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Comme un air de Ramallah
Voyage dans le “triangle sunnite” (II)
Publié dans Liberté le 26 - 01 - 2004

Un mois durant, nous avons sillonné tout l'Irak, d'Oum Qasr, sur le Chatt Al-Arab, à Halabja, aux frontières iraniennes. Dans cette série de reportages, nous allons approcher trois blocs : le “triangle sunnite”, le bloc chiite et le bloc kurde, dans une tentative d'une meilleure compréhension de ce pays complexe, où l'anarchie et la confusion augmentent de jour en jour.
Notre reporter continue son périple vers Tikrit, des contrées où la résistance devient “irhab” (terrorisme) et la libération “tadmir”. Suivons-le.
M'hamed, 19 ans, est l'un des fils d'Ibrahim Samarraï. Il l'aide surtout au magasin. Comme son père, M'hamed dissimule au départ sa sympathie pour la résistance. Madhar le met en confiance. M'hamed finit par nous livrer ses sentiments. Il nous accompagne dans une tournée en ville pour nous montrer les bavures de l'armée américaine. “Ils ont dû embarquer au moins mille personnes. La plupart n'ont rien fait”, affirme-t-il. Sur l'une des artères principales, une foule est attroupée devant une maison. La veille, la police militaire américaine avait débarqué à 1h du matin. Un blindé US a carrément détruit le mur d'enceinte de la maison. Le propriétaire, un homme malade, âgé de 70 ans, Kamal Salah, ainsi que son fils Qoteiba, 24 ans, ont été interpellés et conduits vers un lieu de détention. La population est en colère. Amassée devant la maison de Kamal Salah, des parents, des amis, des voisins s'affairent tous dans un geste de solidarité naturel, à reconstruire le mur démoli. “Regardez cette injustice. C'est tout à fait dans le style de l'armée israélienne à Ramallah. C'est tout à fait dans le style de Sharon. Ils viennent avec leurs chars et ils détruisent nos maisons et nos écoles, mettent le feu à nos voitures, embarquent nos fils et humilient nos femmes. Ils volent tout sur leur passage : or, bijoux, argent. Ils n'ont aucun égard ni pour nos mœurs ni pour la horma de nos demeures. Ce ne sont pas des libérateurs, ce sont des envahisseurs ! Ce sont eux les Ali Baba !”, s'indigne un homme en keffieh rouge et gandoura. L'homme qui vient d'être arrêté est un de ses amis. “C'est un vieil homme sans force. Il n'a rien fait. Ils l'ont tiré de son sommeil. Ils l'ont emmené dans une tenue légère, par ce froid, alors qu'il est malade. Ils n'ont aucune humanité ! Où sont les organisations des droits de l'homme pour constater cela ?”, s'écrie-t-il encore.
Un autre renchérit : “Ils défoncent votre porte sans vergogne, après, ils vous disent : sorry !”… À la rue Al-Mouâlimine, ils ont brûlé une voiture et détruit la porte d'une maison avec une charge explosive. Ils ont pris à un autre plus d'un million de dinars irakiens. Ils ont un comportement nazi. Ils nous infligent sans cesse des punitions collectives. Quand ils viennent arrêter les gens, ils n'ont pas cure des femmes. Ils sortent tout le monde dehors, femmes et enfants, parfois sous la pluie, en tenue d'intérieur. Nous, nous sommes des Arabes, des musulmans, nous avons nos mœurs. Tout cela est inacceptable.” Un autre citoyen prend le relais : “Nous ne sommes pas des terroristes ! Celui qui défend sa patrie ne peut être qualifié de “terroriste”. Houmma al-haramia (ce sont eux les voleurs). Pourquoi appellent-ils la résistance “irhab” ? Ils sont venus avec des intentions mensongères, soi-disant en tant que libérateurs. Saddam a, certes, commis beaucoup d'injustices mais pas sur tout le monde. Tous les chefs d'Etat ont commis des erreurs, il n'est pas le seul. Le mot “tahrir” (libération), est devenu “tadmir”, “ihtilal”. Ils embarquent chaque jour des Irakiens innocents, par centaines, par milliers. Ce sont des milliers qui croupissent dans les geôles d'Abou Ghrib, à l'aéroport international de Bagdad.” Un homme d'un certain âge est hors de lui : “Nos prisonniers sont maltraités dans le pénitencier d'Abou Ghrib. Ils sont insultés et humiliés. On les laisse deux jours sans nourriture ; on leur donne des vêtements légers par ce froid. Ils les tuent de faim et de froid avant de passer à l'interrogatoire. C'est de la guerre psychologique, c'est de la provocation !” Un jeune témoigne : “Ils ont arrêté mon frère. Cela fait quinze jours que nous sommes sans nouvelles de lui. Ils l'ont embarqué à la station-service sans aucune raison apparente. Il n'a rien fait.” Un vieil homme plaide pour la réhabilitation de l'armée irakienne : “Nous sommes en train de vivre un génocide. Ils ont morcelé l'Etat irakien. Nous sommes fiers de notre armée. C'était l'une des armées les plus modernes au monde. Elle existe depuis 1921. Ils l'ont disloquée. C'est une grande erreur d'avoir démantelé l'armée irakienne.”
