Le retour à la confiance est l'une des conditions essentielles à la réussite de l'opération de récupération de l'argent parallèle. L'Algérie vit actuellement un manque chronique de ressources financières pour faire face aux dépenses publiques. En vue de renflouer les caisses de l'Etat, le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, a, en ce sens, déclaré, à l'occasion de la présentation du plan d'action au Sénat, que son gouvernement compte drainer tout l'argent de l'informel pour éviter l'endettement extérieur. Un chantier très difficile. Son prédécesseur a tenté de traquer l'argent de l'informel par le biais de l'opération de conformité fiscale et le lancement d'un emprunt obligataire. Mais il a échoué. Les résultats de ces deux opérations se sont avérées très modeste en tout cas très loin de drainer cette manne estimée à 40 milliards de dollars. Plusieurs facteurs ont empêché que cette mobilisation de ressources du marché parallèle soit couronnée de succès : le manque de confiance à l'égard des autorités chargées de ces opérations, des modalités guères attractives pour les détenteurs de chkaras et en partie la non-prise en considération du critère religieux. Une solution radicale : le changement de billets de banque Aujourd'hui, plusieurs spécialistes penchent pour une solution radicale : un changement de billets opéré par la Banque d'Algérie. Cette opération va contraindre les détenteurs de monnaie circulant hors des circuits bancaires à les déposer auprès de la Banque centrale. Ce remède a été utilisé par l'Inde récemment. Mais il faut un courage politique pour procéder à la mise en œuvre de cette opération. Car, il convient de faire fi des liens d'intérêt entre les tenants de l'informel et des cercles au pouvoir, voire de conflits d'intérêts. Il s'agit d'une véritable lutte en faveur de la transparence et contre les circuits occultes qui gagnent beaucoup d'argent en dehors des circuits officiels. La décision devrait intervenir dans le secret le plus total afin d'empêcher le délit d'initié. Cette bataille contre les circuits occultes passe aussi par la bataille contre les surfacturations qui provoquent une véritable hémorragie dans les finances de l'Etat. Les cas nombreux de conteneurs vides ou remplis de cailloux sans identification de l'importateur, un moyen pour transférer illégalement de la devise vers des comptes offshore ou les séries de surévaluation de contrats, sans contrôle des prix des biens ou des services à l'international, ont causé un préjudice énorme à l'économie nationale. La question est de savoir s'il existe aujourd'hui une volonté d'en découdre avec ces détenteurs d'argent sale d'autant qu'on est là, nous semble t-il, à la frontière des limites tracées par les décideurs aux hauts fonctionnaires qu'ils nomment et dégomment au gré de leurs intérêts conjoncturels. En fait, l'objectif dans l'opération de récupération de l'argent parallèle n'est pas de criminaliser des transactions antérieures de ces détenteurs de monnaies, mais de les pousser à déposer leur argent dans l'optique d'une légalisation des activités informelles. L'arme de l'économie numérique ignorée Autre arme aux mains du gouvernement : l'économie numérique. Si toutes les transactions ne s'effectuent que par cartes de paiement et de retrait, l'argent de l'informel se trouvera contraint de trouver refuge dans les banques. Mais l'Algérie connaît un énorme retard dans ce domaine. En particulier, le texte réglementaire encadrant le e-commerce électronique, qui devait être approuvé par le gouvernement fin 2016, traîne dans les tiroirs du secrétariat général de l'Exécutif depuis plus de six mois. Il n'est pas programmé d'ailleurs jusqu'à présent pour la session d'automne du Parlement. Que de temps perdu, que de manque à gagner pour l'économie nationale ! Par ailleurs, la nouveauté dans le dossier est l'intention du gouvernement de recourir à la finance islamique. En effet, l'une des raisons de la circulation de l'argent hors des circuits bancaires ou de sa thésaurisation est le non-recours au système bancaire et financier pour des motifs religieux : en clair, le refus de l'intérêt assimilé à de l'usure prohibée par la religion. Pour drainer cette manne, des produits bancaires à taux zéro ou islamiques, tels que mourabaha ou sukuks (emprunt obligataire mode finance islamique) sont prévus par le gouvernement Tebboune. Mais l'écueil qui risque de se dresser reste le déficit de confiance. Si nos gouvernants ne recouvrent pas leur capital crédibilité par des actions symboliques, porteuses, il est vain de s'attendre à récupérer l'argent de l'informel. K. Remouche