Le potentat se découvre

Cette campagne électorale aura permis à l’opinion publique nationale et internationale de connaître, une fois pour toutes, le projet de société que cet homme et sa fratrie réservent à l’Algérie, si par malheur il venait à arracher un second mandat : tordre le cou à la libre expression. Une fois pour toutes.
Relisons attentivement le contenu de ses interventions lorsqu’il s’adresse aux citoyens lors de sa campagne électorale. Relisons attentivement ses propos lorsqu’il s’exprime sur les écrans des télévisions étrangères : Bouteflika part en guerre contre les journaux de la presse indépendante. Et relisons surtout les mots qu’il utilise pour s’en prendre aux journaux et journalistes : “marchandises périmées�, “lupanars�, “mercenaires� ou “assassins par la plume�. Faut-il en rajouter ? Ce petit échantillon devrait suffire tant il est édifiant. C’est donc un lexique de guerre qu’utilise le président-candidat pour s’en prendre à ces rares journaux qui lui apportent la contradiction. Des journaux et des journalistes qui sont livrés quotidiennement à la vindicte d’un homme et de sa clique qui n’apprécient décidément pas que la presse soit libre en Algérie.
Cette campagne électorale aura finalement livré le fond de la pensée de Abdelaziz Bouteflika. Et c’est tant mieux. Elle aura permis à l’opinion publique nationale et internationale de connaître, une fois pour toutes, le projet de société que cet homme et sa fratrie réservent à l’Algérie, si par malheur il venait à arracher un second mandat : tordre le cou à la libre expression. Une fois pour toutes. Comment compte-t-il donc arriver à ce funeste objectif ? Mettre sous scellés les journaux récalcitrants, jeter en prison les directeurs de journaux et les journalistes coupables de crime de lèse-majesté à l’encontre du chef de l’État et de sa petite cour de mangeurs à son râtelier, et asphyxier les administrations de ces journaux avec des redressements fiscaux. Et, bien sûr, faire passer, aux yeux de l’opinion publique, les hommes de cette corporation pour des traîtres à la nation, des renégats, des mercenaires et des félons. Nous n’inventons rien. Nous n’exagérons rien.
Ces adjectifs sont, chaque jour que Dieu fait, dans la bouche du président-candidat Bouteflika. Il a donc suffi de quelques jours de campagne pour que cet homme se découvre, tel qu’il est. Et tel qu’il aspire à être : un potentat sans contre-pouvoir. Ses partisans, en tout cas, ont bien compris le message du maître, eux qui s’en sont pris, hier, avec une rare violence aux journalistes qui couvraient la sortie de Ali Benflis dans l’ouest du pays.
Pendant cinq ans, Bouteflika s’était donc fait violence à lui -même en se faisant passer pour le grand parangon de la liberté d’expression. Durant son exercice, il a campé le rôle de l’acteur d’une cause qu’il abhorre. Bouteflika dans le costume trop épais de Jefferson ? Bouteflika, grand défenseur de l’expression plurielle en Algérie ? Allons donc !
Que ne lui faut-il pas encore d’anathèmes à déverser pour qu’on se rende enfin compte que cet homme, son parcours et son projet de société relèvent de la supercherie ?
F. A.