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La riba : entre usure et intérêt
Des interprétations wahhabites aux justes fatwas
Publié dans Liberté le 24 - 11 - 2013

On ne va pas dans un café sans entendre des citoyens parler de la "riba", un terme à la mode depuis l'émergence des télévisions satellitaires propagatrices d'un wahhabisme dévastateur. Après la fièvre qui a engendré une ruée vers l'Ansej, les ardeurs des jeunes se sont vite refroidies à l'endroit de ce fonds mis en place pour détourner la crise de janvier 2011.
«Riba, riba », répètent les jeunes, sous l'influence d'une fatwa qui s'est propagée comme le feu. Le discours wahhabite évolue donc dangereusement au sein de notre société, via des chaînes satellitaires qui affirment non seulement que la riba est illicite mais que même les relations avec les banques le sont également.
Ayant constaté l'amoindrissement de la ruée vers l'Ansej et l'Angem, le gouvernement a décidé de réduire le taux d'intérêt de ces deux crédits de 5% à 1% en février 2011. Mais les voix fanatiques s'étant saisies de l'affaire, on a lu des dizaines d'articles dans la presse jaune.
Et lors des journées de concertations avec les jeunes de la wilaya d'Alger, organisées les 9 et 10 novembre 2011 par le CNES au Palais des Nations, la quasi-majorité des intervenants, dont des imams payés par l'Etat et supposés agir selon les prescriptions de l'Etat, avait insisté sur le fait que l'intérêt serait illicite et relèverait de la riba. Or, si on part du principe que l'Islam est une religion sensée et basée sur la raison, les propos sur la riba semblent tout simplement débiles car ils contredisent la vérité scientifique des lois économiques et financières qui disent que les activités bancaires sont fondamentales pour les sociétés modernes. Le Coran est-il en porte-à-faux avec l'histoire, et se contredit-il sur les principes mêmes qu'il énonce ? Aucune banque ne peut fonctionner si elle ne fait pas d'intérêts. Même les banques dites islamiques fonctionnent grâce à l'intérêt qu'elles tirent des opérations avec leur clientèle. Seulement, elles trichent, en jouant sur les mots pour faire accroire qu'il ne s'agit pas d'intérêt mais de bénéfice, lequel est licite en Islam. Toutes les religions monothéistes ont abordé ce problème du prêt usuraire, que le Coran a également interdit de manière catégorique en ce sens qu'il constitue un fléau pour la société.
On ne peut donc comprendre le phénomène de la riba, ce qu'elle est réellement et pourquoi elle est interdite par les religions si on ne réfère pas à l'histoire du monde musulman et du monde en général à l'époque de la Révélation.
Comme on ne peut comprendre la riba dans le monde musulman d'alors sans comprendre le phénomène de l'usure, puis du prêt sur gage et des monts-de-piété et des métiers de l'argent en général à travers l'histoire, notamment dans la société chrétienne, et comment celle-ci a traité le problème dans le temps et ce, jusqu'à l'apparition des premières institutions bancaires, venues au 18e siècle mettre fin à la pratique de l'usure pour offrir à sa place des services qui ne nuisent ni à l'une ni à l'autre des deux parties contractantes mais les servant toutes les deux.
Récente, la notion d'intérêt n'a donc rien à voir avec le fléau de l'usure telle que pratiqué depuis les temps les plus lointains de l'antiquité et qui a engendré des crises graves au sein des sociétés, provoquant aussi des persécutions contre la communauté juive, essentiellement responsable de ce genre d'activités.
Les imams d'Al-Azhar ont statué sur la question de la riba et prouvé que ce phénomène ne peut s'expliquer que par une théologie ouverte sur de nombreuses disciplines.
C'est pour cela qu'ils s'appuient dans toutes leurs interprétations du texte coranique sur des savants de différents secteurs, dans ce cas-ci, des historiens et des experts de l'économie et de la finance. Depuis un siècle et demi, les Grands Muftis d'Egypte et les cheikhs d'Al-Azhar réfléchissent sur les notions de riba et d'intérêt pour établir une différence entre les deux, sachant d'emblée que le Coran ne peut pas interdire une activité aux retombées économiques positives, et qui ne peut être assimilée à ce qui est catégoriquement interdit en Islam. Muhammad Sayyed Tantawi, ex cheikh d'Al-Azhar, a depuis longtemps interprété le dogme de façon à ne proscrire que "l'intérêt excessif" qui peut être considéré comme de l'usure, bien que l'usure soit gangrenée par d'autres vices qui ont mené à la ruine de milliers de personnes dans l'antiquité comme durant les autres siècles.
