La dépréciation du dinar devrait être plus prononcée en l'absence d'autres mesures d'ajustement pour faire face à la chute vertigineuse des prix du pétrole. Exit les mesures évidentes de retour à la planche à billets ou d'austérité budgétaire et d'instauration de nouvelles taxes ! Face à l'effondrement, bien parti pour durer, des prix du pétrole, l'Exécutif semble décidé à éluder les solutions impopulaires et les ajustements douloureux, préférant dès lors se confiner dans une attitude attentiste, dans l'espoir sans doute d'une amélioration rapide de la conjoncture pétrolière mondiale. Ne sont cependant pas exclues d'inévitables manipulations à la baisse du taux de change du dinar pour agir directement sur la demande interne et la dépense à l'importation. De fait, lors de la réunion d'urgence qu'il a convoquée mardi dernier en réaction à la chute des cours du pétrole, le président de la République a rejeté officiellement le recours à l'endettement extérieur et au financement non conventionnel comme solutions à la détérioration de la situation financière du pays. Le gouverneur de la Banque centrale étant partie prenante à la "cellule de crise" convoquée en la circonstance, de nombreux observateurs y voient dès lors des dépréciations plus prononcées à prévoir sur la parité de la monnaie nationale, d'autant plus que la valeur officielle de cette dernière devra être systématiquement affectée par la dégradation à venir des fondamentaux économiques et par l'aggravation attendue des déficits externes. Bien avant l'apparition de la pandémie du coronavirus et le retournement de la conjoncture pétrolière qui s'en est suivie, la dépréciation du taux de change du dinar, faut-il le rappeler, était déjà à l'ordre du jour, compte tenu de la mauvaise tenue des indicateurs macroéconomiques qui prévalait déjà quand l'hypothèse d'un prix du baril de pétrole à moins de 40 dollars était encore exclue des scénarii retenus par le gouvernement. Devenus assurément caducs, les cadrages économiques fixés au départ à travers la loi de finances en vigueur, sur la base d'un prix de pétrole à 60 dollars, intégraient ainsi une baisse du taux de change de la monnaie nationale pour passer graduellement d'une parité moyenne de 120 dinars pour un dollar, à 123 DA pour un dollar durant l'année en cours, puis respectivement à 128 et 133 dinars pour un dollar durant les deux prochaines années. Censée ainsi être progressive et limitée à environ 10% seulement sur trois exercices, la chute du dinar devrait finalement s'accélérer plus brutalement et plus significativement dès lors que le prix du pétrole retenu au départ est désormais presque divisé par deux actuellement et que cette nouvelle tendance des cours pétroliers mondiaux risque de durer au moins sur une bonne partie de l'année. "Mis à part dévaluer le dinar et réduire le train des dépenses de l'Etat, il est difficile d'envisager des actions fortes et efficaces à court terme" pour faire face à la chute drastique des cours du pétrole, tranche en ce sens le professeur d'économie et finances, Raouf Boucekkine, pour qui, l'option d'un retour rapide à la planche à billets devrait également s'avérer inéluctable, si la mauvaise conjoncture perdure. Quoi qu'il en soit, faute de stratégie claire et de légitimité politique à faire valoir pour amorcer en douceur de nécessaires ajustements économiques, l'Exécutif semble pour l'heure se complaire dans une attitude attentiste, quitte vraisemblablement à prendre le risque de devoir à terme opérer plus brutalement ces mêmes ajustements.