“Qu'ils jugent Sharon d'abord !”
Les voix s'élèvent de plus en plus autour de nous : “Nous voulons un jugement juste pour Saddam. Nous savons que le scénario de sa capture est une pure mise en scène pour servir les objectifs électoralistes de Bush. Ils l'ont attrapé bien avant. Nous sommes des gens de la campagne et nous savons que les dattes ne poussent pas en décembre. Or, on a vu des dattes pendant des palmiers, dans la ferme qu'on a montrée. Ces images ont dû être filmées au mois de septembre. Saddam – si c'est bien lui – a donc été capturé il y a au moins deux mois, qu'on ne vienne pas nous leurrer !”, clame l'une d'elles, avant d'ajouter : “Le procès de Saddam est le procès de tous les dirigeants arabes. Mais avant de juger Saddam, il faudrait juger Sharon et tous les Américains !” Le CIG, le Conseil intérimaire de gouvernement, ne trouve nullement grâce à leurs yeux, comme on peut le deviner : “Le Conseil de gouvernement, c'est des “haramia”, ce sont des Juifs. Ils sont à la solde d'Israël et de l'Iran. Quiconque arrive sur un char est un traître. Le peuple les vomit. Ils ont passé toute leur vie à l'étranger. S'ils étaient des braves, ils n'auraient qu'à changer le pouvoir de l'intérieur. Ils n'ont aucun mérite. La plupart d'entre nous ne les connaissent même pas”, crient-ils.
Dans un sursaut de patriotisme, un homme entonne : “Nous sommes corps et âme avec la résistance. Mako irhab. C'est de la légitime défense. Ils parlent de liberté, où est la liberté promise ? Où est la sécurité ? Il n'y a pas de paix. Tout le peuple irakien est en colère. Et si l'Irakien explose, ça va être l'Intifada ! Nous donnerons deux millions de martyrs s'il le faut !”
M'hamed Samarraï nous a emmené voir la ferme familiale, à la périphérie de Samarra. Comme toutes les familles samarraï, son père possédait des terres agricoles, auxquelles est attachée une maison en pisé servant de logis aux gardiens ou aux fermiers qui y travaillent. “Nous avions un sourd-muet qui travaillait pour nous et gardait la ferme. Il est originaire d'Al-Basra. Un jour, les Américains sont venus et ont détruit notre ferme sous prétexte qu'elle servait d'abri aux rebelles. Le sourd-muet est reparti à Basra”, dit M'hamed. Sur les lieux, nous avons constaté en effet l'œuvre de destruction ainsi décrite.
De la maison d'argile, il ne reste que des décombres. Ce qui poussera M'hamed à partir de cette boutade : “Tadmir ako, tahrir mako !” (destruction, il y a ; libération, il n'y a pas). Signalons que dans la foulée, l'armée américaine avait démoli à la mi-novembre, deux villas à Samarra, appartenant à Izzat Ibrahim Eddouri, le roi de trèfles du jeu de cartes américain, coté à 10 millions de dollars et présumé être l'inspirateur et le coordinateur des opérations menées par les combattants dans la région. En outre, quatre membres de la famille Al-Douri ont été arrêtés le 14 janvier dernier à Samarra par la police militaire américaine, pour soi-disant implication dans des actes de guérilla.
