Bouteflika doute

Issue de l’élection du 8 Avril

Il fait des attaques systématiques contre la presse un des thèmes principaux de sa campagne.
Le mystère qui plane sur l’issue de l’élection présidentielle est une quasi-certitude pour l’ensemble des candidats, Bouteflika compris. Faisant sien le discours de ses rivaux, le président sortant crie à qui veut l’entendre que rien n’est encore joué.
Est-ce à dire qu’il n’a plus cette assurance de passer sans encombre comme en 1999, du temps où il était le candidat du consensus ? Ses doutes tiennent-ils d’une volonté d’accréditer aux yeux de l’opinion publique nationale et internationale, la transparence et la régularité du scrutin ? Ou est-ce tout simplement pour se défendre d’une quelconque velléité de fraude ? En se rendant, hier, au cœur de ce triangle géographique de l’extrême-est du pays —Tébessa, Souk-Ahras, Batna en moins — qui a longtemps constitué le réservoir du système, le président-candidat a expressément affirmé son indépendance de l’establishment. De son éventuelle réélection, il fait une réussite personnelle et méritée. En revanche, il avertit les faiseurs de rois, en clair, la grande muette et accessoirement ses concurrents de compromettre, pis de remettre en cause sa consécration par les urnes. Bouteflika avait donné le ton à cette mise en garde à la veille du lancement officiel de la campagne électorale, sur l’ENTV, où il s’est dit contre “toute interruption du processus électoral�. Il a réitéré cette opposition, hier, devant ses partisans à Aïn Beïda — à 180 km de Annaba — en fustigeant ceux “qui veulent mener le pays vers l’inconnu et parier sur son avenir�. Se targuant pour sa part du respect de la légalité et du choix du peuple, il promet de se soumettre à sa volonté. “Même si vous ne votez pas pour moi, je l’accepterai. L’essentiel est que vous alliez voter�, a-t-il exhorté son auditoire. Dans cette salle omnisports de la localité déshéritée d’Aïn Beïda, l’étalage de son bilan quinquennal faisait office de programme de campagne. “Quand je suis venu, les algériens croupissaient sous les pieds des chèvres, les caisses étaient vides et vous étiez considérés comme des pestiférés là où vous alliez. Aujourd’hui, le drapeau de mon pays flotte haut dans le ciel de Pékin et de Johannesburg�, s’est enorgueilli le chef de l’État. “L’Algérie va bien. C’est un grand chantier�, s’est-il ensuite écrié comme pour convaincre les plus réticents parmi l’assistance de l’importance de son œuvre. Construction de logements, recul du chômage, le prétendant à sa propre succession citera pêle-mêle les grands axes de cette “épopée glorieuse�, mais l’axe fondamental de sa politique sur lequel il s’attardera comme à l’accoutumée depuis l’entame de son périple électoral reste la concorde civile, dont son prolongement la réconciliation nationale. Il a toutefois assorti, hier, son long plaidoyer en faveur du pardon et de la repentance d’une résolution ferme en faveur de la lutte contre le terrorisme. Dans le glossaire propre au président, le terrorisme prend des formes pour les moins désarçonnantes. “Nous continuerons à combattre les égorgeurs d’enfants, les éventreurs de femmes�, a-t-il juré, avant d’élargir cette liste aux manieurs des “plumes empoisonnées�, les journalistes.
Jamais depuis sa première sortie sur le terrain, Bouteflika n’a exclu ses attaques contre la presse de ses laïus. À bien y regarder, il semble bien que cette offensive tous azimuts soit une constante dans son discours une sorte de thématique, manifestement l’une des plus importantes de son discours électoral. En une demi-heure de parole — ni plus ni moins —, le candidat a consacré à cette question une attention particulière. Quant au reste, les pauvres bougres d’Aïn Beïda comprendront. Il n’y a que la vérité, celle de Bouteflika, qui compte.
S. L.