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Rendez-vous avec la mort
Témoignages sur la tragédie des jeunes harragas de Raïs Hamidou
Publié dans Liberté le 24 - 11 - 2018

Trois rescapés, deux corps identifiés, un jeune dans le coma et sept disparus en mer. La tragédie de Raïs Hamidou n'a pas dissuadé les candidats au départ. Ce jeudi 22 novembre, une barque a mis le cap sur les côtes italiennes.
"Des photos nous ont été envoyées de la morgue mercredi. Nous les avons identifiés formellement", rapporte le jeune frère de Ghiles, 26 ans. Le jeune homme s'est noyé alors qu'il tentait de rejoindre l'île de Sardaigne en Italie à la nage, par des conditions météorologiques défavorables. Jeudi au petit matin, la nouvelle d'Abdelhadi Khabet, dit Dadi, 34 ans, tombe, à son tour, comme une sentence. Lui aussi n'a pas survécu à la traversée de la Méditerranée dans une barque de fortune, n'ayant pas résisté au poids de 13 garçons, presque tous originaires de Raïs Hamidou (ex-Pointe Pescade), une coquette commune de la proche banlieue ouest de la capitale. Son corps, autant que celui de Ghiles, son ami intime et voisin, se trouvent à la morgue d'un hôpital militaire à Caliagari. Le rapatriement des dépouilles mortelles est programmé pour ce dimanche sur financement des autorités locales, nous dit-on. Un apaisement pour Faïza Kessanti, la mère de Dadi. "Je veux qu'on me ramène le corps de Dadi. Je veux lui donner une sépulture, une tombe", ne cessait-elle d'implorer, entourée de proches et de voisines, à la veillée funèbre de son fils unique. "Je priais Dieu depuis des jours pour que le corps de mon fils soit retrouvé. Au fond de moi, je n'avais pas d'espoir. Je savais qu'il était mort", poursuit-elle. Samedi 17 novembre. Les familles et les amis des jeunes harragas ont été informés que l'embarcation, qui a pris la mer jeudi à 1 heure précise, a échoué en mer à quelques kilomètres du rivage. L'un des trois rescapés a envoyé des messages d'alerte : deux corps ont été retrouvés, un jeune est dans le coma et sept autres sont toujours portés disparus. À ce moment-là, l'identité des uns et des autres n'était pas encore connue. La veille, Ghiles a envoyé un SOS sur Messenger : "Lyas Ghiles li rah haraga. Esma3, rana haslin fi djazira qriba el Sardinia wta ka. Contact la marine." Puis le silence, le black-out. Les proches ont essayé inlassablement de les joindre par téléphone. Ils leur ont envoyé des crédits. Les portables restaient silencieux jusqu'au premier appel d'Ayoub, l'un des survivants, le lendemain. Inlassablement, il parle depuis aux familles au téléphone. Il leur raconte le drame. Ils avaient embarqué sur une chaloupe, qui n'était pas vraiment de la première jeunesse. Elle a craqué sous le poids des 13 passagers, à quelques encablures de l'île de Sardaigne. De forte corpulence, Dadi plongea le premier. Il gageait sur le maintien de l'équilibre de l'embarcation, une fois délestée de son poids. "Je suis un bon nageur. Ne me suivez pas", aurait-il recommandé. Trois camarades de voyage, épuisés, préférèrent rester à bord. Neuf jeunes harragas sautèrent aussi dans l'eau. Ils s'échinèrent à évacuer l'eau submergeant la barque. Peu à peu, cette dernière recommença à tanguer doucement sur les vagues. Dadi, Ghiles et les autres prirent la décision de rejoindre l'île, dont les contours leur apparaissaient faiblement, à la nage. Ils n'y parviendront malheureusement pas, vaincus par une eau glaciale et la force du vent. La mer a rejeté deux corps. Le sort de sept garçons demeure inconnu, plus d'une semaine après la tragédie. Pourtant, les familles y croient encore. "Ils sont peut-être encore vivants. Qui sait, ils ont pu être secourus et se cachent pour ne pas être expulsés par les autorités italiennes", nous dit-on.
"Si je n'y arrive pas, pardonne-moi maman"
Vendredi, les fidèles ont accompli la prière de l'absent à la mosquée de Raïs Hamidou, priant pour les disparus. La mobilisation des jeunes du quartier ne fléchit pas. Ils se regroupent régulièrement devant le kiosque de la commune, vont de maison en maison, s'enquérant de l'état et des besoins des parents, partagent la moindre information qui leur parvient. "Ils étaient tous des fils de bonne famille, les chouchous des maisons. Ils ne manquaient pas d'affection", raconte une riveraine. Pourquoi donc cette insistance à quitter le pays et à aller vivre en Europe ? "Dadi voyageait souvent. Il partait, il revenait. Ça lui permettait de changer d'air. Ces dernières années, ses demandes de visa sont systématiquement refusées. À la mort de ses grands-parents qui l'ont élevé, il a décidé de partir. Il voulait une amélioration de sa vie. Il m'a dit : ‘Maman, je veux te donner quelque chose'", relate Faïza Kessanti, volubile, fébrile comme si elle exorcisait ainsi ses démons. "La dernière fois qu'il est sorti de la maison, il m'a dit : ‘Maman, prie pour moi. Si je passe, tu entendras ma voix vendredi. Si je n'y arrive pas, pardonne-moi.' Dadi a tenté déjà deux fois de prendre le départ à partir d'Annaba. Il n'a pas pu." "Je pensais qu'il reviendrait encore cette fois-ci", souffle sa mère. Les parents, visiblement avisés des projets de leurs garçons, ont tout tenté pour les raisonner. "Pour Dadi, c'était une obsession. Impossible de l'inciter à abandonner", dit Mme Kessanti, implacable. "Depuis le mois de Ramadhan, l'envie de la harga a gagné les jeunes habitants dans l'axe Raïs Hamidou - Miramar - Belvedère à Baïnem. Chaque semaine, un groupe part à l'aventure. Ils sont tous arrivés à destination, sauf ce dernier", rapporte une dame à la veillée de Dadi. Une autre corrobore le phénomène. "Aujourd'hui (jeudi
22 novembre, ndlr), des garçons ont pris la mer. Un autre groupe partira la semaine prochaine. La perspective de la mort ne les arrêtera pas", ajoute-t-elle. L'histoire d'un trentenaire, qui devait accompagner Dadi, Ghiles et les autres dans la traversée de jeudi dernier, est édifiante. À la dernière minute, il a reporté son départ, afin de pouvoir passer la fête du Mawlid Ennabaoui avec sa famille. L'annonce de la noyade de ses compagnons ne l'a guère refroidi. Il répète encore qu'il ira en Europe, quoi qu'il lui en coûte.
Souhila Hammadi


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