Tikrit ville morte
Nous laissons Samarra pour avancer vers Tikrit. Sur notre passage, 25 km plus loin, nous traversons la localité d'Eddour où Saddam a été capturé. C'est en vain que nous essayerons de visiter la fameuse ferme où l'ancien dictateur se terrait. Les gens se méfient de nous. La peur se lit sur tous les visages. La principale artère du village est d'ailleurs déserte.
À Tikrit, située à 160 km au nord de Bagdad et chef-lieu de la province de Salah-Eddine, nous trouvons une ville fantôme. Le boulevard principal est quasiment vide. Des soldats américains filtrent les accès, laissant toutefois à des policiers irakiens le soin d'effectuer les interrogatoires de routine. Interrogé sur l'état des lieux, un policier qui s'affairait à organiser le trafic lance tout sourire : “La sécurité est assurée à 100% à Tikrit.” Toujours incrédule quant à la capture du raïs, il dit : “Saddam est futé. Celui qu'ils ont montré est un sosie !” La ville semblait calme. Pourtant, la nuit tombée, Tikrit se transforme en un véritable champ de bataille.
Durant la première semaine de notre arrivée en Irak, la ville était interdite d'accès, surtout après les manifestations qui s'y sont déroulées suite à la capture de Saddam, et qui ont dégénéré en affrontements sanglants. Une folle rumeur disait qu'à Tikrit des gaz non conventionnels avaient été utilisés par les Américains pour déterrer Saddam, et que les vaches dans les prés alentours étaient comme droguées. Dès l'entrée de Tikrit, le visiteur est surpris par la succession de palais érigés par l'ancien dictateur, originaire de Ouja, une bourgade située à un jet de pierre d'ici. “Saddam a fait d'un simple village une deuxième capitale”, commente Madhar, notre accompagnateur. D'ailleurs, sur le boulevard principal, vous ne manquerez pas de voir un palais qui est l'exacte réplique du Qasr Joumhouri de Bagdad, le palais présidentiel, ou plutôt son… “sosie”. Aujourd'hui, il sert de QG aux troupes de la 4e Division d'infanterie, celle-là même qui a capturé le Président déchu. Ce QG, indique-t-on, a subi plusieurs attaques au mortier, tout comme son homologue de Bagdad d'ailleurs. En prenant des photos en ville, des policiers sont intervenus pour nous en empêcher. Nous sommes alors conduits devant un officier du commissariat central de la province de Salah-Eddine. Ici, on se méfie comme de la peste des “espions”. Le syndrome des “jawassis” est très présent dans les esprits, comme s'il y avait encore quelque chose à piller en Irak.
Rassuré, l'officier de permanence se prête à nos questions. Commentant la capture de Saddam, il lance : “Saddam est une page tournée. Son rôle est terminé dans la comédie. On ne l'aime pas, néanmoins, on n'aurait pas souhaité une telle fin pour lui. Aucun Arabe n'aurait aimé voir son chef d'Etat traité de cette manière. C'est indigne !” Les policiers de Tikrit affirment que, contrairement à leurs collègues de Bagdad qui sont la cible d'attentats quotidiens, ils sont en sécurité. D'aucuns supposent Tikrit bien nantie et largement favorisée par Saddam, pour d'évidentes raisons tribales. Ce n'est pas l'avis de ces policiers : “Saddam n'a favorisé que sa “hachia”, sa petite cour. Les habitants de Tikrit ont souffert de son règne comme tout le monde !” Force est de constater qu'eux aussi cultivent des sentiments antiaméricains. “Moi, je ne reçois pas mes ordres des Américains. Si tel était le cas, j'aurais rendu mon insigne il y a bien longtemps !”, lâche Arafat, agent d'une brigade de la police secours de Tikrit. Un autre renchérit : “Nous sommes au service du citoyen, pas de l'armée américaine, et si les Américains restent, ce sera le djihad !”
M. B.
(À suivre...)
Demain Falloudja : féroces représailles


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