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Une baignoire XXL
Sur la baie d'Oran
Publié dans Liberté le 14 - 08 - 2005

Il est 14 heures, et la plage est pleine comme un œuf. C'est l'étuve. On se demande s'il y aura assez d'eau pour tout le monde. Reportage, entre faune et flore, dans cette immense baignoire que devient, chaque année, la Corniche oranaise.
La berline noire qui quitte les Corales en direction des Andalouses chaloupe dangereusement sur l'asphalte désert et le clair-obscur du matin. Vomi par les derniers spasmes de la nuit, et sans doute shooté par l'ultime psychotrope d'une longue beuverie à la belle étoile, le pilote tient difficilement le cap. Son engin danse carrément le tango sur la chaussée. Dans ce petit jour clandestin qui se lève, le joyeux fêtard, caché par des vitres teintées a des allures de conspirateur en quête de conjuration…
Au bout de quelques minutes de rodéo sur sa mustang métallique, l'homme et son bolide disparaîtront comme des ombres fugitives dans l'immense halo naissant qui éblouit déjà la plaine. Au même moment, deux autocars bourrés de voyageurs et de cabas déboulent lentement du complexe, sans bruit, tels des cambrioleurs, presque sur la pointe des pneus… Destination Ghardaïa, case retour. La pureté au masculin… là au moins où les vagues sont faites de chaleur et la mer de dunes, là où le sable est immaculé et où l'on ne risque pas d'enfoncer ses mules entre une canette de bière et les restes d'un préservatif.
À peine réveillés, les premiers estivants qui arrivent au complexe courent en titubant vers les quelques parasols encore libres. Le village aux premières lueurs de l'aube a la gueule de bois. Il ressemble à ces fins de banquets après la nouba.
Tout est sens dessus-dessous. Des sachets traînent un peu partout, au gré du vent, comme les chiens errants de la ferme voisine, comme le linge étendu ici et là sur les balcons de l'hôtel Sun-Beach.
Des poubelles qui furent jadis des tonneaux croulent sous les ordures au beau milieu de la berge. La crasse suinte de partout, ça pue. Quelques bouteilles en plastique roulent sur le sable, mais sont vite happées par les flots d'une mer pourtant d'huile. Un chantier cette plage, une porcherie. Même à l'heure du laitier, le sablier ici fait la grasse matinée, jusque et y compris dans la ferme Gomez (firmète Goumiz).
C'est, en effet, sur le site de cet ancien ranch apparemment toujours en activité que s'est greffée aujourd'hui, aux portes même du village de vacances, une série de baraques foraines qui font du complexe une gigantesque braderie. Même les nomades qui vendent leur thé sur le rivage ont planté leur tente sur le trottoir de la promenade centrale.
Cette année, la mode est aux produits algérois “mhajeb”, miel du mont Chenouna garanti pur 100%, K7 de Hadj Guerrouabi…
Les amplis à fond
Il est 10h et le soleil est au zénith. C'est le moment des brèves, maestro ! Que la fête commence ! Les plagistes donnent alors le la. D'abord timidement, puis à fond la caisse. Les amplis hurlent d'un bout à l'autre de la côte. Même Chaou est remis au goût du jour. Deriassa est dépoussiéré et les Zouk Machine font littéralement exploser la bastringue.
Derrière la murette blanche qui sépare le complexe de la plage, c'est la marée des cars et des familles qui débarquent. De plus en plus nombreuses. Les unes traînent leurs mioches, les autres éprouvent toutes les difficultés du monde à faire arriver à bon port, eau, bâche, torchons, couvée…
Pareils à des moineaux qui s'échappent de leur volière, les petits colons de Saïda piquent du nez dans l'eau en piaillant, dans une course pagailleuse sans même attendre le coup de sifflet réglementaire de leurs chaperons. Au diable la discipline et les cordes de ring tendues par les moniteurs, vive la jolie colo, et à bas les râleurs !
Le soleil est sans pitié en bord de l'eau. C'est la mi-journée et on a l'impression que la plage surchauffe et que le sable cuit dans cette fournaise. Il n'y a pas un centimètre carré de libre. Les estivants se baignent presque au coude-à-coude. Pour échapper à la canicule et à la moiteur des domiciles. Une véritable marée humaine s'est étalée tout le long de la côte, de Tioinville à Madagh sur plus de 20 km à la recherche de la moindre petite brise de fraîcheur. À tel point qu'il a fallu des trésors de patience à un plagiste pour installer 16 personnes de la même famille autour de la même table et sous le même parasol ! Une prouesse qu'il n'est pas près à rééditer de si tôt. Et c'est vrai que les nouveaux arrivants méritaient amplement et affectueusement le surnom qu'un couple, visiblement dérangé leur avait collé aux basques “famille de mille pattes”. Ils étaient tous là en effet pour la “ouâda” nautique. La mama, les gendres, les brus, le pépé, les cadets, les juniors, le dernier-né et quelques rejetons en deuxième degré de la belle-famille. Autant dire, la dechra au grand complet.
Et bien sûr, pour immortaliser à jamais cette journée du souvenir, l'émigré de service exhumera du fond d'un sac d'alpiniste un appareil photo numérique et se mettra en devoir de fixer pour la postérité toutes les grimaces de la tribu. Les discussions s'animent. Les petits chahutent. Les rires fusent au-dessus des têtes comme des feux d'artifice. Le train du bonheur est lancé, bien lancé. Arrive alors l'heure du repas. Les glacières sont vidées. Les bouteilles de “gazouze” décapsulées.