En 2002, c'est toute l'Université d'Al-Azhar et le Conseil islamique supérieur qui se sont rangés aux côtés de Tantawi : ses 21 sages ont donc décrété licites les intérêts sur les dépôts bancaires. Al-Azhar est l'autorité musulmane la plus autorisée, en ce sens qu'elle comprend des compétences pluridisciplinaires, qu'elle est indépendante sur le plan intellectuel et scientifique et n'obéit pas à des injonctions politiques, contrairement aux autres imams ou institutions issues du wahhabisme. Si la riba est interdite en Islam et qu'Al-Azhar affirme que l'intérêt n'est pas la riba, alors qu'est-ce que celle-ci ?
Le Coran dit : "Tout ce que vous donnerez à usure pour augmenter vos biens aux dépens des biens d'autrui ne les accroît pas auprès d'Allah, mais ce que vous donnez comme Zakat, tout en cherchant la Face d'Allah (Sa satisfaction)... Ceux-là verront [leurs récompenses] multipliées" (S30-V39). L'interdiction est tellement forte que le péché englobe le créancier mais aussi le débiteur et même celui qui participe à la rédaction du contrat ou en est le témoin, à un même degré de péché. "Ô croyants ! Craignez Allah, et renoncez au reliquat de l'intérêt usuraire, si vous êtes croyants" (S2-V278). Il est dit dans le verset 4 :161 (Les Femmes) : "Et à cause de ce qu'ils prennent des intérêts usuraires – qui leur étaient pourtant interdits – et parce qu'ils mangent illégalement les biens des gens." Le verset 3 :130 (La famille d'Imran) dit : "ô croyants ! Ne pratiquez pas l'usure en multipliant démesurément votre capital." Tandis que le verset 30:39 (Les Romains) précise : "Tout ce que vous donnerez à usure pour augmenter vos biens aux dépens des biens d'autrui ne les accroît pas auprès d'Allah" : ceci est très explicite qu'il s'agit de l'usure crapuleuse et non pas du prêt à intérêt non usuraire au sens moderne qui accroît les biens des deux parties et non d'une seule au détriment de l'autre.
Le verset 2 :276 (La vache) insiste lui aussi sur la notion d'injustice liée à l'usure et qui n'existe pas dans l'intérêt : "Allah anéantit l'intérêt usuraire et fait fructifier les aumônes. Et Allah n'aime pas le mécréant pécheur." Le Coran (2:278-279) ajoute : "Ô croyants ! Craignez Allah et renoncez au reliquat de l'intérêt usuraire, si vous êtes croyants. Et si vous ne le faites pas, alors recevez l'annonce d'une guerre de la part d'Allah et de Son messager. Et si vous vous repentez, vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne, et vous ne serez point lésés."
Riba et esclavage dans la djahilia
Dans un hadith, le Messager d'Allah met en garde d'éviter les "sept abominations" qui sont : "Le polythéisme, la magie, l'usure, dilapider l'argent de l'orphelin, la fuite pendant le combat et la calomnie des femmes mariées sans preuve". Ce n'est donc pas en aveugle qu'Al-Azhar a étudié la question de la riba et statué que l'intérêt bancaire est licite et que, donc, la riba pratiquée de façon informelle à des conditions peu honnêtes et dépassant les taux bancaires est illicite, ce qui fait que les versets du Coran restent toujours valables car les pratiques malhonnêtes sont universelles. Le Coran dit donc que la riba est illicite car liée à un tort, un point c'est tout.
Tous les versets sur la riba ou presque insistent sur la notion d'injustice qui lui est liée :"aux dépens des biens d'autrui"; "parce qu'ils mangent illégalement les biens des gens"; "aux dépens des biens d'autrui" ; "vous ne léserez personne, et vous ne serez point lésés", est-il dit dans les sourates citées plus haut. La riba n'est pas interdite parce qu'il y a augmentation, mais augmentation injuste. Pour comprendre ce qu'est la riba, il faut donc revenir à l'histoire, c'est-à-dire à la création de ce commerce qui a fait prospérer les Juifs durant l'antiquité. Le terrain est donc balisé.
Les imams qui insistent sur l'illicéité de l'intérêt moderne l'assimilent à la riba sous prétexte qu'il constituerait un prélèvement sans participation aucune sur le travail d'autrui et qu'il n'impliquerait aucune participation par la prise de risque.
Ce sont là les arguments de Ben Halima Abderraouf, dans L'économie dans l'islam, p. 11, et surtout d'Al-Qaradaoui (Fawâ'ïd ul-bunûk hiya-r-riba-l-muharram, p. 47), ce qui est tout à fait faux car la banque engage des frais, des moyens, des efforts et du personnel, et le client tout autant, en plus du fait qu'il contribue à l'économie de son pays, du moins à faire travailler les employés de cette banque.
