Certains étaient plongés dans une longue hibernation. D'autres étaient inscrits aux abonnés absents quand d'autres, encore empêtrés dans des crises sans fin, ne savaient plus à quel saint se vouer. Pourtant, il aura suffi que le Parlement européen tousse pour qu'ils attrapent la grippe. Eux, ce sont tous ces partis de la défunte alliance présidentielle et toutes ces organisations périphériques, longtemps clé de voûte et bras politique du système Bouteflika. Dans un réflexe qui tient visiblement d'un conditionnement d'opportunisme et d'entreprise de survie, ils se sont brusquement réveillés de leur léthargie pour mener la croisade, relayés par les médias-maison, contre la résolution du Parlement européen qui, faut-il le souligner, n'est pas contraignante. Restée silencieuse de longs mois durant devant le désarroi des travailleurs dans de nombreux secteurs, la fermeture des entreprises et les licenciements à tour de bras, la Centrale syndicale a subitement retrouvé ses réflexes de porte-flambeau des orientations du pouvoir. C'est ainsi qu'elle a décidé d'organiser une marche à Alger en plaidant, sous prétexte de dénonciation de l'ingérence, la cause de la participation à l'élection. Mais le pari n'a pas été à la hauteur des ambitions de ses promoteurs : une faible participation qui traduit le peu de crédit et de représentativité dont jouit désormais ce syndicat qui a été un des soutiens zélés de Bouteflika. Alors que deux de ses ex-secrétaires généraux croupissent à la prison d'El-Harrach, le FLN est, lui aussi, sorti du bois pour crier au loup. Favorable à l'élection, il peine encore à jeter son dévolu sur un candidat par crainte, sans doute, des conséquences de son compagnonnage que les candidats ne souhaiteraient pas visiblement. Même réflexe chez le RND : déstabilisé par l'incarcération d'Ahmed Ouyahia, le RND a trouvé dans la dénonciation de la résolution du Parlement européen matière à visibilité. Le parti TAJ n'est pas en reste : perdu par les radars, il s'est rappelé au bon souvenir des postures appuyant la démarche du pouvoir. C'est aussi le cas de l'UNJA, de l'Onec, de l'UNFA ou encore de… Rabha Tounsi, la présidente de l'Organisation des victimes du terrorisme. Effacés du paysage politique à la faveur de l'émergence du mouvement populaire qui s'exprime depuis février, rejetés par la population, ces partis et organisations tentent, à travers la question de l'ingérence, de se refaire une virginité et de se replacer sur un échiquier qui risquait de les engloutir. Par leurs sorties simultanées, au moment où l'opposition et autres syndicats autonomes, et de façon générale la population qui réclame le départ du système et de tous ses symboles, refusent de faire du bruit autour d'une question qu'ils rejettent au demeurant, ces partis et ces organisations donnent, paradoxalement, la preuve éclatante qu'ils demeurent les relais du pouvoir. En plus de porter préjudice à la crédibilité, déjà entamée, du scrutin, ils contribuent malgré eux à une visibilité de la scène politique. Entre eux et tout l'aréopage de personnalités, de partis, de syndicats et d'associations de la société civile qui ont épousé les revendications du hirak. C'est sans doute l'un des acquis du mouvement : provoquer une décantation au sein des scènes politique et médiatique. Un impératif pour sortir de la confusion qui a longtemps pollué la scène politique.