Le parcours littéraire mais aussi personnel de l'auteur de L'arbre à dires a été évoqué, près de deux heures durant, par Khadda. Le centre diocésain des Glycines à Alger a abrité avant-hier une conférence littéraire animée par l'universitaire, critique et spécialiste de l'œuvre dibienne Naget Khadda. Le parcours littéraire mais aussi personnel de l'auteur de L'arbre à dires a été évoqué, près de deux heures durant, par Khadda. De ses premiers textes à son roman posthume Simorgh, la rencontre a permis de relever les spécificités, notamment génériques, des œuvres du grand écrivain qui se démarquait par un "travail extraordinaire de la langue". Avec les Mammeri, Feraoun, Djebar, Haddah et un peu plus tard Yacine, Dib formait ce qu'on appellera la génération "des pères fondateurs" de la littérature algérienne. La poésie tenait une place à part entière dans son écriture, a fait remarquer Khadda, et c'est à travers celle-ci que son talent d'écrivain s'exprimait le plus. "La teneur poétique va contaminer tous ses romans, à telle enseigne que le dernier roman, qui porte pourtant ce terme générique, est en réalité une poésie." Il était, pour ainsi dire, l'un des premiers à "abattre les cloisons (génériques) de la littérature en Algérie", et sa trajectoire prendra deux lignes parallèles : le roman et la poésie, qui "s'entrechoqueront durant toute sa carrière pour aboutir sur une œuvre prolifique et protéiforme : contes, romans, scénario d'un film qui ne verra jamais le jour, pièces de théâtre, etc.". Les origines de cette "fissuration" seraient dues à la négation de "l'importation d'une littérature coloniale", sur laquelle reposaient pourtant les textes des premiers écrivains algériens d'expression française. "Cette écriture très scrupuleuse, avec toutes les exigences d'ordre pédagogique, était l'apanage des fils de notables qui ont eu accès à l'école française à cette époque." Les années 1950 furent, par ailleurs, très importantes pour Dib, période à laquelle il se considérera à la fois "témoin et porte-parole". En cette même décennie est publié le roman La grande maison, premier volet de la trilogie Algérie, "une fresque de la vie quotidienne des petites gens, avec son lot d'exactions et d'oppression, marquée par une certaine distanciation politique, mais servie néanmoins par une grande précision descriptive". Avec L'Incendie, "c'est finalement le projet politique de témoignage qui va fusionner avec son projet poétique", a déclaré Khadda. La métaphore de l'incendie est une manière de parler de "l'embrasure que connaît l'Algérie", c'était aussi une amorce prémonitoire de la guerre qui allait suivre quelque temps plus tard. Le travail de langue va servir, jusqu'en 1962, année de l'indépendance, le discours politique de Dib qui reste dans sa logique de rupture avec "la littérature coloniale". Après la libération, il rompt avec les formes précédentes, et le réalisme de ses romans antérieurs cède la place à une forme onirique, fantastique que l'on retrouve notamment dans Qui se souvient de la mer ?, roman publié en 1962, qui rend compte de l'horreur de la guerre au travers de "bombes métaphoriques". "Dans la post-face de ce roman, Dib mentionne la corrélation avec le tableau Guernica de Picasso. Avec ce roman, on entre dans une conception de la littérature tout à fait nouvelle." Son parcours littéraire connaît à nouveau un retour au réalisme, "débarrassé, cette fois-ci, des contraintes de vraisemblances", avec des textes très critiques. La danse du roi, publié en 1968, est le roman de la désillusion, qui sera suivi par Dieu en Barbarie et Le maître de chasse où l'écrivain se lance dans une quête de l'ordre du mystique. C'est aussi la tradition orale de son enfance, le soufisme et le sacré qui se manifesteront davantage dans ce diptyque, puis l'amour, thème inexistant dans ses œuvres jusqu'à la publication de la trilogie nordique.