Palestine : Sharon divise même le Fatah

Vu de près

L’annonce par Sharon d’évacuer des colonies juives à Gaza et en Cisjordanie a l’air de faire bouger la situation, aussi bien en Israël qu’en Palestine. Chez les Israéliens, c’est la division entre ceux favorables à l’initiative et ceux qui y voient une trahison. Impensable il y a peu : les travaillistes se déclarent prêts à travailler avec Sharon vilipendé par les siens et, pour qui son lâchage n’est qu’un subterfuge pour échapper à la justice qui examine des affaires de corruption dans lesquelles il est étroitement mêlé. Sharon pense surmonter l’hostilité, voire la défection de sa propre coalition par le ralliement des travaillistes, mais également grâce au feu vert des Américains pour son nouveau tracé qui, même s’il n’obéit pas à la “feuille de route� réduit — tout de même — les implantations établies en Palestine. Sharon doit être reçu fin février à la Maison-Blanche par Bush de qui il sollicitera des pressions en direction des partenaires de la “feuille de route� qui envisage la création d’un État palestinien coexistant pacifiquement aux côtés d’Israël d’ici 2005.
Chez les Palestiniens, la situation a également évolué. D’abord — c’est une première —, le Premier ministre Ahmad Qoreï effectue une tournée en Europe. Il se rendra en Italie et en Irlande où il verra le précédent et l’actuel présidents de l’UE, puis en Grande-Bretagne, France, Allemagne et Belgique. Ce voyage donne des ailes à Qoreï qui, jusque-là , se plaignait du trop d’ombre que lui faisait Arafat en sa double qualité de chef historique et de patron de l’Autorité palestinienne. Avant de s’envoler pour l’Europe, le Premier ministre palestinien a fait escale en Égypte où il s’est dit satisfait de l’annonce de Sharon, mais surtout pour entendre Hosni Moubarak exhorter Arafat à procéder à des réformes au sein de l’Autorité, dans les services de sécurité et dans son propre mouvement, le Fatah.
Ce que n’a pas cessé de revendiquer Qoreï menaçant même, à plusieurs reprises, de remettre le tablier, comme son prédécesseur Mahmoud Abbas à qui Arafat avait refusé tout droit de regard sur les services de sécurité. Qoreï, mieux implanté dans le Fatah, a mieux résisté aux coups de boutoir du président de l’Autorité et du carré de ses proches.
Il leur est reproché, notamment, par la jeune garde de s’accrocher au pouvoir, d’en abuser et de ne pas faire cas des réalités palestiniennes. Le Fatah a d’ailleurs fini par éclater.
Quelque 300 membres du mouvement de Arafat ont jeté le gant pour protester contre l’absence de réforme et la perte de son audience au sein de la société palestinienne.
Dans leur pétition adressée à Arafat, les jeunes du Fatah (membres actifs de la base) menacent de rejoindre les Brigades des martyrs d’Al Aqsa (un groupe radical à la méthode de Hamas) en l’absence d’alternative ouverte. Les jours du vieux leader, chef depuis 1959, date de création du Fatah au Koweït, sont, apparemment, comptés…
D. B.