Raz-de-marée des conservateurs

Législatives en Iran

Comme prévu, les premiers résultats rendus publics, hier, ne laissent aucun doute sur la victoire des conservateurs, qui vont reprendre la direction de toutes les institutions iraniennes.
Les décomptes définitifs dans une soixantaine de petites circonscriptions de province laissent seulement neuf sièges aux candidats présentés ou soutenus par la seule liste réformatrice, la Coalition pour l'Iran. Encore l'un de ces neuf lauréats était-il soutenu à la fois par les réformateurs et les conservateurs. Les autres ont été remportés par des candidats conservateurs ou se déclarant indépendants. De nombreux conservateurs ont affiché cette dernière étiquette. Ces néo-conservateurs affichent communément une image de pragmatiques dévoués à l'islam et discrets, au-dessus des querelles politiciennes qui ont empoisonné la mandature des réformateurs pendant quatre ans.
Dix nouveaux élus sont des conservateurs proclamés. Neuf autres appartiennent au Parti de la modération et du développement, conservateur modéré. Les résultats définitifs dans les 207 circonscriptions pourraient être annoncés aujourd’hui. Les premières indications sont conformes aux prévisions annonçant une revanche des conservateurs battus à plate couture en 2000. Les principales personnalités réformatrices ont été interdites de se présenter par les organes de contrôle électoral conservateurs. La liste de la Coalition pour l'Iran s'est constituée en toute hâte. Avec 206 noms, elle n'avait pas assez de candidats pour les 289 sièges. Les pronostics promettant la victoire aux conservateurs, l'autre enjeu primordial du scrutin résidait dans la participation. Dans le grand Téhéran, qui envoie 30 députés au Parlement, elle pourrait être d'environ 40%, a indiqué le chef local de l'organe chargé de superviser le scrutin cité dans la nuit par l'agence estudiantine Isna. Face à la menace d'une forte abstention causée par l'invalidation des candidatures réformatrices et les appels au boycottage, mais aussi le désenchantement des électeurs, les conservateurs ont toute la journée de vendredi insisté sur la participation “massive�. Aucun chiffre fiable n'a été publié. Le ministère réformateur de l'Intérieur a réfuté comme aléatoires différents chiffres qui ont circulé. La participation s'était élevée à 67,35% en 2000. Même si les deux scrutins ne sont guère comparables, elle était notablement plus faible aux municipales de 2003 : 49,17%, et moins de 12% à Téhéran. La presse conservatrice a fait ses titres hier sur la participation “massive�.
Les dirigeants conservateurs ont présenté vendredi le vote comme une “balle tirée dans le coeur� du président américain George W. Bush, qui se réjouirait, selon eux, qu'une forte abstention ébranle la légitimité de la république. Ce qui a précédé la consultation ne préparait pas “des élections libres et honnêtes�, ni “compatibles avec les normes internationales�, a déclaré un porte-parole du département d'État américain, Adam Ereli. Les deux principaux quotidiens réformateurs Shargh et Yas-e No étaient, eux, absents des kiosques. Ils ont été fermés par la justice pour avoir publié la lettre de députés réformateurs s'interrogeant ouvertement sur le rôle du guide suprême, l'intouchable ayatollah Ali Khameneï, dans l'invalidation des candidatures. Seront élus au premier tour les candidats arrivés en tête avec plus de 25% des suffrages exprimés. Un second tour devrait avoir lieu en mars.
R. I./Agences