La seule explication évoquée dans le Coran est le caractère injuste et le tort infligé au débiteur par la riba : cela signifie que les explications et extrapolations des imams du Moyen Âge sont superflues. Mais Al-Qaradaoui et sa suite en font des critères pour définir la riba. Or la riba n'est pas illicite parce qu'elle est une augmentation de l'argent sur de l'argent mais parce qu'elle est simplement injuste et inique. Le titre de l'ouvrage d'Al-Qaradaoui pourrait être traduit ainsi : "L'intérêt des banques est l'usure illicite", ce qui atteste d'une véritable confusion entre deux concepts différents et de périodes différentes.
Toutes les explications relatives à "l'illicéité" de la riba ne renvoient pas à l'histoire de La Mecque ou de Médine à l'époque de la Révélation : aucun imam ne semble savoir qui étaient ces prêteurs, quels taux ils percevaient et quels étaient les conséquences de l'usure sur la vie sociale et économique à cette époque-là. Or les versets en question, comme de nombreux autres, ont été révélés comme réponses à des questionnements précis du Prophète, et donc de sa société. Pourtant cette approche est-elle totalement ignorée par les imams qui parlent de la riba en termes pseudo métaphysiques et pseudo juridiques sans relation aucune avec l'histoire et avec les réalités sociales ? Un fiqh (théologie) coupé de la réalité et de l'histoire mérite-t-il son nom ? Un fiqh qui ne fait pas référence à de nombreuses sciences peut-il comprendre un texte aussi complexe que le Coran ?
Durant la période préislamique (djahilia), l'usure dominait la vie des Arabes. Les usuriers ont fait tellement de dégâts qu'une grande partie de la population ne pouvait rembourser ses crédits. Pour payer leurs créanciers, les débiteurs endettés acceptaient de vendre leur propre personne, autrement dit devenir esclave ! D'où le nombre important des esclaves en Arabie en ces temps-là. En s'attaquant à la riba, l'Islam s'attaquait à l'esclavage en éradiquant le mal par la racine, d'où le fait qu'il a interdit l'usure sous toutes ses formes. Or, aujourd'hui, l'esclavage est interdit, les musulmans sont parmi les musulmans, protégés par des lois bancaires, des règles d'éthique et de déontologie, une justice... Mais, universel, le Coran vise à bannir toutes les formes de vices, de crimes, d'injustices et de corruption, dont le matérialisme, le gaspillage, les crimes économiques, l'accaparement et la spéculation, etc., qu'ils soient formels ou informels et qui restent des fléaux actuels.
La riba est illicite car ce fléau est marqué par le vice, la perversion et l'injustice : ces travers s'adaptent à l'usure et non pas à l'intérêt, qui se justifie économiquement et financièrement, comme fondamental dans toute économie moderne. La riba recouvre donc en premier lieu l'usure, sur l'interdiction de laquelle il y a unanimité. En français, le mot usure signifie "intérêt qu'on exige d'une somme d'argent prêtée au-dessus du taux fixé par la loi ou les usages du commerce" (Quillet) et "intérêt de taux excessif" (Robert). Les Européens ont combattu ce fléau beaucoup plus violemment que les Musulmans, comme on le verra plus loin, et lorsque les banques sont nées, la juridiction n'a cessé de combattre l'usure, bannie et réprimée par la loi, du moins en tant que pratique commerciale illicite. En dépit des progrès actuels qui mettent plus de sources documentaires entre leurs mains, les imams wahhabites continuent à confondre intérêt bancaire et riba, au seul prétexte qu'en Islam, le gain doit résulter d'un travail ou au moins d'une participation par la prise de risque.
Or, disent-ils, l'intérêt est un prélèvement sans participation aucune sur le travail d'autrui : c'est sur une base aussi fausse et absurde qu'ils fondent leur condamnation de l'intérêt, sans chercher à comprendre l'histoire de la riba, sa relation avec les autres religions monothéistes et l'histoire de l'humanité d'une manière générale et donc sans avoir lu les centaines de livres publiés dans le monde chrétien sur le sujet.
Or comprendre un interdit aussi grave et capital exige un investissement intellectuel important dans la mesure où il implique le devenir économique de la nation islamique tout entière : c'est ce qu'Al-Azhar a fait, d'autant qu'il a les compétences et les outils pour le faire. C'est normalement cette référence éclairée d'Al-Azhar qui doit servir à l'Algérie et non pas les imams du service wahhabite qui poussent comme des champignons vénéneux.
A. E. T.
(À suivre)
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