Contacté par Liberté, Mourad Preure, spécialiste international en énergie et consultant sur les questions économiques, n'a pas caché son mécontentement sur ce qui passe au sud du pays. Si la situation n'est pas prise en charge rapidement par nos gouvernants, elle risque de menacer la stabilité du pays, de diviser l'Algérie, a-t-il souligné Avec ce mouvement antigaz de schiste, cette grogne qui risque de s'exacerber et de faire tache d'huile dans toutes les régions du sud du pays, se pose un sérieux problème de sécurité. "Le sud est assis sur un baril de poudre", a-t-il averti. D'autant plus que cette région n'est pas éloignée des frontières qui représentent une véritable menace sur la sécurité du pays, avec la situation au Mali et en Libye. Toute cette colère est le résultat d'une organisation administrative trop centralisée et d'un pouvoir central qui a pendant longtemps ignoré les difficultés socioéconomiques du sud du pays. "Le gaz de schiste n'est qu'un pretexte. Les simples citoyens d'In-Salah ne comprennent pas les enjeux économiques et géostratégiques du gaz de schiste. Ils sont surtout mécontents de l'attitude des gouvernants à Alger. Ils disent : Nous avons l'eau et le gaz. Ils nous les prennent sans pour autant profiter de la manne pétrolière, d'où leur colère". Un message des protestataires qui pose le problème de la répartition de la rente. En d'autres termes, cette protestation antigaz de schiste est l'effet de la situation de grande misère que vivent les populations du Grand-Sud du pays. Un véritable problème de développement local. Mourad Preure n'est pas également satisfait de la communication officielle en direction des habitants d'In-Salah. "Un haut responsable est venu à In-Salah, suite au mouvement de protestation. Il a rencontré les autorités locales, les notables. Mais n'a pas daigné se rapprocher de la population, des représentants de la société civile". En d'autres termes, il les a nargués, il les a vus de haut. Cette attitude ne fait que jeter de l'huile sur le feu. Il faut se rapprocher de la population, leur expliquer si on veut jouer à l'apaisement. Mourad Preure n'exclut pas une manipulation externe et interne derrière le mouvement antigaz de schiste. Ce qui exacerbe également la situation, c'est cette représentation du Nord par de nombreux jeunes du Sud. "Le gaz et la misère au Sud, la corruption au Nord", a résumé Mourad Preure. Une conséquence de la médiatisation des affaires Sonatrach, Khalifa, de l'autoroute Est-Ouest. "Nous voulons notre part du pétrole", disent-ils dans leur élan de protestation. Selon lui, il convient rapidement de prendre des actions en direction du développement économique de ces régions. Il préconise une régionalisation pour une plus grande autonomie des collectivités locales. Pourquoi pas créer une mégapole à Tamanrasset avec une grande université, des hôpitaux et des autoroutes Nord-Sud, comme mesures urgentes à mettre en œuvre sur le terrain pour mettre fin à ce mouvement de protestatation. Il nous citera le calvaire de ces habitants du Grand-Sud qui mettent 4 jours pour rallier Alger pour une hospitalisation ou un rendez-vous médical. Il préconise le brassage entre Algériens. "Il faut le mélange entre Algériens (dans le sens d'une mobilité : déplacements fréquents des citoyens de l'Ouest à l'Est, du Sud au Nord. Beaucoup d'habitants du Nord ne connaissent que leur quartier ou leur ville", a-t-il ajouté. À cela, il convient d'ajouter la multiplication de centres de formation techniques dans les métiers des hydrocarbures dans les zones proches des gisements de gaz et de pétrole pour favoriser le recrutement du personnel local et réduire ainsi le chômage des jeunes dans le Sud. Pourquoi pas une université des hydrocarbures à Ouargla, avait suggéré Nazim Zouiouèche. La responsabilité sociale de Sonatrach est également engagée. Elle devrait s'impliquer davantage financièrement pour mettre fin aux îlots de misère proches des gisements au Sud-Est et au Sud-Ouest. Quant aux dépenses énormes consenties par l'Etat pour financer les programmes de développement du Sud puisées des recettes fiscales pétrolières, on peut s'interroger sur leur efficacité. Si des progrès significatifs indéniables dans les domaines socioéconomiques ont été enregistrés, l'effort de l'Etat n'a pas empêché la grande misère dans le Grand-Sud. K. R.