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Pèlerinage à Najaf
IRAK : La pourdriere Chiite (II)
Publié dans Liberté le 29 - 01 - 2004

Najaf, ou A-Najaf Al-Ashraf, est à 180 kilomètres au sud de Bagdad et à une soixantaine de kilomètres après Karbala. Najaf est un immense bazar religieux au milieu duquel trône le somptueux sanctuaire d’Ali Ibn Abi Taleb, assassiné en 661.
“A lf amriki wa la wahed takriti. La baâtha baâda al yawm� (mille Américains valent mieux qu’un homme de Tikrit. Plus de baâthistes à compter de ce jour). C’est par ce slogan inscrit sur une caisse métallique, dans un coin de la rue Zine-Al-Abidine, que nous accueille Najaf. Au milieu de la cité, le sanctuaire de l’imam Ali se détache d’emblée par sa coupole en or et ses deux magnifiques minarets, également tapissés de plaques en or ciselé, reluisant d’une lumière dorée sous le soleil de midi. Il aurait été construit il y a trois siècles de cela, par un architecte persan du nom d’Al-Bahaïe. D’ailleurs, le mausolée porte bien le style de l’architecture persane, par les motifs qui ornent sa céramique.
Une lumière verdâtre émane du porche abritant le tombeau d’Ali. Du plafond pend un lustre resplendissant. Des caveaux entourent la mosquée, car jadis, on y enterrait les morts pour être au plus près de l’imam tant aimé. Autour du mausolée, une belle esplanade sur laquelle défilent d’interminables processions de pèlerins où se mêlent des hommes et des femmes qui, tous, se précipitent vers le tombeau d’Ali pour pleurer devant lui en le couvrant de baisers larmoyants, en déposant, au passage, une couronne de perles, une liasse de billets ou quelque autre objet précieux, avant de s’en aller. On peut voir aussi, à intervalles réguliers, des hommes hissant un cercueil et venant lui faire une ultime “ziara� au mausolée, avant d’aller lui trouver une place dans le cimetière de Najaf. Sinon, le visiteur est assailli à longueur de journée par les scènes de pèlerins éplorés, marmonnant des prières et criant : “Ya Ali ! ; “Ya Ali !�. Et les processions de s‘enchaîner jusqu’au vertige.
L’une des façades du mausolée, celle qui donne sur la rue du Prophète, arbore un échafaudage. Et pour cause : le 30 août 2003, un violent attentat à la voiture piégée avait, rappelons-le, ciblé le sanctuaire, faisant plus de 100 morts. C’était en pleine prière du vendredi. Au nombre des victimes, le grand ayatollah Mohamed Baqer Al-Hakim. Il venait de rentrer de son long exil iranien. Outre cet attentat, le même mausolée avait vécu quelques mois auparavant un autre événement tragique : le lynchage d’Abdelmadjid Al-Khoeï, le fils de l’ayatollah Al-Odhma Aboulkacem Al-Khoeï, un grand prélat chiite.
Le chapelet et le dollar
Vendredi 2 janvier 2004. L’esplanade de la mosquée de l’imam Ali est noire de monde. L’hojatto-l-Islam Sadr-u-Edddine Al-Qabbanchi résume dans son prêche la position chiite. Il compare Saddam au calife Al-Mamoun et sa répression des chiites. Il incite les fidèles à redoubler de vigilance quant aux actes de sabotage des résidus baâthistes, et, pour ce qui est des Américains, il rappelle la position officielle exprimée par la plus haute autorité religieuse chiite, l’ayatollah Sistani, en appelant à des élections directes et sans délais.
Curieusement, un vrai souk s’affaire autour de la mosquée en pleine “khotba�. N’ayant cure du prêche, les gens vont et viennent, un homme passe, tenant sa femme, emmitouflée dans son tchador, par la main, des enfants piaillent, des mendiantes braillent en demandant du “dollar� s’il vous plaît. Une faune de vendeurs, loin de fermer boutique, suivent nonchalamment le prêche de loin, impatients de reprendre du service. Une femme en tchador fume tranquillement. Ici, on peut fumer même dans la cour de la mosquée. L’islam chiite a des ouvertures insoupçonnées.
