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"Le 1er Novembre fut l'acte de naissance de la modernité algérienne"
Belaïd Abane, chercheur en histoire politique de la guerre de libération nationale, à "Liberté"
Publié dans Liberté le 01 - 11 - 2014

Le professeur Belaïd Abane, politologue et chercheur en histoire politique de la guerre de Libération nationale, évoque quelques aspects peu connus du public concernant le déclenchement de la lutte armée de Novembre 1954. En somme, la face cachée du 1er Novembre. Qu'en est-il ?
Liberté : Ben Bella avait déclaré quelques mois avant sa mort que le 1er novembre, c'était lui. Mahsas répétera peu après que sans lui et Ben Bella, point de Novembre. Qu'en pensez-vous ?
Belaïd Abane : On ne peut pas croire cela, pour une raison évidente : Ben Bella et Mahsas ont quitté l'Algérie en 1952. On ne voit pas comment ils auraient pu organiser le 1er novembre. Les véritables maîtres d'œuvre sont Boudiaf et Ben Boulaïd. Ce sont eux qui sont à l'origine de la tentative d'union et d'action du CRUA avant de passer la vitesse supérieure en réunissant une vingtaine d'anciens membres de l'OS au Clos Salembier pour désigner le premier comité révolutionnaire des 6 avec Boudiaf comme coordinateur. La désignation de Boudiaf est logique, puisque c'est lui qui était de fait le dernier chef d'une OS désarticulée après le coup de filet de la police coloniale en 1950. C'est Boudiaf qui a animé ce qui restait d'une OS démilitarisée et réduite à la préparation politique de la lutte armée. On reprochera même à Boudiaf d'avoir voulu déclencher coûte que coûte le 1er novembre. On dira même qu'il y avait chez lui, en plus de l'ardent sentiment patriotique et nationaliste, une sorte d'orgueil à vouloir laisser son empreinte dans l'histoire contemporaine du pays et à dépasser ses deux prédécesseurs à la tête de l'OS, Aït Ahmed et Ben Bella.
Pourquoi il n'y avait pas de chef clairement identifié et officiel au début de la Révolution ?
La proclamation de Novembre était effectivement anonyme, signée : le secrétariat national. On aurait pu la signer du nom des 6, ou le comité révolutionnaire, le conseil révolutionnaire...Non, on a préféré le terme totalement anonyme et administratif de secrétariat national. Alors, pour quelles raisons ? D'abord on se refusait à reproduire les mauvaises habitudes du passé, celles du chef messianique et d'un démiurge que fut Messali qui a fini par s'abîmer dans le culte de la personnalité, au point de provoquer une régression du mouvement national, celle qui a précédé précisément le 1er novembre 1954. Il y a ensuite très probablement cette autre habitude algérienne de rivalité entre les chefs. On a laissé certes Boudiaf assurer la coordination du mouvement, mais en Egypte, Ben Bella s'était déjà autoproclamé porte-parole de l'Armée de libération nationale. De la Soummam sortiront également des institutions collégiales, certes pour conjurer les mauvais sorts du passé mais aussi et sûrement du fait de ces rivalités incessantes entre les chefs. Par contre, on cherchera dès la préparation du 1er novembre 1954 une tête d'affiche, de préférence intellectuelle, bilingue arabe français, encore mieux, mais sans ambition politique. Ainsi, on sollicitera des Zitouniens, comme Mouloud Kassem Naït Belkacem, le bilingue Larbi Demagh El-Atrous qui ont décliné la proposition, après le refus de Lamine Debaghine qui a été sollicité, lui, en tant qu'ancien secrétaire général du PPA-MTLD.
Pourquoi n'y avait-il pas de délégués de la Kabylie à la réunion des 22 pour la préparation du déclenchement de la Révolution ?
Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Boudiaf et Ben Boulaïd qui sont à l'origine de cette initiative ont fait avec ce qu'ils pouvaient, ce qu'ils avaient. Ils étaient tous les deux de l'Est et ne connaissaient donc, clandestinité totale oblige, que les militants activistes de l'Est. On comprend pourquoi plus des 2/3 des 22 étaient des anciens OSistes de l'Est. C'est une première raison. Une autre est que Boudiaf et même Ben Boulaïd avaient déjà rompu leurs amarres messalistes. Je dis même Ben Boulaïd, car à ce jour des anciens partisans de Messali n'hésitent pas à affirmer que Ben Boulaïd aurait été messaliste même après le 1er novembre 1954. Ce qui est évidemment totalement faux, puisque c'est même Ben Boulaïd qui convaincra Krim de rompre avec Messali et de se joindre au comité des 5 (Boudiaf, Ben Boulaïd, Ben M'hidi, Bitat et Didouche) qui deviendra alors comité des 6. Il faut se remettre également dans le contexte de cette époque où, en Kabylie, l'immense majorité des militants ne juraient encore que par Messali. Et il ne faut pas oublier que les militants kabyles du PPA-MTLD représentaient plus de la moitié des effectifs totaux du PPA. On comprend que les chefs kabyles comme Krim et Ouamrane aient hésité à rompre avec Messali pour ne pas s'aliéner l'immense réservoir militant de la Kabylie, prêt à entrer en lutte au moindre signe du vieux chef nationaliste. L'absence de délégués kabyles à la réunion des 22 n'est dû à mon sens qu'à l'imbroglio qui régnait alors, du fait qu'on ignorait encore totalement le rapport de forces entre les activistes futurs déclencheurs, et Messali dont le prestige auprès des militants n'était pas encore entamé. A cela il faut ajouter tous les aléas dus à la clandestinité qui faisait des activistes OSiens des membres d'une société secrète où les réunions se faisaient sous l'anonymat des cagoules. Parfaitement surréaliste, comme me le racontera feu Mechati.
Comment s'est déroulée cette réunion des 22 ?
Ce que je peux dire je le tiens d'un acteur présent à cette réunion, en l'occurrence Mohamed Méchati. C'est donc une réunion totalement clandestine. Les participants arrivaient individuellement et secrètement chez Lyes Derriche, l'hôte de la réunion. Ils étaient accueillis par Boudiaf qui leur désignait leurs places respectives et pas par hasard. Mohamed Méchati m'avait assuré qu'il ne connaissait ni son voisin de gauche ni celui de droite. Il m'indiquera également que Boudiaf avait mené la réunion tambour battant comme s'il était pressé de plier l'affaire. Il ajoutera qu'il était lui-même resté un peu perplexe en ne voyant pas à cette réunion Abderrahmane Guerras, son chef direct dans l'OS constantinoise. Selon lui Boudiaf avait écarté Guerras qui avait l'habitude de lui tenir tête, au profit de militants dont il se sentait plus proche. C'est cela, ai-je compris, qui sera à l'origine du rétropédalage du groupe de Constantine et même du scepticisme d'un Zighout auquel il a fallu toute la verve et la fougue d'un Didouche dépêché à Constantine par Boudiaf pour rattraper le coup. Ce qui sera fait pour Zighout. Les Constantinois dont Méchati, continueront longtemps à reprocher à Boudiaf son empressement à déclencher, sans un minimum de base politique. La preuve, disent-ils, c'est qu'il a fallu vite corriger le tir par le congrès de la Soummam.
Justement c'est à cette question de programme politique que je voulais en venir. Le 1er Novembre avait-il une doctrine politique, une théorie révolutionnaire ?
