y a des moments où je suis obligé de le taquiner, de le pousser, de le mettre au pied du mur. Si le public va au théâtre pour passer un bon moment et ensuite repart, alors je dirais que je ne suis pas un clown. Je suis porteur d'une idée philosophique, et des fois, je suis obligé de la partager avec le spectateur, parce que je veux voir sa réaction, je veux savoir où j'en suis, si ma réflexion est juste, si c'est idée que je partage avec la société est valable et juste, si le futur que je vois est partagé avec le public. Le problème avec la pièce “Quichotte, l'homme qui n'était pour rien" est qu'on ne lui a pas donné suffisamment de temps, pour prendre sa part de la critique. Elle a été représentée dix fois, et direction les tiroirs. Malgré cela, la plupart des critiques venaient de la part des journalistes, et non des spécialistes. Ils disent que c'est une pièce au sens propre du terme mais c'est un dilemme de Chawki. Je suis parti au théâtre de l'image, j'ai essayé de pousser le bouchon un peu loin, certes, mais ça mérite un débat. Mais lorsqu'on la jette dans les tiroirs, qui en bénéficie? Cette situation n'avantage ni moi, ni le public, ni l'institution elle-même.
Vous parliez du public, et justement, ne pensez-vous pas que celui-ci est sous-estimé, d'autant qu'on croit connaître ses besoins et ses attentes ?
On se croit supérieur au public ! On croit qu'on réfléchit mieux que le public, et on ignore le fait que si on descend à l'orchestre et qu'on prend le temps de discuter avec chacun, on peut être surpris par la vision de l'art du public, par sa culture et par le futur qu'il y a dans sa tête. C'est pour cela que je dis souvent à mes acteurs, ne croyez pas que vous êtes plus intelligents que l'orchestre parce que sans l'orchestre on ne pourra jamais exister. Je suis convaincu que ce public qui débat de “Matrix", qui suit attentivement ce qui se passe dans le monde du 7e art, ne peut pas être un public non-averti, notamment avec tous les moyens de communications qu'il a à sa disposition actuellement. Lorsque deux personnes se battent, on dit chez nous “Avant de parler de moi, rince ta bouche sept fois" moi je dis qu'avant de monter une pièce de théâtre, je rince mon cerveau sept fois, parce que je respecte énormément mon public. Si j'ai pu me faire un nom dans le domaine, sans qu'il y ait quelqu'un qui me pousse comme il est commun chez nous de nos jours, cela veut dire que mon respect pour l'orchestre est toujours ressenti et fort. Je ne dis pas que je suis le meilleur, mais j'ai pu avoir un nom dans le domaine du théâtre, et c'est grâce au public, auquel je fais plusieurs calculs. On m'accuse souvent de mettre beaucoup de moyens techniques et que mes spectacles ne peuvent se jouer dans les communes, mais ce n'est pas mon problème. J'ai monté des pièces qui se jouent dans un espace de deux mètres carrés de diamètre, mais il y a des pièces dont l'idée philosophique impose un espace particulier pour se concrétiser. Je ne peux réduire l'importance du spectacle, et l'adapter afin qu'il se joue dans les communes.
Comme cela a été le cas justement pour “Apulée" ou “Quichotte..."...
Et “Fawdha El Abwab" également. Ce sont des spectacles qui ne peuvent se jouer dans les communes. Ce n'est pas mon problème, parce que je ne peux pas créer plusieurs versions d'un seul spectacle pour qu'il puisse se jouer dans les théâtres, les communes, etc. Je suis sensé respecter la vision de l'auteur et ma vision, et en même temps respecter la vision esthétique du spectateur. En principe, tout cela est soumis au débat, entre moi et le public, ou moi et les critiques.
Mais le débat n'existe plus dans le théâtre...
En tant qu'homme de théâtre, ce qui m'étonne, c'est comment on en est arrivé à annuler le débat à l'issue des représentations. Je ne comprends pas comment on en est arrivé là ! Dans certains cas, je me dis que c'est peut- être à cause de la décennie noire, et puis il y a aussi des artistes que j'ai côtoyés et qui disent : je donne mon spectacle, le reste ne m'intéresse pas.
