Unanimisme

Maintenant que le Chef du gouvernement a parlé, il restera aux vénérables députés à lever la main dans un bel unanimisme pour lui donner le quitus. Pur acte de formalité.
Avant au moins, on sauvait les apparences, et les députés donnaient l’illusion d’un débat contradictoire avant de donner leur bénédiction au programme du gouvernement. Aujourd’hui, les mœurs politiques ont changé. Les débats, autour du programme du gouvernement d’Ahmed Ouyahia, ont été d’une telle platitude que l’évènement est passé inaperçu. C’est à peine si les journaux ont consacré quelques manchettes.
Mais pourquoi diable devrait-il y avoir débat controversé ? Pourquoi devrait-il y avoir critiques acerbes et farouches contre le programme lorsque l’on sait que dans cette auguste assemblée règne un unanimisme quasi général ? Même, les parlementaires du FLN qui, hier, vilipendaient Abdelaziz Bouteflika, en portant à bras-le-corps les idées de Ali Benflis, ont fini par se ranger derrière Ahmed Ouyahia. L’opposition à Bouteflika n’a duré que le temps d’une campagne électorale. On remet les dagues dans les fourreaux, on applaudit le programme et on vote, à l’unanimité. Après tout, les députés n’ont de compte à rendre qu’à leur seule conscience. Pour ce qui y est du citoyen, il peut toujours attendre. Attendre que les gouvernants veuillent bien se pencher sur ses préoccupations.
C’est terrible ce que ces quelques jours de débats à l’Assemblée nationale ont révélé le fossé qui sépare nos parlementaires du petit peuple. C’est à peine si l’on n’osait pas évoquer l’existence de deux Algérie : celle qui discourt sur les bancs de l’Assemblée, tellement déconnectée des réalités du quotidien et celle qui vit la misère, l’injustice, le chômage, la promiscuité. L’Algérie du désespoir. De ce désespoir qui pousse les jeunes à brûler les édifices et les pères de famille à s’immoler par le feu comme ultime acte pour se faire entendre enfin.
Oui, maintenant que le Chef du gouvernement a parlé, il restera aux vénérables députés à lever la main dans un bel unanimisme pour lui donner le quitus. Pur acte de formalité. Demain, après-demain et les jours qui suivront, la marmite sociale continuera à bouillir. Gare à l’explosion finale !
F. A.