Jean-Paul Chagnollaud, président de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO), pense qu'il faut "montrer qu'au-delà des images violentes, contrastées qu'on a de l'Orient, il y a plein de segments de ces sociétés qui sont dans d'autres logiques et qui, malgré les tragédies et les souffrances, veulent inventer des choses, particulièrement dans le monde de la culture". Evénement littéraire incontournable dans le paysage culturel français, le Maghreb des livres va vivre cette année sa 24e édition qui risque de se transformer en tournant décisif pour cette manifestation née en 1994 à l'initiative du romancier algérien Rachid Mimouni et à laquelle le président de l'association Coup de Soleil, George Morin, avait donné vie. La grande rencontre littéraire, qui se tenait à l'origine dans les locaux du Centre international du livre et depuis 2001 à l'hôtel de ville de Paris, devient cette année Maghreb-Orient des Livres (Model) en élargissant son champ géographique au Moyen-Orient. L'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO) entre en scène et se charge de la programmation des auteurs – une trentaine – issus du Moyen-Orient ou qui écrivent sur cette région – qui participent au Model. Dans une déclaration, le président de l'iReMMO, Jean-Paul Chagnollaud, pense qu'il faut "montrer qu'au-delà des images violentes, contrastées qu'on a de l'Orient, il y a plein de segments de ces sociétés qui sont dans d'autres logiques et qui, malgré les tragédies et les souffrances, veulent inventer des choses, particulièrement dans le monde de la culture". L'ancien doyen de la faculté de droit de Cergy-Pontoise ajoute : "Il est très important de faire venir à ce salon des auteurs de romans, essais et de livres divers qui parlent de leur vie quotidienne, de leur région, mais autrement. Le fait qu'ils viennent de pays très différents permet de montrer la richesse et les contrastes de ces sociétés civiles, de ces hommes et de ces femmes de culture qu'on entend si peu parce que masqués par les images de violence qui nous parviennent de leurs pays". L'iReMMO qui, comme son nom l'indique, s'occupe aussi d'études méditerranéennes aurait-il vocation naturelle à réaliser ce rapprochement de littératures d'apparences assez nuancées ? En professeur des universités, M. Chagnollaud affirme que son institution, "destinée à transmettre des connaissances, et pour avoir de l'utilité sociale, voulait aller hors les murs en contactant l'association Coup de Soleil pour lui proposer un partenariat avec le Maghreb des livres, événement littéraire bien établi. Son président, George Morin, a accepté avec un certain enthousiasme. Lui s'est toujours occupé avec brio du Maghreb et nous de l'Orient et donc on a transformé cette manifestation de Maghreb des livres en Maghreb-Orient des livres. C'est un défi pour l'iReMMO, mais le Maghreb des livres a déjà une grande expérience". George Morin n'a d'ailleurs pas manqué de préciser que ce Model 2018 est organisé sur l'architecture traditionnelle du Maghreb du livre, soit un pôle de présentation des auteurs et de leurs livres (ventes-dédicaces) et un volet relatif aux rencontres (conférences, cafés littéraires, tables rondes, débats...). Les déclarations respectives du directeur de l'iReMMO et du président de Coup de Soleil révèlent deux responsables soucieux de réussir chacun la part qui lui revient de l'organisation de cette manifestation littéraire. Ainsi, l'observateur reste sur sa faim quant aux véritables raisons qui ont motivé l'élargissement du Maghreb des livres aux auteurs du Moyen-Orient et même du Levant. La valeur intrinsèque de ces derniers étant hors de cause, l'on peut cependant se demander s'il existe de réelles similitudes entre les sociétés décrites par ces auteurs et celles où évoluent les écrivains maghrébins. La mutation du Maghreb des livres traduit-elle le simple vœu d'élargir ses horizons littéraires ou obéit-elle à d'autres considérations que l'avenir de cette manifestation révèlera un jour ? Au demeurant, l'événement, très condensé, sera, selon George Morin, une "véritable ruche". Quelle sera la saveur du miel ? A. B.