Une stèle se démarque de l’esplanade, avec un pastiche de la célèbre épée d’Ali au milieu. Tout autour, une foule astronomique. 24 heures sur 24, des silhouettes noires vont et viennent dans tous les sens. Pèlerins et marchands se mêlent dans un sublime cafouillage cacophonique. Les voix des uns se lèvent au ciel pour pleurer Ali, tandis que des marchands ambulants, exhibant des écharpes noires et vertes, à l’effigie d’Ali ou d’Al Hussein, de Zayneb, de Fatima, ou quelque autre icône du patrimoine martyrologique chiite, vante sa marchandise au nom de “ahl Al Bayt�. Moralité : le chapelet et le dollar n’ont jamais autant fait bon ménage. Tout se vend ici. Absolument tout. Une rangée de cambistes étale des liasses de billets avec la tête de Khomeiny. Des “attarine� vantent leurs essences spirituelles (ou spiritueuses ?). Des vendeurs de tapis, de keffieh, de tissus, de bijoux, et autres babioles en tout genre s’égosillent à essayer de vous fourguer leurs bidules. Et puis, des gargotes à volonté, des bouis-bouis d’où émanent des senteurs de gras, du “kabab�, viande hachée épicée, en forme de brochettes, mêlée d’oignon, de tomate et une drôle de salade assaisonnée avec une tranche de citron ou de pamplemousse. Un peu partout, des femmes avec leurs marmailles improvisent des pique-niques, assises en tailleur, un drap étalé au milieu duquel sont disposées des victuailles.
Ambiance festive en pleins hymnes larmoyants et autres effusions de prières. Ce qui domine, cependant, sur les étals, on l’aura compris, sont les “petits souvenirs� qui vont faire le bonheur de tous ces pèlerins une fois de retour au bercail : chapelets phosphorescents, de mille et une couleurs, musc, encens, sejjadas, mushaf en tout genre et en tout format, et puis toute une flopée de bréviaires avec des versets, sans parler des mille et un posters à l’effigie des grands leaders du moment, Sistani, Mohamed Baqer Al-Hakim, Mohamed Sadeq Assadr (assassiné en 1999), ou encore son fils, le très charismatique Moqtada Assadr… Religiosité baroque et gargantuesque. Une religiosité qui, paradoxalement, a quelque chose d’épicurien, qui atténue le voile noir qui semble tenir cette communauté confinée dans un deuil perpétuel.
Une “iranisation� galopante
Les pèlerins viennent de tous les pays limitrophes : Liban, Pakistan, Afghanistan, Bahreïn, et autres républiques asiatiques. Mais les Iraniens dominent de loin le flot des visiteurs. Il doit y avoir au moins une centaine d’hôtels à Najaf. Nous avons peiné pour nous trouver une chambre. Tous étaient “squattés� par les pèlerins iraniens. Des files d’autobus en déversent des milliers, chaque jour. À telle enseigne que le rial iranien à Najaf a cours au même titre que le dinar irakien ou le dollar. Et tous les Irakiens de Najaf parlent “farissi�.
Il faut relever que, dès la chute du régime, les pèlerins iraniens, jusqu’alors sévèrement filtrés sous Saddam, se sont déversés par millions sur les lieux saints de l’islam chiite lesquels se trouvent tous en Irak. Cette avalanche humaine a soulevé une vive inquiétude chez les Américains qui ont obligé le CIG à limiter à 500 par jour le nombre de pèlerins iraniens autorisés à entrer en Irak. Cela en dit long sur les craintes d’une “iranisation� du pays ou de l’instauration d’une… “mollahrchie�, d’une république islamique en Irak, sous l’impulsion de Téhéran, d’autant que moult ayatollahs irakiens ont passé leur exil en Iran, à l’instar de Abdelaziz Al-Hakim, une figure importante du Conseil de gouvernement. Il ne faut pas oublier non plus que l’ayatollah Khomeiny, le grand artisan de la révolution de 1979 contre le shah d’Iran et sa redoutable Savak (police secrète iranienne), avait passé le gros de son exil à Najaf entre 1964 et 1978. Par ailleurs, le fondateur de la hawza de Qom, grande cité religieuse en Iran, l’ayatollah Abdelkarim Al-Haeri, était parti de Najaf. Et l’actuel chef suprême chiite, l’ayatollah Sistani, est le gendre du guide suprême de la révolution islamique en Iran, l’ayatollah Ali Khamanei.