Les crèmes glacées suivent, les abeilles aussi beaucoup d'abeilles. On tente de les chasser avec ce que l'on peut, à la main, à coups de torchon ou de serviette, mais sans grand résultat. Elles reviennent plus opiniâtres que jamais, tourner autour des verres et des bouteilles. Et puis c'est la cata ! Le nourrisson est piqué à la paupière. Il râle et se débat de toutes ses forces. C'est la panique. La confusion est générale. Blême et tremblante, la maman désangle le bébé de sa poussette et le prend dans ses bras pour le consoler. Le pépé imbibé à l'eau de mer un mouchoir et le passe sur la figure de l'enfant.
L'enfant est rouge comme une tomate et son œil enfle. Puis soudain se calme. Chacun reprend ses esprits et c'est encore l'émigré qui ose une percée dans cette chape de silence que s'est imposée la tribu. Il propose à tous les mômes une virée en pédalo. Il en faudra d'ailleurs deux pour trimballer tout ce joli monde…
Les deux appareils quittent la baie lourdement harnachés par des adultes aux commandes et un essaim de garnements accrochés à toutes les aspérités des parois. Et fouette cocher ! Pieds nus sur le sable meule et friand du rivage, le pantalon relevé jusqu'aux genoux et une main sur le front pour se protéger du soleil, le pépé scrute l'horizon pour voir progresser sa progéniture. Avec un bandeau noir sur le front et un œil masqué au cuir, le sémillant octogénaire aurait fait un admirable boucanier dans cette baie. Les deux embarcations s'éloignent tellement qu'elles ont maintenant la taille de deux pois chiches. L'émigré et ses matelots doivent souquer ferme à bord.
Un peu moins certainement que les jobards en bermuda qui louent les services de “Ami Saïd”.
Bestiaire de plage
Avec la barque à moteur de “Ami Saïd”, vous êtes assurés de respirer et même de croquer le bon fond du large à la sauce marina, d'avoir une vue panoramique sur les milliers de farfelus et de rastaquouères qui vous pompent l'oxygène depuis leur arrivée et de fendre enfin les grosses et mielleuses lames de fond comme au cinéma. La poussée d'adrénaline est garantie dès le départ avec les premières instructions du commandant de bord. Les jeunes estivants par contre préfèrent ramer et naviguer sur la berge, entre eux, face au seul miroir valable à leurs yeux : la foule.
La tendance, cette saison, est aux cheveux teintés blond platine, sur une partie du crâne seulement. La vogue pour les filles est au tatouage des bras, des mains, des épaules et pour les plus téméraires le bas du dos. Le percing du nombril semble dépassé. Signe de ralliement pour tous : marcher en dur avec la même couleur pour les casquettes d'autant que possible, la même pour les maillots de bain. Et puis, il y a les éternels m'as-tu vu qui vont et qui viennent, fiers de montrer leurs pectoraux, huilés, leur corps d'éphèbe et l'Adonis, à la galerie. Il y a aussi le sirènes noires, ces vamps du lointain sud, heureuses pour une fois d'exhiber en public leur plastique et la pureté de leur forme.
On a même aperçu sur ce boulevard, des mignons... un malade mental en bonnet et caleçon d'hiver, battre les vagues avec sa canne… à moins que ce soit l'idiot de la ferme Gomez. Il est 14h et la plage est pleine comme un œuf. C'est l'étuve. L'enfer. On se demande même s'il y aura assez d'eau pour tout ce monde. Ce n'est plus une plage, c'est une baignoire XXL !
Un hammam avec sudation. Les humbles familles qui se sont installées en bout de rade l'ont parfaitement compris. Elles ont ramené dans leurs bagages, faute de mieux, les serviettes de bain maure.
Ni parasol, ni musique de fond, elles ont pris leurs quartiers là où elles le pouvaient, sans se poser de questions. C'est peut-être tout aussi bien et ce n'est pas cher. Ici les repas sont comme les “bâtons de berger”. Il n'y a pas d'heure pour les manger. Des spaghettis passés à la vapeur aux aurores assaisonnés de sauve tomate, le tout servi dans un grand plat en fer blanc et c'est le festin pour les petits.
La fourchette est gaillarde et la sueur dégouline de toutes les joues en même temps que des morceaux de Panzani. Petit plaisir inhabituel par ces temps de disette : la maman distribue un esquimau à chacun de ses enfants. Friandise qu'ils chargent aussitôt… à coups de petite cuillère, comme s'il s'agissait d'un sorbet. Vu de là, à travers le prisme de ce début de crépuscule, les êtres et les choses prennent des dimensions étranges. La foule innombrable de baigneurs qui se rafraîchit dans l'eau, les pédales, les jet-ski, les barques à moteurs, tous entassés les uns à côté des autres, font curieusement penser au débarquement de Normandie avec les hommes grenouilles et ses chars amphibies. Une plantureuse créature aux nattes blondes s'enfonce discrètement au milieu des vagues après avoir déposé délicatement sur le sol, sa serviette éponge. Elle porte l'inscription : Manchester United. Serait-ce la première mi-temps ?
Dans deux heures, à la seconde mi-temps, les étoiles filantes et l'étoile de Johnny Walker ne feront qu'une…
M. M.


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