L'aouchem (tatouage) n'est que l'écho de l'élocution de nos aïeux qui éclot dès que l'on brosse le haïk en laine de grand-mère ou à l'instant où l'on déplie sa fouta (étoffe). L'aouchem, c'est aussi l'instant où le regard effleure essendouq lâaroussa pour tenter de feuilleter les signes qui enjolivent la malle de la mariée. Donc, il suffit de soulever le couvercle d'essendouq pour que gicle une gerbe d'indices témoins qui relate le haïk m'rama de douce maman et sa m'harmat leftoul. Certes, qu'il est d'usage de passer à côté d'une gerbe d'empreintes que l'on ne remarque pas, à moins d'y aller de ce pas à la galerie d'art Mustapha-Kateb pour s'initier à l'aouchem qui est aussi le langage du métier à tisser. Est-ce à dire que l'aouchem est l'art de la calligraphie au féminin ? Apparemment oui ! Et s'il en est une preuve ! Celle-ci s'esquisse dans Le défi des tisseuses de l'artiste-peintre Nadia Yahiaoui Khelifi qui tatoue le signe à la magie de l'akardache, ce battoir ou peigne à tapisserie de nos aïeules. Héritière d'un savoir-faire légendaire, qui mieux qu'une femme pour prendre soin d'un legs qu'elle cisèle sur le totem de nos traditions ? Autant dire qu'elle s'est inoculé l'ardeur de l'art à l'aide des crayons de couleurs et de son cahier de dessin à l'école, où elle faisait bien des envieuses parmi ses camarades de classe. Et c'est l'esprit apaisé de la thérapie de l'art qu'elle opère des allées et venues sur la passerelle de la passion, où elle a trouvé au bout du pont, l'équilibre à l'élan de sa flamme pour le beau. De l'influence ? Elle en a ! D'abord, dans l'abstrait, puis dans le mouvement de nature morte : "Bien qu'il soit un espace de liberté où l'artiste-peintre récupère l'autonomie de ses mouvements, l'abstrait est aussi un lieu de «méditation», où le créateur se doit d'octroyer à l'image, l'âme et le relief qui insuffle de la vie à son œuvre", a déclaré Nadia Yahiaoui Khelifi. Et depuis, la symbolique de l'aouchem est ubiquiste, du fait qu'il s'offre à tout bout de toile et fait de la galerie Mustapha-Kateb, une ruche où l'on a d'yeux que pour les artisanes de tapis et de hiyek (voile ou tapis). Autant de signes qui prouvent si besoin est, l'envie d'autarcie, voire de la liberté de créer si propre à l'Algérienne pour la sauvegarde d'un patrimoine matériel. Donc, autant y aller pour évaluer le talent de l'artiste-peintre Nadia Yahiaoui Khelifi qui égale la précision de l'orfèvrerie. Il est aussi vrai que la visite en vaut le détour, puisqu'elle s'est faite gardienne, sinon une dépositaire d'un bouquet de nos signes, notamment Le point de croix de la tricoteuse qu'elle a puisé dans la source des Berbères et des CXhaouis et qu'elle exhibe jusqu'à la fin de ce mois d'avril. Louhal Nourreddine