Le pouvoir politique de la “hawza�
Le mot “hawza� revient souvent dans la terminologie chiite. En apparence, ce n’est rien de plus qu’un ensemble d’étudiants en théologie, recevant un cursus initiatique conformément aux enseignements d’un “marjaâ�. Mais, au-delà du rôle pédagogique et théologique, la “hawza� joue un rôle sociopolitique important au sein de la communauté chiite. Ala-u-Eddine Al-Hakim est le fils du grand ayatollah Mohamed Saed Al-Hakim et un proche de l’ayatollah Mohamed Baqer Al-Hakim, assassiné le 30 août 2003. Il explique ainsi le rôle de la “hawza� : “La hawza dans sa constitution même a un attachement ombilical à la société. Tout musulman doit être lié à un savant parmi ses contemporains pour l’aider à trouver sa voie et le guider vers l’accomplissement de sa responsabilité et de son rôle dans cette vie. Cet attachement est donc décisif et déterminant et, à ce titre, impose à la hawza un rôle réel envers tout individu et envers la collectivité. Mais ce rôle était atrophié par l’ancien régime.�
Ce regain de liberté a fait littéralement exploser le sentiment chiite, comme en témoigne le déploiement surréaliste des signifiants religieux dans les espaces publics : cassettes diffusant à tue-tête des chants dits “husseiniens�, pleurant le martyre de “ahl Al Bayt� ; banderoles noires avec les expressions “Ya gharib�, “Ya chahid�, à la gloire du “Seigneur des martyrs�, processions endiablées accompagnées de scènes d’hystérie, en se frappant le torse et s’auto-flagellant, parfois même se fendant le crâne avec un couteau. Sur tous les murs, on peut lire : “Naâm lil hawza !�, ou bien : “Koullouna jounoudou al-marjaîya� (Nous sommes tous les soldats de la marjaîya). Ala-u-Eddine Al-Hakim précise que c’est la “hawza� qui a pris le relais de l’État dans le chaos de l’après-guerre : “Après la chute du régime, en dépit de l’absence de toute forme d’autorité, la hawza a essayé de se réactiver dans les limites de ses moyens. Les denrées les plus élémentaires n’arrivaient pas. Il y avait pénurie d’eau, l’électricité n’existait pas, les hôpitaux étaient paralysés, toutes les infrastructures et les services étaient en panne, et là , il fallait que la hawza comble ce vide et assure un minimum de services. Nous avons ainsi œuvré pour remettre les hôpitaux en marche, les réseaux électriques, les stations d’eau potable, etc.�, explique notre interlocuteur, rencontré dans le siège de la “hawza� de l’ayatollah Al-Hakim, à Najaf.
Une équipe de la chaîne américaine NBC était également au siège de la hawza. Le journaliste américain qui devait interviewer le fils de l’ayatollah, et qui s’exprimait dans un arabe impeccable, quoi que greffé de dialectal égyptien, insiste beaucoup dans ses questions sur le rôle de la “hawza� dans la prise du pouvoir. Ala-u-Eddine Al-Hakim a beau rassurer que les ayatollahs irakiens n’ont pas l’intention de créer une république islamique en Irak (lire dans nos prochaines éditions l’interview complète qu’il nous a accordée), l’homme convainc peu. Il est évident que les cercles religieux chiites vont peser de tout leur poids pour conférer au futur État irakien, aujourd’hui en chantier, une teinture religieuse. Sur les 24 millions d’habitants que compte l’Irak, au moins 55% (voire 60% selon d’autres estimations) sont chiites, contre 40% de sunnites (dont 15% de Kurdes).
Depuis la chute du régime de Saddam, les chiites n’ont pas fait de vagues. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : ils veulent s’imposer dans toutes les institutions ; institutions dont ils étaient écartés sous Saddam. Le déploiement chiite inquiète au plus au point les autres communautés, notamment les Kurdes qui, eux, sont pétris d’une vieille culture laïque. Le spectre de la guerre civile plane sérieusement au-dessus du Tigre...(À suivre)
M. B.
Demain : Oum Qasr, the british touch.


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