L'avocat de Moumen Khelifa, Me Lezzar, a été le seul à protester, sans trop insister, contre la défection des trois anciens ministres, estimant que "ne pas exiger la présence des témoins n'est pas bon pour le déroulement du procès." Le magistrat, Antar Menouar, n'a finalement pas tenu sa promesse de ramener à la barre tous les témoins, quel que soit leur statut. Il s'est contenté de lire les PV d'audition de trois anciens ministres, en l'occurrence Mohamed Terbèche, Mourad Medelci et Karim Djoudi. Il faut s'attendre à ce qu'il recoure au même procédé pour le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Abdelmadjid Tebboune, le secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi-Saïd, et l'ex-ministre du Travail, Abou Djerra Soltani. Les auditions, en qualité de témoins, d'Ali Touati, vice-gouverneur de la Banque d'Algérie, et de Mohamed Raouraoua, président de la Fédération du football, sont annoncées, toutefois, pour le 2 juin. Le tribunal criminel près la cour de Blida n'a pas été à la hauteur de son engagement. Ce n'est guère une surprise, vu le déroulement du procès vidé de toute sa substance. Le représentant du ministère public, le magistrat en charge de l'audience, comme d'ailleurs les principaux accusés ont éludé tous les chapitres en lien avec l'implication des hauts responsables. Comme s'il y avait un contrat de silence entre les différentes parties. Le magistrat avait annoncé cette possibilité de procéder à la lecture des PV de certains témoins, déjà au début de la semaine dernière, sans provoquer une quelconque réaction de la part du collectif d'avocats constitué dans cette affaire. L'avocat de Moumen Khelifa, Me Lezzar, a été le seul à protester, sans trop insister, contre la défection des trois anciens ministres, estimant que "ne pas exiger la présence des témoins n'est pas bon pour le déroulement du procès." La défense de Moumen Khelifa, qui a particulièrement réclamé le passage à la barre de l'administrateur de Khalifa Bank et ex-ministre des Finances, Mohamed Djellab, tient absolument au témoignage du liquidateur de la banque, Moncef Badsi. Le juge, qui ne s'est pas encore prononcé sur le cas Badsi, a considéré que la lecture de certains PV d'audition est suffisante pour la cour, qui ne voit pas la nécessité d'exiger la présence physique de certains témoins. Vingt jours d'audience n'auront ainsi pas touché l'essentiel : les responsabilités au plus haut niveau de l'Etat. Certes, le juge est tenu par l'arrêt de renvoi qui a expurgé du dossier certaines responsabilités et en a enfoncé d'autres. Des sources relayées par des avocats s'attardent surtout sur le dossier de l'agence Khalifa Bank de Koléa, qui a tout simplement disparu au cours de l'instruction. C'est dans cette agence que Tayeb Belaïz aurait contracté des prêts auprès de cette banque. Mais le magistrat était tenu d'aller au bout de ses moyens et ramener, au moins pour le respect de la forme, tous les témoins. Mourad Medelci a été ministre des Finances en juin 2001. Il reconnaît dans son PV d'audition lu en audience qu'un rapport lui a été adressé par le vice-gouverneur de la Banque d'Algérie, Ali Touati, sur la gestion de Khalifa Bank. Un rapport qui, selon lui, contenait des constats d'infractions liées au contrôle des changes conformément à l'ordonnance 96-22, mais ne respectait pas la forme. En l'occurrence, le rapport n'était pas rédigé par des agents assermentés, sur la base de procès-verbaux. Il s'agissait de transferts de fonds opérés par Khalifa Bank au profit de Khalifa Airways dans le cadre de contrats de leasing qui se sont avérés par la suite non soumis à une autorisation préalable. À la question de savoir pourquoi il n'a pas donné suite à ce rapport, Medelci soutient devant le juge d'instruction que "lorsque le ministre des Finances a les procès-verbaux conformes à la loi, il peut donner des suites, soit à son niveau, soit au niveau de la justice. Le rapport lui-même faisait référence à la loi 96-22 dont les dispositions ne pouvaient être engagées ni dans la forme ni dans le fond". Mohamed Terbèche a remplacé Mourad Medelci en juin 2002 au poste de ministre des Finances. À ce titre, c'est lui qui a eu la charge de déposer une plainte contre Khalifa Bank pour violation de la loi relative au contrôle des changes, début 2003. Il affirme que la première fois qu'il a entendu parler du fameux rapport, c'était après son installation, lorsque le directeur de cabinet d'Ali Benflis, alors chef de gouvernement, l'a appelé pour lui demander quelles suites il avait donné à ce rapport. "Je me suis renseigné et j'ai appris qu'il s'agissait d'un document transmis par le vice-gouverneur le 18 décembre 2001. Ne l'ayant pas trouvé dans le bureau, ni au secrétariat, j'ai appelé le gouverneur de la Banque d'Algérie, Laksaci, qui était au courant. Ce dernier détenait une copie qui m'a été envoyée." Le témoin soutient dans son PV d'audition avoir tout de suite installé une commission pour réfléchir sur les suites à donner à ce document. Cette commission était composée de représentants du Trésor public, de l'Inspection générale des finances, d'un agent judiciaire du Trésor public et dirigée par le secrétaire général du ministère des Finances. Après trois jours, cette équipe a rendu ses conclusions. C'était le 11 décembre 2002, soit une année après l'envoi du rapport en question à Mourad Medelci. Quant au procès-verbal d'audition de Karim Djoudi en sa qualité de directeur général du Trésor auprès du ministère des Finances, il n'apporte pas un grand éclairage dans cette affaire. Il déclare que c'est Terbèche en tant que ministre des Finances qui l'a informé des opérations de transferts par Khalifa Bank au profit de Khalifa Airways en novembre 2002. De même, il affirme ne pas avoir été informé des infractions de Khalifa Bank, ni des rapports d'inspection de la Banque d'Algérie, encore moins des retraits massifs du Trésor public. L'expert Bachir Bouidjira n'a, également, pas fait le déplacement jeudi au tribunal de Blida. Pourtant sa présence a été frontalement exigée par la défense de Khelifa. Son PV sera lu en audience. Désigné par le juge d'instruction pour lui dresser un constat de la situation de Khalifa Bank, il considère que cette banque avait une bonne gestion entre 1998 et 1999. Ses déboires ont commencé avec la création de ses filiales comme la compagnie aérienne Khalifa Airways. Cet expert impute une grande responsabilité de la faillite du groupe à la Banque d'Algérie qui avait réagi, selon lui, en retard face aux irrégularités constatées dans la gestion. N. H.