Le domicile familial et le cimetière du village de Tizit, dans la commune d'Illiltène, dans la wilaya de Tizi Ouzou, avaient bien du mal, hier, à contenir toute cette grande foule venue des quatre coins du pays pour rendre un dernier hommage au célèbre chanteur Taleb Rabah, décédé mardi matin à Tizi Ouzou. Pour rendre un vibrant hommage à celui qu'on appelait respectueusement "Da Rabah", des représentants de villages de toute la commune d'Illiltène se sont mobilisés, à côté des jeunes du village de Tizit, pour canaliser toute cette marée humaine et assurer un bon déroulement des funérailles marquées par la présence des autorités officielles dont le ministre de la Culture Azzedine Mihoubi, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Ould Ali El-Hadi, le wali de Tizi Ouzou Brahim Merrad et de nombreux élus locaux. De nombreux artistes et amis du défunt tels que Lounis Aït-Menguellet, Amour Abdenour, Yasmina, Kaci Abderahmane, Zayen, Rabah Ouferhat, Kaci Boussad, Ouiza et autres Assam Mouloud ont tenu également à rendre un dernier et vibrant hommage à celui qu'ils considéraient comme un exemple et un aîné En cette douloureuse circonstance, Azzedine Mihoubi était chargé de "transmettre" les condoléances du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et du Premier ministre, Abdelmalek Sellal tout en rappelant le parcours élogieux du défunt artiste "qui a passé plus de 65 ans de sa vie à chanter pour le pays, pour l'identité et l'exil. Un homme qui a vécu grandement et qui est décédé avec les honneurs. Avant d'être chanteur, ‘Da Rabah' était un militant actif de la Fédération de France du FLN à Paris où il a beaucoup donné à la Révolution algérienne". "C'était un militant politique, mais aussi un militant par son art avec lequel il a servi cette cause. Nous sommes là pour transmettre nos condoléances à sa famille mais aussi à toute sa famille artistique. Il nous a quittés mais il a laissé derrière lui un riche patrimoine dont nous sommes fiers", dira encore Azzedine Mihoubi avant d'évoquer sa dernière rencontre avec Taleb Rabah, l'été dernier, et d'afficher son souhait de baptiser un édifice public au nom de cet illustre chanteur. De son côté, Lounis Aït-Menguellet a apporté un témoignage particulier sur Taleb Rabah un homme qu'il toujours "admiré". "Aujourd'hui nous avons perdu un des piliers de notre chanson, de la culture algérienne en général et de la chanson kabyle en particulier. C'est vrai qu'il va laisser un vide, mais en même temps, il a laissé une œuvre immense et grâce à cette œuvre il continuera à vivre en nous ce qui est une consolation pour nous. Quelqu'un qui a laissé une œuvre aussi importante n'est jamais mort. On peut mourir physiquement mais spirituellement il sera toujours avec nous." Pour Lounis Aït Menguellet, "aujourd'hui c'est une autre naissance de Da Rabah, une naissance à la spiritualité. La chanson de Da Rabah m'a beaucoup apporté. Tout jeune, je l'admirais déjà, donc je peux dire que c'est quelqu'un qui a donné envie de chanter à tous les chanteurs de ma génération. C'était un modèle. Nous faisions peut-être autre chose, mais nous admirions ses œuvres, sa voix et sa musique. Il reste l'un des plus grands modèles que ma génération a connu". Pour de nombreux fans rencontrés hier sur place, Da Rabah restera toujours cet artiste aux sonorités émouvantes qui rappellent "l'écho de la montagne" lui qui a su, par la musique, dessiner les beaux paysages de sa terre natale. La foule, qui a investi cette paisible commune d'Illilten perchée sur les hauteurs du Djurdjura, a tenu à accompagner en masse le défunt jusqu'à sa dernière demeure où il repose désormais au cœur même de ce majestueux Djurdjura qu'il avait toujours chanté et adoré au plus profond de lui-même. Il est parti, en laissant derrière lui une œuvre colossale qui témoigne de son parcours élogieux durant et après la guerre de Libération nationale. Ils ont dit Amour Abdenour "Da Rabah est un pilier de la chanson kabyle. Il m'a éduqué, par sa chanson, depuis l'âge de 8 ans. J'ai chanté ses chansons jusqu'à l'âge adulte. Ces textes m'évoquent toujours une partie de ma vie. Je viens de perdre mon père il y a tout juste un mois, et je peux dire qu'aujourd'hui je pers mon deuxième père. C'est une personne qui a beaucoup donné pour la chanson kabyle. Taleb Rabah se distingue par sa voix chaude qui jaillit de la montagne. En l'écoutant, on entend la voix d'un montagnard par sa façon de chanter et par sa manière de traiter les choses de la vie. Il faut être d'ici, de ces montagnes pour le comprendre." Louiza "Nous sommes ici, chez Da Rabah, pour lui rendre un dernier hommage. Sa voix restera éternelle. Il nous a laissé beaucoup de choses à l'image de Slimane Azem, de Lounès Matoub...C'est un pilier de la chanson kabyle. Nous espérons que les générations futures iront dans le chemin emprunté par ces hommes." Rabah Ouferhat "Taleb Rabah est un pilier de la chanson qui a fait du grand art sur le plan texte et musical. Sa voix fait sa particularité. Il est de ceux qui ont tracé la route à de nombreux artistes dont moi-même. Il a des chansons qui éduquent. Je citerai à titre d'exemple sa chanson Srunt walniw (mes yeux pleurent), à travers laquelle il résume l'histoire de l'Algérie de 54 à 62. Il a aussi cette voix de montagnard. Une vraie voix kabyle et c'est ce qui fait sa particularité. C'est un chanteur digne d'un chanteur algérien. Il aime son pays et il est habité par l'Algérie."
Zayen "Da Rabah est un pilier de la chanson. Je tiens juste à rappeler qu'il a chanté l'Algérie et il a, lui-même, conseillé la jeunesse à protéger cette Algérie à laquelle il tenait tant. Il a aussi laissé un trésor. Il a une musique qui n'est pas trop chargée. Il a su, avec peu de moyen, créer des œuvres complètes avec un bon son et un bon arrangement. Il a toujours travaillé avec son cœur. C'est le talent et l'amour du métier qui ont fait qu'il est allé chercher le détail pour créer un chef-œuvre."