Une théorie révolutionnaire au sens léniniste, non bien sûr. Il y avait la Proclamation du 1er novembre qui est comme je l'ai écrit dans mon livre L'Algérie en guerre, un maigre viatique politique : création d'un front en vue de libérer le pays par la lutte armée. Le 1erNovembre est un acte de transgression et de défi suprêmes à la face d'un système colonial d'airain. Rappelez-vous la première phrase : "A vous qui êtes appelés à nous juger", en s'adressant au peuple algérien et aux militants de la cause nationale. Mais comme je le répète la Proclamation du 1er Novembre, en dépit de son caractère dépouillé, est l'acte de naissance de la modernité algérienne. Quand au programme, tous les déclencheurs, Boudiaf compris, étaient unanimes pour dire : déclenchons d'abord, nous verrons après. Il y avait à l'évidence un manque de visibilité. Pour d'autres, le programme était simple : être prêt à tuer et à mourir ou, selon la belle formule de René Gallissot : prêts à tous les sacrifices et à tous les excès. Voila l'essentiel du programme : la violence révolutionnaire, cette violence "à boulets rouges" que Abane tentera vaille que vaille de soumettre à la régulation politique et que théorisera Fanon dans les Damnés de la terre. Même la réunion d'évaluation prévue pour janvier 1955 n'aura pas lieu. Il faudra attendre le 20 août 1956 et la Soummam pour l'élan de maturation politique et doctrinaire qui manquait au mouvement déclenché le 1er novembre 1954. Je voudrais rajouter un détail qui a son importance : la primauté de l'intérieur sur l'extérieur connue comme un credo soummamien avait été en fait décidée par le comité des 6 lors de sa dernière réunion préparatoire qui s'est tenue à la Pointe Pescade dans le domicile du regretté Mourad Boukechoura.
Ce principe était alors destiné à signifier aux délégués extérieurs (Ben Bella, Khider et Aït Ahmed) que la Révolution ne pouvait pas être dirigée de l'extérieur. Abane, en fait, ne fera que reprendre à son compte, à la Soummam, ce principe qui soulèvera plus tard moult polémiques.

Vous devancez encore ma question. Et la Soummam, rupture ou continuité du 1er Novembre ?
Continuité, bien sûr. Les questions doctrinaires (primautés du politique et de l'intérieur, le passage sous silence des principes islamiques, de l'identité arabo-islamique de l'Algérie...) soulevées par les adversaires de la Soummam sont en fait le cache-misère des ambitions politiques et des rivalités de personnes. Ce qu'on n'admet pas de la Soummam c'est la remise en cause de ce fameux « contrat moral », Ben Bella dixit, entre les 9 dirigeants déclencheurs. C'est l'élargissement de la base politique de la Révolution au-delà du cercle des activistes OSiens. Et cet élargissement était pourtant expressément formulé dans la Proclamation de Novembre. Et pourtant on le reprochera à Abane et à la Soummam.
On peut se poser la question : pourquoi Abane qui n'était pas novembriste s'imposera pourtant avec ascendant aux novembristes?
C'est l'éternelle question. Donc sempiternelle réponse : Abane en dépit de son enfermement -il était au cours de l'été 1954 à la prison de Maison Carrée- était partie prenante au 1er Novembre. Il était au courant de tout ce qui se préparait. Cette question est détaillée dans mon prochain livre. Je rappellerai juste deux faits.
Bitat m'avait raconté un jour que lors de la dernière réunion du comité des 6, Ben M'hidi avait suggéré de "différer de quelques semaines ou quelques mois le déclenchement de la Révolution pour attendre la libération d'Anselme (nom de clandestinité d'Abane)". Boudiaf avait refusé pour des raisons multiples et fondées en ajoutant qu'Abane prendra toute sa place dans le mouvement après sa libération. L'autre fait est que la ronéo avec laquelle a été tirée la Proclamation de Novembre est partie de chez nous. Elle appartenait à Abane qui donna instruction à Dahmane Abane, mon frère aîné, pour l'acheminer jusqu'à Takhoukht afin de la remettre aux militants d'Ighil Imoula où sera tirée le document historique du 1er Novembre. Ramdane avait d'ailleurs lâché de manière sibylline que "quelque chose de très important était en train de se préparer pour l'avenir de notre pays". C'est dire qu'il était dans le secret des dieux de Novembre.


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