Critiqués par certains, notamment sur les réseaux sociaux après leur décision de se mettre en grève illimitée, les magistrats viennent de recevoir un soutien de poids, celui de l'avocat et militant des droits de l'Homme, Mokrane Aït Larbi. "C'est la première fois dans l'histoire de la justice algérienne que vous avez décidé d'une grève illimitée qui a été suivie par 98% des magistrats. Cette adhésion est une preuve formelle quant aux grandes souffrances que vous vivez au quotidien et aux pressions qu'exerce sur vous le pouvoir politique par le biais du ministère de la Justice. Vous avez mon soutien dans vos revendications socioprofessionnelles, notamment celles liées à l'indépendance de la justice", a écrit Me Aït Larbi à l'adresse des magistrats, dans un post publié hier sur sa page facebook. Et de poursuivre : "Je crois que le peuple algérien au nom duquel vous prononcez vos verdicts, mais en l'absence de sa volonté, vous soutiendra dans toutes vos revendications si votre objectif premier est de rendre justice sans distinction aucune entre les citoyens et de refuser les instructions illégales quel qu'en soit l'auteur." Son soutien à la cause des magistrats exprimé, le célèbre avocat, partant d'une phrase de Martin Luther King ("Personne ne peut monter sur votre dos tant que vous vous tenez droits"), a fait des reproches acerbes aux hommes de loi, en leur assénant : "Vos problèmes socioprofessionnels et votre asservissement ne sont pas le fait de la force du pouvoir exécutif, mais de la faiblesse du pouvoir judiciaire." Et d'enfoncer le clou : "Il n'y a pas très longtemps, votre syndicat défendait le ministère de la Justice, plutôt que les magistrats, pour préserver des intérêts personnels et conjoncturels." Pour Me Aït Larbi, tout est question de soumission ou de résistance de l'homme de loi face aux injonctions de l'Exécutif. Et de rappeler, pour illustration, que deux magistrats ont pris des décisions diamétralement opposées sur un même cas. "Comment expliquez-vous la libération du détenu Karim Tabbou par un juge et son renvoi en prison le lendemain par un autre juge pour les mêmes faits, alors que les deux juges sont sous la tutelle du même ministère et sont soumis aux mêmes injonctions ? N'est-ce pas là une question de résistance ou de soumission ? Comment avez-vous décidé d'emprisonner, en dehors du cadre de la loi, des dizaines de jeunes ayant déployé le drapeau amazigh ? Comment justifiez-vous l'emprisonnement d'un des héros de la Révolution, Lakhdar Bouregâa, à l'âge de 86 ans, pour avoir exprimé une opinion ?", a-t-il interrogé. "Vous êtes le pouvoir judiciaire et aucune autorité n'est au-dessus de vous sauf celle de la loi. Aussi, vous devez exercer votre pouvoir conformément au principe de l'indépendance et de la responsabilité", a-t-il recommandé, avant d'assener : "L'indépendance de la justice ne se décrète pas ; elle a besoin de la culture de l'indépendance, de la résistance et du sacrifice."