Pour moi, la disparition du débat dans le théâtre signifie qu'on a enlevé un élément très important dans l'évolution du créateur. Si on propose un débat à l'issue d'une représentation, cela veut dire que le metteur en scène se met à nu, qu'il n'a aucun outil entre ses mains, car ses outils, il les a déjà offert la veille, durant la représentation. Il peut éventuellement apporter des éclaircissements concernant son idée philosophique ou sa vision. Mais lorsqu'il n'y a plus cela, n'importe qui peut faire ce qu'il veut, parce que personne ne peut pointer sur lui un doigt accusateur. D'un autre côté, sincèrement, maintenant, tout le monde est acteur, auteur, metteur en scène. Et en plus, on a beaucoup de critiques. Mais permettez-moi de dire, que sauf le respect de la critique, il faut faire la différence entre un critique et un crétin ! Alloula (Allah Yerahmou), par exemple, a monté un jour un spectacle avec un décor en cuivre. Vous savez que toute l'Algérie en parlait ! Le plus beau, c'est qu'après un spectacle d'Alloula, on pouvait débattre. Maintenant, on fait des pièces avec des sommes incroyables, et il n'y a rien. Lorsque j'y réfléchis, je me dis que le problème n'est pas le système. C'est nous!
Comment cela ?
La plupart des gens qui sont à la tête des structures théâtrales sont du domaine. Je ne comprends donc pas ce qui se passe. Parfois, pour me convaincre, je me dis qu'avec le nouvel ordre mondial, la vision artistique est en train de prendre un virage, de changer. Je me dis que peut-être je suis vieux et que je comprends le théâtre avec d'anciennes définitions et notions. Mais jusqu'à présent, je n'arrive toujours pas à comprendre ce qui se passe dans la famille du théâtre. De nos jours, il n'y a plus quelque chose qui s'appelle évènement, or, il n'y a pas de théâtre sans évènement. Si dans nos vies artistiques, il n'y a pas d'évènement, ça veut dire qu'il n'y a plus aucune créativité.
Cela veut dire que l'art n'existe plus, que les artistes ne sont plus confrontés au jugement de l'autre (critiques, public) et qu'ils peuvent faire tout et n'importe quoi ?
Les commerçants disent que ce qui est produit est vendu, ça veut dire que n'importe quoi qui est fait, va marcher. Ceci est franchement alarmant pour les générations à venir. Je ne suis pas en train de défendre les politiciens ou l'Etat, mais à la tête de presque tous les théâtres, il y a des artistes. Ce ne sont donc pas des intrus. Alors pourquoi ça ne marche pas, d'autant qu'il y a de l'argent? L'Etat a donné de l'argent, a construit des théâtres, et pourtant ça ne marche pas. On ne peut certes pas s'entendre avec tout le monde -personnellement, il y a pas mal de personnes avec qui je ne m'entends pas car ce sont des visions qui divergent-, mais je ne pense pas, je ne penserai jamais, qu'un véritable artiste puisse mettre des bâtons dans les roues d'un autre artiste, seulement parce qu'ils ne s'entendent pas dans la vision philosophique du théâtre. L'histoire de l'humanité l'a prouvé, même lorsqu'il y a eu le conflit entre Mozart et Salieri, Salieri -et malgré son ego et sa relation avec le keiser- a toujours reconnu que Mozart était plus intelligent et plus raffiné que lui. La création, c'est un don divin, on n'y peut rien ! Même si on arrive à tuer un artiste de tristesse, il sera glorifié, alors que celui qui l'aura tué ira à la poubelle de l'histoire.
Si les gens n'ont rien appris de l'histoire de l'humanité, l'histoire de l'art et l'histoire du théâtre, on ne peut rien pour eux. Mais il n'empêche qu'ici à Batna, je rencontre beaucoup de jeunes qui cherchent à s'améliorer et qui sont très au fait de ce qui se passe dans le monde. Ils veulent s'améliorer, mais je ne peux pas grand chose pour eux. Cependant, il y a quelques jours, j'ai rencontré le directeur du théâtre de Batna, et je lui ai proposé la création d'un atelier de performance et de recherche théâtrale. Je dois lui proposer mon idée noir sur blanc, et pour l'instant, il est d'accord. Ce sera une fenêtre sur l'université, et même si on ne gagne pas des acteurs, on gagnera un public averti.
C'est un excellent projet...
C'est l'une de mes tâches. La fonction d'un artiste, ce n'est pas uniquement de monter des spectacles sur scène, c'est aussi un comportement social, et des idées qu'il doit défendre.
Un artiste est jugé sur sa manière d'être, sur son comportement dans la société, parce qu'en quelque sorte, il devient une “école". Tous les soirs avant de dormir, je me demande ce que je dois donner. C'est mon avis et c'est ainsi que je vois un homme de théâtre.
S.K


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