Spontanément, des jeunes ont rapidement investi la rue pour dénoncer la candidature de Bouteflika et réclamer le départ du système. La manifestation a superbement brisé la nuit de la citadelle d'Alger. Il est 21 heures passées. Alger est calme. Un air de torpeur. Quelques grappes de personnes regroupées au pied des immeubles déroulent le film de cette journée exceptionnelle. Puis soudain éclate la rumeur. Alger bouge. L'épicentre est à Bab El-Oued. Les casseroles résonnent. Quelques coups de fil confirment l'information. Instantanément, Alger-Centre se métamorphose. Se réveille. les jeunes redescendent, reprennent la rue et les slogans contre le 5e mandat et le système entonnés la journée par les étudiants. La foule grossit rapidement. Toutes les rues et ruelles déversent des groupes de jeunes vers la place Audin et Didouche-Mourad. Les "Pas de 5e mandat", "Bouteflika, Ouyahia, houkouma irhabiya", "Dégage" portés par la centaine de voix déchirent le ciel et le silence d'Alger. Mais au moment où les manifestants décident de remonter la rue Didouche, débarquent deux paquets d'éléments des forces antiémeutes comme rappelés pour faire des heures supplémentaires. Ils constituent deux corridors qui coupent la rue Didouche désormais interdite à la circulation automobile. Rien ne passe. Mais c'est sans compter sur la détermination et le génie de ces jeunes manifestants. Les deux rideaux de policiers sont vite contournés par les jeunes qui ont emprunté le boulevard Mohammed-V et la rue Réda-Houhou pour déboucher par les petites ruelles sur Didouche-Mourad, devant les policiers. Les policiers ont été surpris de voir les jeunes les devancer et commencer leur marche toujours en scandant les mêmes slogans. Aussi, ils étaient moins violents et agressifs que lors de la matinée quand ils ont chargé les étudiants. S'en est alors suivie une course poursuite. Les policiers étaient dépassés par ces jeunes, courant dans tous les sens, leurs slogans fusant de toutes parts. Pour ce soir, Alger a définitivement perdu son sommeil. Les scènes se sont poursuivies jusque tard dans la nuit. Plus à l'Est, Bab Ezzouar fait écho à Alger et Bab El-Oued. Il est presque minuit quand les jeunes sont sortis dans un geste de revanche puisque dans la journée, toute la zone était bouclée par les services de sécurité qui empêchaient les étudiants de rejoindre leurs camarades à Alger. Ont-ils ainsi surpris tout le monde. Les slogans ont brisé le silence de la nuit. Après s'être rassemblés, ils ont entamé une marche rythmée par les slogans hostiles aux tenants du pouvoir et à tout le système. L'on se demandait d'où était sortie cette vague déferlant dans les rues, tard dans la nuit. Les policiers réveillés pour "gérer" la manifestation, ont eu du mal à disperser la foule. Cela d'autant qu'ils ne sont pas habitués à intervenir de nuit. Ils ne pouvaient de toute manière rien faire devant un tel déchaînement. La manifestation durera bien au-delà de minuit gagnant les autres quartiers de cette ville coupée par l'autoroute. Alger aura vécu avant-hier, sa journée la plus longue qui s'est prolongée, par la volonté et la mobilisation des jeunes, presque jusqu'au petit matin. Des répliques ont été observées dans les autres wilayas dont les habitants sont sortis dans la rue avec cette détermination commune à perturber le sommeil du système. B. djilali